Franz Schmitz - Geai serviable
(1911-1979)

Les aventures de guerre du chef de troupe de la Vème Famenne



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Sommaire
                                 
Franz Schmitz, 1er Chef de Troupe de la Vème Famenne, dont il sera, à partir de fin 1952, Chef d'Unité
 
Ce document a été établi en référence à un rapport rédigé par l’Abbé Pierret [1] , aumônier scout, au lendemain de la guerre 1940-1945, d’après les récits de Geai serviable, chef de troupe de la 5ème Famenne [2] .
Il a été documenté par Jean-Louis Schmitz à partir de témoignages, de recherches menées auprès de services spécialisés de l’Etat belge, du centre de documentation du Musée royal de l’Armée et d’histoire militaire, de consultation de dossiers familiaux, d’articles et ouvrages relatifs à la seconde guerre mondiale.
 
Position (résumé) : Milicien, prisonnier de guerre évadé, résistant armé, agent de renseignement et d’action, prisonnier politique. 
 

 

Date / période

Etat de services

Distinctions

1

Septembre 1939

Mobilisation - Chasseurs Ardennais, compagnie des chars légers T.13 (chauffeur)

 

2

10 mai au 28 mai 1940

Compagnie T.13 de la Position Fortifiée de Namur (PFN) : protection du champ d’aviation d’Evere, accompagnement (combattant) de la retraite de l’armée belge : Escaut, Roulers ; capitulation le 28 mai, matin.

Trois citations à l’ordre du jour de son unité. 

Croix de Guerre 1940 avec Palme

3

28 mai 1940 au 23 mars 1943

Prisonnier de Guerre en Allemagne ; trois tentatives d’évasion (la1ère en Belgique, à peine fait prisonnier ; les deux suivantes, de Poméranie).

Médaille du Prisonnier de Guerre 1940-1945 avec trois barrettes.

 

4

23 mars 1943

Evasion d’Allemagne – le « grand hike » (à la quatrième tentative). En réalité, évadé le 15 mars et rentré en Belgique le 23 mars 1943 !

Croix des évadés (décernée par Arrêté du Régent du 22 novembre 1946).

5

23 mars 1943 au 14 octobre 1944

Résistant armé (Groupe Général de Sabotage de Belgique ou « Groupe G »).

Médaille de la Résistance (attribuée par Arrêté n°3475 du 28 janvier 1947 de SAR le Prince Régent).

Adjudant ARA [3] , Groupe G (matricule 6671).

6

1er juin 1943 au 30 novembre 1944

Agent de Renseignements et d’Action (Groupe G). Chef du service « matériels et liaisons » de la Région 1 du groupe G

Auxiliaire des Services de Renseignement et d’Action de 2ème et de 1ère Classe. Nomination par Arrêtés du 8 juin 1951 (n°3638 et 3639), par le Ministre de la Défense Nationale.

7

13 août 1944 au 8 septembre 1944

Prisonnier politique (prison d’Arlon) ; condamnation à mort.

 

Croix du Prisonnier Politique de la Guerre 1940-1945 ; ruban surchargé de 3 barrettes et 2 étoiles (décernée par Arrêté royal n°275 du 10 juillet 1951).

8

8 septembre 1944

Libération in extremis de la prison d’Arlon par les américains !

 

9

9 septembre 1944

Retour à Marche. Se remet des sévices subis par les interrogatoires musclés de la Gestapo à Arlon (attestation du Chanoine Poncelet, co-détenu à la prison d’Arlon, du Dr Pierre Ledoux, …)

Médaille Commémorative de la guerre 1940-1945 avec deux Sabres croisés et deux éclairs entrecroisés.

 

15 octobre 1944

Rentrée au service de la compagnie Luxembourgeoise d’Electricité (attestation de Jean Gribomont, directeur de la Compagnie Luxembourgeoise d’Electricité, du 18 février 1950). 

 

 

Durant l’offensive Von Runstedt

Accompagne et guide les troupes américaines …

 

Autres distinctions

Ø      Chevalier de l’Ordre de Léopold II, avec Palmes et attribution de la Croix de Guerre avec Palme.  Nomination par Arrêté de S.A.R. le Prince régent du 26 avril 1946 (n°2244) ; réception au Palais de Bruxelles le jeudi 21 mars 1946 à 9h30 (bénéficiant d’un transport gratuit par train, pour la circonstance). 

Ø      King's Medal for Courage in the Cause of Freedom [4] (distinction britannique).

Ø      Médaille de France Libérée (mention manuscrite de : « Médaille française de la libération ») [5] . 

 

                  

                   

 

                                                                
Emblèmes des Chasseurs Ardennais et du Groupe-G
Il a grandi à Marche où ses parents sont venus s’installer fin janvier 1914 [6] , quelques mois avant le déclenchement de la première guerre mondiale, venant de Beho, mais procédant de Bastogne.
 
