En ce début de 2007, avec l'annonce de la fermeture (envisagée...) des hôpitaux de Ste-Ode/Lavacherie et de Ste Thérèse à Bastogne, il serait bon de rappeller ce que fut, pour nombre d'anciens prisonniers, le site de Ste-Ode. Ci-dessous, veuillez trouver une retranscription de l'article transmis par le Dr SMEETS, pneumologue à Ste-Ode

 

Du " Belgica"
au Centre Hospitalier de l'Ardenne



Si Ste-Ode m’était conté...


Pour lutter contre la tuberculose qui a décimé nombre de prisonniers de guerre pendant la seconde guerre mondiale, la Fédération des Anciens Prisonniers de Guerre (FNAPG) a créé en 1947 le Sanatorium Belgica à Montana en Suisse. D’une capacité de 126 lits, ce sanatorium a fonctionné jusqu’en 1960. Plus de 1800 cas y seront traités.

En 1960, en raison des modifications profondes que subit le traitement de la tuberculose (développement des tuberculostatiques), il est mis fin à l’hospitalisation en Suisse. Le sanatorium fut vendu et les derniers patients ainsi que leurs médecins furent rapatriés à Havré près de Mons.
Parallèlement s’était développé entre 1957 et 1960 une campagne de dépistage de la tuberculose organisée sous le couvert de l’asbl « Radiophotographica Belgica », dans le cadre d’une action nationale pour l’éradication de la maladie menée en même temps par la Ligue contre la Tuberculose et Caritas Catholica.

Entre-temps, la FNAPG, avec le concours des Prisonniers Politiques avait fait l’acquisition en 1950 du Domaine de Sainte-Ode dans la Province de Luxembourg dont le château (Le Celly) allait être aménagé en séjour de post-cure et de convalescence pour les malades rentrant de Suisse (47 lits).
Pendant ce temps, on construisait en contrebas du château, un établissement aux structures architecturales conformes à celles des sanas avec balcons de cure. Le Pavillon Belgica terminé en 1954 a d’abord fonctionné comme Centre de Réadaptation (62 lits) avec comme objectif principal la réinsertion des patients dans le circuit économique : formation de bobineurs, monteurs-électriciens, électroniciens, etc...
A partir de 1962, le pavillon Belgica accueillera les patients rapatriés de Suisse. On l’appellera à partir de ce moment le « Sanatorium Belgica ». Sa capacité est de 62 lits. Une étape importante dans l’évolution de Sainte-Ode se dessine dans les années 60.
Afin d’accueillir des personnes convalescentes et des patients devant poursuivre une revalidation, il sera construit en 1962 une Maison de Cure et de Convalescence de 72 lits. (Aile A, ancien). Malgré son appellation, cette construction prendra rapidement un caractère hospitalier en raison de la valeur de ses équipements de rééducation et du personnel spécialisé qui s’en occupe.
L’intérêt de la cure proprement dite s’efface progressivement devant la pathologie de plus en plus lourde des patients. Une aile clinique de 87 lits (Aile A, nouveau) sera ouverte en 1969 disposant d’un bloc technique comprenant physiothérapie, soins intensifs, radiographie, etc.
En 1969, les 212 lits de Sainte-Ode (y compris ceux du pavillon Belgica) sont agréés conformément à la loi sur les hôpitaux sous l’indice D (Diagnostic - Médecine Interne).
A cette époque, un Comité Scientifique Universitaire est chargé d’étudier les séquelles tardives de la captivité. Des équipes de chercheurs des Universités de Liège, Louvain et Bruxelles travailleront pendant trois ans sur cet objectif
Ces travaux ont permis de montrer que des signes précoces de sénescence apparaissaient chez les anciens prisonniers des camps et qu’ils subissaient un handicap physique et psychique. Par ailleurs, ce sont les prisonniers les plus jeunes qui ont été le plus touchés par le vieillissement prématuré. Un symposium international clôturera cette recherche en 1976.
Ces recherches ont fourni de solides arguments à la revendication des anciens PG et PP sur la réparation forfaitaire de la pathologie de la captivité.
Au régime « cure » qui assurait des traitements réparateurs souvent très longs avait succédé la formule « hôpital » orientée vers la pratique d’une médecine hautement qualifiée permettant, au cours de séjours de moyenne durée, de faire des mises au point internistiques et des traitements appropriés.
Cependant la capacité hospitalière ne permettait plus de faire face à la demande. C’est pourquoi une nouvelle extension de 102 lits fut décidée en 1973. Ces lits reconnus sous l’indice « V » (Revalidation) ont été ouverts en 1976, (Aile B) portant la capacité totale de Sainte-Ode à 313 lits dont 211 agréés en indice D.
Pendant 10 ans, l’institution va se développer, multipliant les sous-disciplines de la médecine interne, attirant des collaborateurs de talent, investissant dans des équipements de plus en plus spécialisés. L’exercice de la médecine interne a ainsi été porté à un niveau scientifique très élevé.
Ste-Ode au tournant de son histoire…