Famille Schmitz, rue des « trois bombes (actuelle rue des Tanneurs n°5), côté cour, en 1917 (ce lieu existe toujours, mêmes pierres de taille) ; l’ainé, Franz, en bas à gauche. 
 
Franz a passé plusieurs années au juvénat [7] ou collège du Sacré-Cœur de Tervueren ; une photo « Pères et élèves » l’y montre en 1925 et une lettre de sa sœur Marie-Louise lui est adressée au Junévat en 1929, l’invitant à faire une prochaine fois (référence à la dernière photo reçue), « plus aimable figure », le comparant à un « vieux loup de mer dont le bateau venait d’être retourné par la tempête » !  Mais à l’évidence, et la mine peu « aimable » de la photo en est peut-être un indicateur, il n’a pas la vocation, et si le séjour au Juvénat lui a ouvert l’esprit, il aspire à une vie sans doute plus active, correspondant mieux à son tempérament. A noter qu’il n’a jamais évoqué en famille ce passage par le juvénat de Tervueren !
L’austère Juvénat des Pères du Sacré-cœur, à Tervueren
En 1929, à l’âge de 18 ans, il commence donc à travailler en tant que monteur électricien pour la firme ELINDO-Capelle Frères (rue Porte Haute, à Marche), sous les ordres de Monsieur Maurice Franchimont (août 1929 à fin mai 1932). Parallèlement, il suit assidument les cours d’électricité donné à l’Institut Saint Remacle par Monsieur Jean Gribomont, ingénieur civil et directeur de la Compagnie Luxembourgeoise d’Electricité (CLE), dont le siège se trouvait avenue du Monument. Monsieur Gribomont le prendra en affection, veillera à sa formation avant de l’engager. Il effectuera l’essentiel de sa carrière professionnelle dans le cadre de la « Cie Luxembourgeoise » [8] et d’ESMALUX (cf. 9.4).
Son dossier militaire indique qu’il était de la « Classe 1931 » (incorporé le 1er septembre 1931 en qualité de milicien), sursis ordonné … ; il n’a cependant effectué son service militaire qu’à partir de 1936, à Arlon, « astreint à accomplir 8 mois de service » (du 15 octobre 1936 au 15 juin 1937), sans explication à cette situation. Matricule « 110/88750 », il relève alors du groupe d’artillerie de Chasseurs Ardennais. Sa fiche de matricule mentionne sa taille : 1,60 m. ; la couleur de ses yeux : bleus-gris-ardoise ; et précise qu’il a les cheveux châtains, et porte une cicatrice de blessure au genou droit.
Impliqué très tôt dans les activités sociales et culturelles de Marche (groupement de jeunesse, théâtre, …), il est co-fondateur de l’unité scoute de Marche (5ème Famenne) mise officiellement sur les fonts baptismaux en juin 1936, dont il sera le 1er chef de troupe [9]  ; son totem scout : Geai serviable !
Il est rappelé pour quelques jours au service militaire à partir du 26 septembre 1938.
 


 
1er camp scout à Ferage, en 1936 ; Geai à gauche, l’aumonier Léon Pierret à droite

 

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne sur ordre d’Hitler, sans déclaration de guerre préalable. Le lendemain, le Royaume-Uni et la France adressent un ultimatum à l’Allemagne, lui laissant une dernière chance de retirer ses troupes de Pologne. Le 3 septembre, le Royaume-Uni et son empire) à 11h, la France (et son empire) à 17h, l’Australie et la Nouvelle-Zélande à 21h30, déclarent la guerre à l’Allemagne. C’est le début de la « drôle de guerre » qui se termine le 10 mai 1940 par l’invasion de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et de la France ; c’est aussi le début de la bataille de l’Atlantic.
Franz est mobilisé dès la fin du mois d’août (rentré de congé illimité le 26 août 1939) et rejoint sa compagnie de chars légers T.33 (Chasseurs ardennais).
Son matricule (inchangé) : 110 887 50. 
On peut imaginer l’esprit dans lequel se trouvent ces jeunes hommes, d’adonnant pleinement aux manœuvres et exercices pour tromper leur ennui et les incertitudes suscitées par la situation internationale. Les manœuvres effectuées avec les chars T.13 les ont notamment amenés à traverser la ville de Marche, suscitant l’enthousiasme de la population pour ses « chasseurs ardennais » et un sentiment de fierté pour leurs proches.  
Les paroles de la marche des chasseurs ardennais traduisent aussi l’esprit qui anime nos soldats en ce moment crucial :
« Debout sur la frontière,
Aux flancs des noirs coteaux
Voici la troupe altière,
Qui veille sans repos » …
« Debout toujours face à l’étranger,
Sous le ciel clair et sous le ciel tragique,
Fusil au poing, hardis, l’œil aux aguets,
Nous défendrons le sol de la Belgique
En défendant le vieux sol ardennais » …
 