L’institution ne connaît pas de véritables problèmes jusqu’en 1987. Suite aux mesures de restriction de la Santé Publique, le nombre de lits est progressivement ramené de 313 à 261 par la fermeture du Belgica. Devant la diminution progressive de la population « victimes de guerre », une réduction volontaire à 206 lits est décidée fin 94 en raison d’une sous-occupation structurelle.
En mai 95, une nouvelle restructuration est rendue nécessaire compte tenu d’un taux d’occupation insuffisant et d’une durée moyenne de séjour dépassant la moyenne nationale. Le nombre de lits budgétaires est ainsi ramené à 150.

Depuis de nombreuses années déjà, le Pouvoir Organisateur de Ste Ode composé uniquement de représentants des PG et PP, pensait à sa succession. La diminution progressive des victimes de la guerre liée au vieillissement rendait en effet nécessaire un passage du flambeau.

La Fondation Universitaire Luxembourgeoise (FUL) fut candidate à la reprise au début des années 80. Pour diverses raisons, la convention passée avec la FUL fut cependant dénoncée quelques années plus tard.

Sous l’impulsion du Président Raoul Nachez, il fut par la suite envisagé de convertir le site de Sainte-Ode en hôpital universitaire et ce en collaboration avec les trois universités francophones.

Fin des années 80, le Pouvoir Organisateur se tourne finalement vers la Province de Luxembourg. Après une période de cogestion transitoire avec les Victimes de Guerre, la Province de Luxembourg a assuré à partir du 1er juillet 1992 la responsabilité de l'exploitation du Centre hospitalier de Ste Ode.

Lorsque le Président Nachez nous quitte le 23 janvier 1993, le Centre Hospitalier se trouve confronté à de nouvelles difficultés. Pour rester agréé comme « hôpital général » il faut disposer de 3 indices de lits dont Médecine et Chirurgie. Or les lits de Ste Ode se répartissaient fin 1992 entre deux indices seulement : D (Médecine Interne) et G (Gériatrie). Il manquait donc l’Indice C (Chirurgie). Comme il était impensable d’implanter de la chirurgie sur le site de Sainte-Ode, l’hôpital devait donc fusionner avec une autre institution faute de quoi il risquait la fermeture.

Après de multiples hésitations quant au choix du ou des meilleurs partenaires (Bastogne, Marche, Libramont) et après de longues négociations avec la Province de Luxembourg, la fusion avec la Clinique de Libramont a finalement été décidée. Cette fusion est devenue effective au premier janvier 1998. Pendant ce temps, les cliniques de Marche et Bastogne opéraient une fusion identique pour les mêmes raisons de survie.

Ste Ode
au sein du Centre Hospitalier de l'Ardenne

La Clinique de Libramont (comme d'ailleurs tous les hôpitaux de la Province) est gérée par une Intercommunale administrée à 51 % par les communes et par la Province de Luxembourg pour 49 %. Elle comporte 209 lits (87 lits de chirurgie, 61 lits de médecine interne, 22 lits de maternité, 15 lits de pédiatrie et 24 lits de gériatrie).

Une fusion entre ces institutions hospitalières paraissait avantageuse pour les deux partenaires. Elle a, en effet, permis d’assurer la survie de Sainte-Ode, menacée de fermeture, et a donné aux deux partenaires l’avantage de s’insérer dans un ensemble plus vaste, sécurisant tant par rapport aux contraintes imposées par les pouvoirs de tutelle que vis-à-vis de la pression croissante de la concurrence.
L’objectif général de la fusion est d’offrir à la population desservie par ces deux institutions ainsi qu’aux victimes de la guerre, un programme complet et cohérent de soins et de services, compétitifs sur le plan de la qualité, tout en assurant la viabilité et l’autonomie financière de l’ensemble ainsi constitué.

Le Centre Hospitalier de l'Ardenne, issu de la fusion entre la Clinique de Libramont et le Centre Hospitalier de Ste Ode est devenu une réalité depuis le 1er janvier 1998.
La restructuration des différents services médicaux et techniques sur les deux sites a eu l'avantage de mieux préciser les vocations respectives de ceux-ci.Tous les services "aigus" médicaux et chirurgicaux sont regroupés sur le site de Libramont tandis que sur le site de Ste Ode se développent la revalidation et la gériatrie.