Chant des chasseurs ardennais
Marche du 1er régiment des chasseurs ardennais 
Dans le « journal » de l’Unité scoute de Marche, Moustique (totem d’Henri Gribomont), rédacteur en chef, consigne : « De temps en temps Geai nous revient. Notre brave chef prend juste le temps d’enlever son uniforme et accourt nous dire bonjour à la réunion. Ah, si au lieu de le fourrer aux cent mille diables dans le Luxembourg, on le laissait tout près de chez nous, on pourrait au moins aller faire un hike, là où il se trouve … quelque part en Belgique ! ».
C’est à ce moment que débute la relation, par l’abbé Pierret, des aventures de guerre de Geai serviable, dont les états de services sont résumés ci-dessous.  
Mobilisé depuis un peu plus de 8 mois, Geai attend la suite des événements au sein de son unité, le 1er (régiment) Chasseur Ardennais, T.13 [10] (compagnie de tanks légers), lorsque le 10 mai [11] débute l’opération Fall Gelb (« plan jaune » ou « coup de faucille »), offensive Allemande à l’ouest contre la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France, l’objectif étant l’invasion de la France. C’est le début de la guerre pour la Belgique ! 
Les 10 et 11 mai, les Chasseurs ardennais retardent les Allemands en Ardenne belge, aidé par la topographie tourmentée du massif ardennais et les routes étroites et sinueuses.
La carte des « états de services » de Geai mentionne pour la période 10 au 28 mai 1940 : « Position Fortifiée de Namur » ou « PFN ».
Chauffeur de T.13, Geai se trouvait à bord de son « canon automoteur, chasseur de char » en compagnie trois autres soldats [12]  .  
La compagnie des T.13 de la PFN a fait l’objet d’une intéressante publication dans la Revue Belge d’Histoire Militaire [13]  : 
Résumé : chronologie détaillée des combats menés par une division de chasseurs de chars blindés (les T.13) de l'Armée belge entre la fin du mois d’août 1939 et mai 1940.
Consultation (et photocopies) au Centre de documentation du Musée royal de l’Armée et d’Histoire Militaire, Parc du cinquantenaire 3, B-1000 Bruxelles ; tél. 02/737.78.11 (= central).
La chronologie suivante constitue un résumé de l’article du Lieutenant-colonel Honoraire A. Bikar ; en effet, la relation de la campagne des 18 jours de Geai, faite par l’abbé Léon Pierret, est très laconique, n’entrant pas dans le détail des mouvements et des opérations. Une des particularités de la Compagnie de T.13/PFN (composée de 12 engins) est d’avoir été envoyée d’une grande unité à l’autre sur ordre du GQG et, à partir du 17 mai, d’avoir été scindée (compagnie et pelotons), afin de renforcer les unités combattantes ou de faciliter le repli de l’armée. De ce fait, il n’était pas facile d’en reconstituer le cheminement précis et moins encore de retracer les mouvements de chacune des 12 « chenillettes » composant la compagnie. 
D’après le règlement sur l’Organisation de l’Armée sur le pied de paix, la compagnie de T.13 de la PFN devait être créée le 1er octobre 1939, être rattachée au 1er régiment de Chasseurs Ardennais et compter 16 « auto porte-canon de 47 » (autrement dit des T.13.). Mais la mobilisation est intervenue fin août 1939, accélérant le programme de création d’unités, si bien que la Cie de T.13/PFN fut réellement formée dès le 18 septembre 1939, mais sans ses T.13 qui ne furent reçus qu’en octobre, et seulement au nombre de 12 pour former trois pelotons au lieu des 4 prévus. La compagnie est à la caserne de Flawinne (4 km à l’ouest de Namur), où se trouve le Dépôt du 1er chasseur Ardennais.
En janvier 1940, la compagnie est en garnison à Bruxelles ; au mois de mars, elle est toujours à Bruxelles, et dépend du IV Corps.
Le 1er mai 1940, la compagnie de T.13/PFN se trouve toujours à Bruxelles, sous les ordres de la Brigade de Cavaliers Portés (BrCP), mais celle-ci passe sous les ordres de la 2ème DC ; la T.13/PFN reste en place, sous les ordres directs de cette 2ème DC ; une fois par semaine, elle doit être mise à la disposition des unités du VIème Corps casernées dans la ville pour des exercices. Ce même 1er mai, le GQG émet son ordre n°121/112 intitulé « Défense des terrains susceptibles de servir au débarquement de troupes transportées par avion ». Il y est notamment dit que le commandant de la 2ème DC fera cantonner à Woluwe-Saint-Etienne une Cie de T.13, chargée d’intervenir sur l’aérodrome d’Evere (et le terrain de Zaventem). 
Le 2 mai, la Cie de T.13/PFN reçoit effectivement l’ordre de faire mouvement le lendemain 3 mai de Bruxelles vers Woluwe-Saint-Etienne [14] où elle cantonnera ; elle est chargée d’intervenir sur l’aérodrome d’Evere et le terrain de Zaventem, en cas d’arrivée d’ennemis par la voie des airs ; elle devra avoir une liaison permanente avec le personnel de garde de l’Aéronautique militaire.
Le 8 mai, l’état-major de la 2ème DC prescrit qu’à partir de ce jour, les unités se muniront de leurs armes et munitions pour se rendre au travail ou à l’exercice.
Dans la nuit du 9 au 10 mai 1940, la Cie des T.13/PFN est mise en état d’alerte comme toutes les unités belges. Elle dispose à ce moment de 12 chenillettes T.13 sur les 239 que comptait l’armée belge à cette date.
Le 10 mai, l’aérodrome d’Evere subit un bombardement aérien.  Trois unités blindées, dont la Cie T.13/PFN, constituent le « Bataillon T.13/2ème DC ». A 10h08, on inscrit dans le cahier des communications téléphoniques de la 2ème DC : « liaison assurée au bataillon T.13/2ème DC, sauf avec la Cie de T.13/ PFN, toujours en route ». Durant cette même journée, la Cie T.13/PFN passe sous les ordres du VIème Corps, dont l’état-major se trouve à Bruxelles (lors que celui de la 2ème DC est à Louvain).