Le CHA est une des premières entreprises de la Province de Luxembourg. L’institution totalise 353 lits et occupe plus de cent médecins ainsi que 800 membres de personnel. Le chiffre d’affaires est d’environ deux milliards de francs par an.
Dans le cadre des inévitables restructurations, une attention toute particulière a été donnée au développement des secteurs gériatrie et revalidation. Il s’agit d’une petite révolution culturelle. En effet, le concept "gériatrie" est relativement nouveau et mérite qu'on s'y attarde quelque peu. Pour beaucoup, la gériatrie est la médecine interne de la personne âgée, pour d'autres il s'agit en quelque sorte d'une médecine de deuxième rang par comparaison aux activités spécialisées plus aiguës, pour d'autres enfin, les services de gériatrie ne sont que des services où on peut transférer des patients initialement admis dans un service aigu et ne requérant plus de soins spécialisés d'une discipline donnée.

La vraie approche gériatrique est toute autre. La personne âgée est un adulte enrichi de toutes les expériences de la vie. Elle possède des droits à respecter et des devoirs à sauvegarder. Elle mobilise parfois plus difficilement ses ressources et ce de manière momentanée ou définitive. Elle est souvent confrontée à des pertes qui doivent être reconnues et considérées. Il en est ainsi par exemple de l'état nutritionnel de ces patients qui doit être considéré comme déficient chez plus de la moitié des patients admis en service G. En outre, la personne âgée rencontre des difficultés à conserver son indépendance et son autonomie, de manière transitoire ou durable. Ces difficultés doivent être identifiées distinctement, acceptées et, si possible, traitées.

L'approche gériatrique consiste donc, avant tout, à considérer la personne âgée comme un tout et à améliorer son bien être physique, psychique et social par des soins interdisciplinaires adaptés.

Sans occulter les soins spécialisés particuliers qui sont parfois nécessaires (cardiologie, pneumologie, rhumatologie, neurologie, etc…) l'environnement gériatrique s'attache donc en priorité à la revalidation et à la réalimentation du patient âgé. Sont considérés comme également prioritaires le traitement de la douleur et la prise en charge des crises médico-sociales.

Une attention particulière est donc portée à la vie quotidienne à l'hôpital, au traitement de la douleur tant physique que morale, au rétablissement de la personne dans son autonomie, et à la préparation et au suivi du retour à domicile.

Le site de Ste Ode dispose d'atouts majeurs pour devenir le centre d'un réseau de soins gériatriques allant des courts séjours aigus aux soins palliatifs en fin de vie en passant par l'hôpital de jour gériatrique.

De plus, le personnel et les médecins de Ste Ode ont une longue expérience de la personne âgée. Beaucoup de victimes de guerre ayant bénéficié dans le passé de mises au point et de traitements médicaux à Ste Ode ont pu apprécier la qualité de l'accueil et de la prise en charge des personnes âgées.

C'est justement d'un tel accueil que la population vieillissante des victimes de guerre a besoin. Cette "prise en charge globale " ne se retrouve pas partout. A Ste Ode, elle est et reste naturelle.

La médecine physique et la réadaptation ont toujours été un des fleurons de Ste Ode. L'infrastructure et l'équipement technique ont permis à une équipe de kinés bien rodés de rendre d'excellents services à une population souvent fort handicapée. Depuis quelques années, Ste Ode a acquis la confiance des chirurgiens orthopédistes de la région et même de beaucoup plus loin pour la revalidation post-prothèses et post-traumatique.

La réhabilitation pulmonaire pour les patients atteints de maladies respiratoires chroniques telles qu’asthme, bronchite chronique, emphysème, fibrose, etc.. fait également la réputation de Ste Ode. Une convention particulière avec l'INAMI entrera en application au début de l'année : elle couvrira l'ensemble du programme de réhabilitation pulmonaire donnant ainsi la possibilité de développer davantage le réentrainement à l'effort des insuffisants respiratoires, la rééducation de la respiration, l'éducation du patient et le support psycho-social. Ste Ode fait partie des quatre centres agréés par l'INAMI pour trois ans (La Gleize, KUL Leuven, AZ Gent et Ste Ode).
Une demande de reconnaissance comme centre de revalidation cardiaque vient également d’être introduite à l’INAMI. Ceci permettra une meilleure prise en charge des patients cardiaques soit après leur infarctus, soit après un pontage, soit encore après un remplacement valvulaire. Ce centre pourra également jouer un rôle préventif dans les coronaropathies.

L'accent mis sur la revalidation neuro-locomotrice et cardio-pulmonaire trouve encore davantage sa concrétisation dans l'ouverture de 5O lits Sp (revalidation) sur le site de Ste Ode. C'est dire l'importance que le Pouvoir Organisateur du CHA attache à ce secteur de revalidation. Or la population Victimes de Guerre a un besoin permanent de revalidation. Pensez aux multiples fractures de hanches, aux prothèses de hanches et de genoux pour ne citer que celle-là.