Le 11 mai, un message téléphonique du GQG au 6ème Corps précise que le 6ème CA peut faire appel à la Cie T.13/PFN à la Place Dailly (emplacement de la caserne « Prince Baudouin » à Schaerbeek) pour intervenir contre les détachements de parachutistes, mais demande « de ne pas envoyer ces détachements sans prévenir au préalable ». Les T.13 ne devront pas intervenir. 
A partir du soir du 11 mai jusqu’au soir du 15 mai, la Cie relève de la 1ère circonscription Militaire (Bruxelles), organisme territorial et non de campagne ; la compagnie de T.13 garde la même mission anti-parachutiste.
Le 15 mai, dès 6h55, le major Defraiteur, de la 1ère section du GQG, prescrit à la Cie T.13/PFN de se rendre avant midi à l’église de Berchem (faubourg d’Anvers), et à 8h40, le Vème corps averti ses 13 et 17ème DI qu’elles recevraient chacune 6 T.13. A 10h45, la 17ème DI demande au Vème Corps vers quelle heure les T.13 arriveront ; il lui est répondu qu’il s’agit de la Cie T.13/PFN et que les pièces iront à Wilmarsdonk, digue 200 mètres au nord-ouest de la digue couverte.
Le 16 mai, la Cie de T.13/PFN ainsi écartelée ne va guère rester dans la zone du Vème corps ; en effet, avant même qu’elle ne soit arrivée, de nouveaux ordres émanent du GQG, dont un mettant la Cie de T13/PFN aux ordres du IVème corps, dont le QG se trouve à Mortsel (Vieux-Dieu). Le lieutenant Henrion, commandant de la Cie c47/T.13/PFN, arrive au QG à 20h30 avec 6 pièces ; les 6 autres qui sont à la 13ème DI sont censés arriver sous peu. Mais pour ces dernières il semble y avoir eu contre-ordre car elles sont restées à la 13ème DI (du Vème Corps). 
Les 17 et 18 mai, les T.13/PFN sont envoyés en renfort par groupes (de trois, de deux) ou isolément en renfort à diverses unités soit pour accompagner et protéger le repli des troupes (opérations d’arrière-garde destinées à permettre notamment le passage des troupes sur le pont à bateaux à Basel), soit pour ratisser des zones de pénétration de l’ennemi (intervention aux alentours de Lierre, des patrouilles Allemandes ayant franchi la Nèthe au sud-ouest de la ville). Des ordres d’intervention concernent le pont de Hoboken, Duffel, …
Le 18 mai à 15h, le GQG (message n°441-20 du général Van Overstraeten) annonce que les compagnies de T.13 de la PFN et de la 8ème DI seront rendues au clocher de Meirelbekele 19 mai à 4 heures pour être mises à sa disposition.
Le 20 mai, dans l’Ordre de Bataille de l’Armée, établi à 18 heures, on trouve la Cie de T.13/PFN parmi les éléments non endivisionnés (ENE) du IVème Corps ; elle est stationnée à Ruddervoorde. Ce jour-là, le lieutenant général Bogaerts, commandant du IVème Corps, fait l’éloge de la brave Cie de T.13/PFN (citation à l’ordre du jour) : « Je cite à l’ordre du jour du IVème corps, …, et la Cie de T.13/PFN pour l’énergique résistance opposée par leurs détachements aux attaques allemandes sur la Nèthe dans la journée du 17 mai. Par l’ardeur combative déployée au cours de la contre-attaque qui a repris Lierre, par la ténacité dans la défense des points de passage, les unités au combat ont permis le décrochage méthodique des 15ème et 12ème DI que les attaques allemandes menaçaient dangereusement en flanc ».
Le 21 mai, à 18h, le sergent Eloi Prevot, de la Cie T.13/PFN, est signalé en panne sur la route de Bruges à Ghistelles, à hauteur de Saint-André ; il lui manque un train complet de galets …
Le 22 mai, le commandant du l’IVème Corps mentionne, parmi les renforts, la Cie de T.13/PFN « à ma disposition » ; la compagnie stationne à Roulers. Le 23 mai, elle s’y trouve toujours.
Le 24 mai, la compagnie est à Aardappelhoek, où se trouve le QG du l’IVème corps, qui a sous ses ordres les 1ère, 3ème et 10ème DI.
Le 25 mai, au cours de la bataille, deux pelotons de la CIE de T.13/PFN (7 en réalité) sont donnés par le commandant du IVème corps en renfort à la 10ème DI. Le 26 mai, 4 T13/PFN sont portés sur le chemin de fer Ypres-Roulers. Dans la nuit du 26 au 27, les engins blindés assurent des missions de sécurisation et sont disposés de manière isolée.
Le 27 mai, un ordre de la 10ème DI émis à 20 heures mentionne une réserve mobile où figure la Cie de T.13/PFN, mise sous les ordres du commandant de la Cie de T.13/10ème DI.
Le 28 mai, la Cie de T.13/PFN figure dans la liste des destinataires de l’ordre du IVème Corps intitulé « suspension des hostilités » !
L’armée belge ne s’est pas immédiatement disloquée après la capitulation ; la Cie T.13/PFN passe sous les ordres de la 2ème DC ; une liste de toutes les unités de l’armée, datée du 2 juin 1940, indique en effet que la 2ème DC comportait notamment la Cie de c.47 sur T.13/PFN.
Cette chronologie permet de reconstituer le parcours de la Cie de T.13/PFN à laquelle a appartenu Geai, sans toutefois connaître le détail des mouvements de son peloton ou de sa chenillette pour les journées chaudes de combat.
Mais revenons à la relation faite par l’abbé Pierret de la « Campagne des 18 jours » de Geai.  
… Son unité fut affectée à la défense de l’aérodrome d’Evere et fut dirigée vers Woluwe-Saint-Etienne. Elle eut ensuite comme mission de protéger la retraite de l’armée belge. Elle fut citée trois fois à l’ordre du jour. Puis ce fut le repli dans les Flandres, derrière l’Escaut où ils se postèrent. Plusieurs fois en contacts avec l’ennemi, ils détruisirent cinq chars et des nids de mitrailleuse.
Enfin, dans les environs de Roulers (Roeselare), ils se retrouvèrent encerclés par les Allemands. C’est alors qu’ils apprirent, le 28 mai, vers 6 heures du matin, la capitulation de l’armée belge.
Le premier souci du chef de troupe Geai fut de saboter son char en faisant « sauter les fourchettes des deux manches à balles ». Ceci lui valut les remontrances de son sergent verviétois : « n’est-ce pas malheureux de saboter un si beau matériel ; les autorités belges nous ont donné l’ordre de le remettre tel qu’on nous l’avait donné » …
Soldats allemands examinant un T.13 abandonné (sce : Belgian Tanks)
 