Le département de neurologie et de psychosomatique s'est récemment doté d'un médecin psychiatre supplémentaire pour mieux encore prendre en charge les patients hospitalisés. Le service des urgences à Libramont a prévu une structure d'accueil pour les crises psychiatriques aiguës ne nécessitant cependant pas une admission en milieu spécialisé (Bertrix).

Le service de cardiologie à Ste Ode avec toutes ses techniques de mise au point affinées travaille en collaboration étroite avec les cardiologues de Libramont. Certains examens plus invasifs sont effectués sur le site de Libramont pour mettre le patient dans des conditions de sécurité optimale (par ex. les coronarographies).

Depuis le début de l'année 98, une Unité de six lits de Soins Palliatifs a vu le jour sur le site de Ste Ode. La prise en charge en fin de vie d'une personne atteinte d'une affection incurable se fait de préférence à domicile. Malheureusement, cela n'est pas toujours possible pour des raisons pratiques, parfois le patient en fin de vie requiert des soins et des traitements anti-douleur qu'il est difficile de prodiguer à domicile. Le recours à l'hospitalisation s'avère alors indispensable. Une prise en charge plus conviviale, plus familiale dans une unité centrée sur le confort de la fin de vie constitue un atout précieux et vient utilement compléter la gamme des services que le CHA peut offrir à la population. Ce service de soins palliatifs travaille en étroite collaboration avec les équipes de soins palliatifs à domicile.

Le recentrage de toutes les activités aiguës sur le site de Libramont et le développement des services de revalidation et de gériatrie sur le site de Ste Ode permettent à chacun de mieux situer son rôle dans le cadre du Centre Hospitalier de l'Ardenne (CHA). Fort de ses 166 lits, Ste Ode fait maintenant partie d'un ensemble plus vaste totalisant 353 lits, donc mieux armé pour faire face à l'avenir.

La population PG et PP y trouve aussi son intérêt. Les victimes de guerre continuent à bénéficier des mêmes avantages qu'auparavant non seulement sur le site de Ste Ode, mais également sur le site de Libramont. Elles peuvent ainsi recourir aux soins aigus, à la revalidation ou à la prise en charge gériatrique jusque et y compris la fin de vie pour les patients atteints d'affections incurables.

Un "Hôtel Hospitalier" a été ouvert voici plus de deux ans. Il est accessible aux accompagnants de patients hospitalisés sur le site de Ste Ode. Il est également ouvert à des patients requérant des soins de kiné ne nécessitant pas d'hospitalisation. Enfin, les victimes de guerre peuvent bénéficier d'une "cure de 28 jours" à Ste Ode après accord de l'INIG.

Il faut cependant savoir qu'à l'hôtel hospitalier il n'y a pas de soins infirmiers prévus ni de surveillance médicale. Les personnes qui y séjournent doivent être totalement autonomes et ne requérir aucun soin de nursing, y compris les toilettes. De même, les repas sont servis exclusivement à la cafétéria.

Un nouveau centre de Dialyse rénale s’ouvrira au début de l’an 2000 sur le site de Libramont. Enfin, les services médico-techniques tels que l'imagerie médicale, la médecine nucléaire, le laboratoire, se trouvent renforcés par leur intégration dans des structures plus larges et donc forcément plus performantes sur le plan scientifique et économique. Ils constituent les outils indispensables à une médecine de qualité au service des patients. L'implantation de nouvelles "techniques lourdes" au sein du Centre Hospitalier de l'Ardenne est prévue au début du troisième millénaire : un centre de radiothérapie s’ouvrira à l’automne 2000, en collaboration avec l’Université de Liège.

Ainsi donc, Ste Ode est toujours bien vivant à l'aube de l'an 2000. L'œuvre des Victimes de Guerre se perpétuera au sein du CHA dans des services tels que la gériatrie, la revalidation et les soins palliatifs. La fraternité des camps qui a été à l'origine de Ste Ode a marqué à tout jamais le personnel, les médecins et tous ceux qui œuvrent à Ste Ode. La camaraderie qui a toujours existé à Ste Ode entre les patients PG - PP a permis de maintenir un climat d'accueil et une chaleur humaine au sein de l'hôpital fort appréciée par les patients non victimes de guerre. Qu'il soit rendu hommage ici à feu le Président Nachez qui a su insuffler à cette institution un "esprit d'accueil et d'ouverture" qu'on ne trouve nulle part ailleurs.
La Direction du Centre Hospitalier de l’Ardenne metttra tout en œuvre pour que soit maintenu cet esprit. Elle remercie la communauté des anciens Prisonniers de Guerre et Prisonniers Politiques pour leur confiance.


contact: hbh

Page créée le 17/01/07. Dernière MAJ: 17/01/07 6:35 PM