Une description du chasseur de char T.13 est présentée en Annexe avec quelques anecdotes provenant des témoignages de Joseph Schmitz (frère cadet de Franz) et d’Anne-Marie Collard-Masson, bastognarde originaire de Marche, et sœur de l’abbé Ch. Masson (dont le totem scout était Putois humoriste). Dans un poème original, ce dernier évoquait son amitié pour Geai, qu’il qualifiait d’homme des bois :  « Ami de l’homme des bois / Je n’aime pas les cheftaines / Car elles n’ont pas, ma foi / D’quoi consoler mes peines ».
Décès tragique de l’abbé Gérard Van der Straten-Waillet, Abeille volontaire, le 23 mai
 C’est aussi à Roulers que quelques jours plus tôt s’est déroulé un évènement dramatique qui a marqué à l’époque la jeune Unité scoute de Marche. En effet, l’abbé Gérard Van der Straten - Waillet, Abeille volontaire, parmi les fondateurs de la Vème Famenne et 1er chef de clan en 1937, soldat brancardier au 1er régiment de Chasseurs Ardennais est tombé au champ d’honneur de Swijnaerde. Il est mort en tentant de sauver et de protéger de son corps un compagnon d’armes, père de famille. Il décède le soir même à l’hôpital militaire de Roulers, le 23 mai 1940, jour de la Fête-Dieu.
Un compte rendu des 13 jours de « Campagne » et de la fin héroïque de l’abbé Gérard Van der Straten a été rédigé par l’abbé Pierret à l’adresse de sa famille. Ce document, dont un exemplaire original a été conservé par Franz Schmitz, est présenté en Annexe.
 
Protocole de capitulation du 28 mai 1940
L'armée belge dans son ensemble dépose les armes immédiatement et sans conditions et est à considérer comme prisonnière.
En conséquence et à la requête du commandant de l'armée belge, l'armistice entre les troupes allemandes et belges est entré en vigueur le 28 mai 1940 à 5 heures (heure allemande) et à 4 heures (heure belge).
Ceci ne concerne pas les opérations allemandes contre les armées françaises et anglaises qui continuent à sa battre.
Pour éviter des erreurs, les troupes belges se feront reconnaître par des drapeaux blancs. Elles cessent immédiatement tout mouvement et attendront, en bordure des routes, les instructions ultérieures [15] .
Les Chasseurs Ardennais durant la campagne des 18 jours
En mai 1940, les Ardennais remplissent magnifiquement leur devoir, forçant l'admiration de l’ennemi ; ils se battent courageusement du début à la fin, faisant ainsi honneur à leur devise ("Résiste et Mords").
Pour l'ensemble de la brève Campagne des 18 Jours, les Chasseurs Ardennais auront reçu 6 citations : "Ardennes 40", "La Dendre", "Vinkt", "La Lys 40", "Canal Albert", "Bataille de Belgique 1940".
Les Anglais, impressionnés par les actions des Chasseurs Ardennais, doteront leurs commandos de bérets verts, en hommage à leur bravoure.
Le 1er Ch. A. recevra en outre, suite aux combats livrés dans la région de Neufchâteau, la Croix de Guerre française avec palme, et la fourragère aux couleurs de l'Ordre de Léopold. Les autres régiments recevront également la fourragère.
Plusieurs réseaux de résistance adopteront, en signe de symbole, le béret vert des Chasseurs, et certains groupes, comme celui d'Orchimont (Armée Secrète), compteront dans leurs rangs de nombreux Chasseurs rescapés de la Campagne de 40.
Du 10 au 28 mai 1940 (les 18 jours de la campagne de l'armée belge de mai 1940), les régiments de Chasseurs Ardennais totalisèrent cinq cent vingt-huit morts et près de deux mille cinq cents blessés, soit plus de 10% des effectifs globaux. C'est dire l'intensité des combats qu'ils livrèrent.
Les quatre jours de la seule bataille de la Lys, du 24 au 27 mai, leur coûtèrent à eux seuls deux cent trente tués, bataille que certains historiens de la " guerre éclair " omettent de mentionner !
colonne prisonniers La compagnie est rassemblée, les chauffeurs « tirés dehors » avec mission de conduire les éclopés à Vilvoorde. Geai fait partie des chauffeurs, avec quatre de ses camarades. Arrivés à Vilvoorde, ils sont joints à une colonne de prisonniers qui doit se rendre à Hasselt pour être démobilisée.
Par route, à travers bois et campagnes, les prisonniers avancent en longue colonne (photo : Centre de recherche et d’études historiques de la seconde guerre mondiale, Bruxelles)
Cette longue colonne, comprenant des milliers de prisonniers belges, couvre les 70 km séparant les deux villes en deux journées de marche.
Mais Geai ne se résout pas à l’idée d’être ainsi acheminé vers l’Allemagne. 
« … D’autres prisonniers sont animés par une âme plus ardente. Ils ont confiance dans la force morale et physique qui peut venir à bout de tous les obstacles, ils sont enflammés par la passion de reprendre la lutte pour la patrie. Ceux-là sont obsédés par l’idée de l’évasion. Dès leurs premiers jours de captivité, toutes leurs pensées, tous leurs rêves, tous leurs actes sont tendus vers ce but … ».
Ces lignes sont extraites des mémoires de Jules BASTIN [16] , militaire de carrière, comptant le plus d’évasions à son actif lors de la première guerre mondiale, et héros de la résistance lors de la seconde guerre mondiale. Elles peuvent s’appliquer à « Geai serviable », émule du général Bastin en matière d’évasions, et fidèle à son totem scout dans sa volonté de « servir ».
Car germe en effet le projet d’une première tentative d’évasion …    
Hasselt. Le soir à Hasselt, Geai, en compagnie d’un namurois, se faufile dans des maisons et se procurent des habits civils. Ils cherchent et trouvent 5 équipements complets car il ne faut pas oublier les camarades. On se les distribue et on les fourre dans les havresacs. Le lendemain, la colonne repart.
Bilzen. A proximité de Bilzen, les cinq compagnons se détachent de la colonne et entrent dans un petit bois. Ils commencent à changer de vêtements, laissant leurs uniformes pour les vêtements civils récupérés la veille, mais soudain surgit une patrouille allemande. Arrêtés, ils sont considérés comme espions et ramenée en ville. On les adosse à l’hôtel de ville pour être fusillés. Survient un officier. On parlemente. On contrôle les papiers. Après un quart d’heure d’attente angoissée, on les charge en camion vers la Hollande.
Ils dépassent la colonne des prisonniers qu’ils avaient abandonnés et arrivent un peu plus tard à Maastricht. La ville est pleine de prisonniers belges. On y passe la nuit et le lendemain, par groupes de 5.000, on part vers Geilenkirchen (district Heinsberg, Rhénanie-du-Nord-Westphalie), à proximité de la frontière hollandaise, sur la rivière Würm, approximativement à  15 km au nord-est de Heerlen et à 20 km au nord d’Aachen).
La nuit est passée en plein air.
                                                          
Embarquement des P.G. vers la captivité (Bibl.Centrale des Chiroux-Liège ; du roman de Maurice-J. Georges : « A l’ombre des miradors »)                                                                          
 
Le lendemain, embarquement dans des wagons à bestiaux à destination de Greifswald. Les prisonniers sont entassés à 60, dans un wagon sans aération, sans boire et sans manger. Ces journées furent les plus pénibles. Ce n’est qu’à Berlin qu’on put un peu se désaltérer. Beaucoup avaient des faiblesses.
Camp : M-Stammlager II C, Greifswald i. Pomm., VI 210.
Le stalag II C était situé à Greifswald [17] , Poméranie, sur la mer Baltique à l'Est de Rostock, entre Rostock et Stettin (ville polonaise depuis les « accords de Potsdam », en 1945).
« La file des prisonniers, hâves et dépenaillés, s’étire à travers la ville de Greifswald en effervescence » …
 
Extraits de: L'Odyssée du prisonnier de guerre 30362: Stalag 2c, par Louis Masset [18] .
 
2010
Greifswald, Poméranie …
 
Revenons au récit de l’abbé Pierret.
« Le stalag II C est un immense camp où se trouvent confinés quelque 6.000 Belges dans des hangars vides, dormant à même le sol sur de la paille.
Les estomacs sont vides. Le premier jour, on ne leur donne pas à manger parce qu’ils étaient censés avoir reçu de la nourriture pour un voyage de quatre jours. Le lendemain à midi seulement, est distribuée la première ration de soupe.
 
Mirador et baraquement (Bibl.Centrale des Chiroux-Liège ; du roman de Maurice-J. Georges : « A l’ombre des miradors ») ; Geai a dû penser avec nostalgie aux miradors des camps scouts, d’aspect plus sympathique !
Les quelques journées suivantes se passent à des formalités : photos, identité, empreintes digitales ».
        
Greifswald, 10 juin 1940, les formalités d’accueil au « club - Baltique »
Suit la visite médicale avec vaccination contre le Typhus (cachet « typhus » daté du 10 juin).
Et enfin les formalités d’identité, face à un officier allemand et son secrétaire : nom, prénom, qualité, régiment, bataillon, compagnie, matricule ; ces formalités administratives sont vite expédiées et l’autorité allemande ne souhaite pas en savoir plus sur une situation militaire dont elle semble avoir un contrôle total en ce qui concerne la Belgique. 
Louis Masset, matricule 30362, détaille les « commodités » du camp.
Les « feuillées », nom donné aux toilettes des troupes en campagne, ont été creusées à une trentaine de mètres des garages, à proximité de l’enceinte dont elles sont écartées de quelques enjambées. C’est une tranchée d’une dizaine de mètres de longueur sur 45 centimètres de large et 1,50 mètre de profondeur. En une file serrée, chaque prisonnier, un pied posé de chaque côté du sillon, coiffe la tranchée de son derrière déculotté, spectacle particulièrement dégradant aux yeux de chacun !
 Non content des brimades et des humiliations, il faut aussi subir les affres de la faim.
A midi, les prisonniers reçoivent une ration de soupe, sorte de liquide juste un peu plus teinté que de l’eau, et dont le goût est indéfinissable ; c’est de la soupe aux orties (sans doute diététique mais peu nourrissant !). Le soir, on distribue à chacun un cinquième de pain dont la moitié devra servir au repas du lendemain matin.
A la soirée, dès que l’obscurité est tombée, les phares placés sur les miradors s’allument et commencent leur ballet silencieux mais combien dangereux.
Par intervalles plus ou moins réguliers, les disques lumineux, traînés par leur panache laiteux, balaient tous les abords de l’enceinte ainsi que les bâtiments abritant les prisonniers.
Pour eux, une fois la nuit tombée, il n’est plus question de se rendre aux feuillées car la proximité du mur d’enceinte rend l’endroit dangereux. La peur que les gardiens des miradors interprètent le déplacement pour une tentative d’évasion les incite à se tenir cois. Dès lors, le matin, c’est l’effervescence, on se presse vers le lieu d’aisance !
Dans la journée, les hommes désœuvrés tentent de récupérer, bavardent, supputent, font écho aux rumeurs quant à leur devenir … 
Il apparaît rapidement que leur séjour au camp de Greifswald n’est que temporaire, et les nouveaux arrivants apprennent qu’ils vont être répartis en Kommandos et affectés en divers lieux de la région …
Affectations successives en « kommados » jusqu’au « grand hike » (évasion réussie), le 17 mars 1943
Le 13 juin 1940, Geai est expédié avec une soixantaine d’autres Belges dans une grande ferme de l’Etat. Il s’agit en réalité d’un grand domaine privé, d’environ un millier d’hectares, approvisionnant le Reich, situé à proximité de Lüssow, appartenant au comte Vicco von Voss-Wolfradt, châtelain exigeant et intraitable.
Les habitants de Lüssow, village d’environ 400 habitants, étaient, la plupart, employés dans cette grosse ferme. Durant la guerre presque tous les hommes ayant été mobilisés, le travail des champs et les travaux d’élevage étaient assurés par des civils polonais et par des prisonniers de guerre russes, français et … belges.   
Famille Von Voss, Lüssow
En 1939, le domaine familial est géré par Achim von Voss, fils du comte Vicco. Il s’agit d’une ferme de 821 ha, avec un cheptel composé de 57 chevaux, 200 bovins, 630 moutons et 420 porcs ; à ce domaine s’ajoute une autre propriété, moins importante, de 119 ha (Owstin), avec 12 chevaux, 59 bovins, 140 porcs.
La famille de Vicco Von Voss connaîtra une fin tragique à la fin de la guerre.
Acculé et ne voyant pas d’autre issue, le 30 avril 1945, Vicco von Voss-Wolfradt choisit le suicide pour lui et sa famille. En effet les troupes russes arrivent de la direction d’Anklam et le pont à Jarmen est impraticable. Après avoir vidé quelques bouteilles de vin avec ses proches, il a tourné son arme d’abord vers sa femme Elisabeth, comtesse von Pfeil, puis vers sa fille et son petit-fils Clemens (âgé de 2 ans), un secrétaire qui revenait du village, et enfin, vers lui-même.
Durant la nuit les cinq corps ont été enterrés dans la forêt. Le lieu de ce drame est encore visible pour le promeneur attentif, et quelquefois, on trouve déposé un petit bouquet de fleurs à la mémoire des défunts.
Geai se trouvait toujours en compagnie de ses quatre compagnons d’armes, comme lui chauffeurs de T.13.
 
Geai en haut à gauche, avec ses 4 compagnons tankistes // Geai, au centre de la photo grattant la mandoline
Toute la cuisine pendant l’année qu’ils y restèrent consistait en pommes de terre et en orge. On versait simplement ces deux denrées dans un grand bidon à lessive qu’on cuisait ensuite en tournant avec un morceau de bois. C’est le menu classique pour engraisser les cochons, aussi nombre de prisonniers devinrent littéralement soufflés mais incapables d’efforts ou de travail soutenu.
Ils étaient occupés aux travaux de la ferme de 6 heures du matin à 8 heures du soir.
« Les gens du village sont convenables avec les prisonniers. Cependant les mœurs sont déplorables : une jeune fille de 14 ans s’offre pour 2 marks, les filles-mères sont nombreuses, ... ; ceci dénote l’absence ou le relâchement des principes moraux et religieux ».
Les prisonniers logeaient au premier étage. Les fenêtres étaient protégées par de grosses barres de fer vissées au-dessus et en dessous. Six sentinelles gardent le camp, mais on a remarqué qu’elles s’absentaient ordinairement de 19h15 à 22h pour le souper. Aussi, une barre de fer est dévissée afin de permettre le passage d’un homme. Ceci permit plusieurs expéditions nocturnes à l’époque des fraises, des razzias dans le poulailler, … Les poules sont plumées, vidées, cuites à la graisse volée dans une casserole de même provenance en moins d’une heure, puis dévorées. La faute retombait évidemment sur les Allemands dont certains étaient voleurs.
Le préposé aux cochons (porcher) de la ferme appartenait à cette catégorie. Nous apprîmes un jour qu’il avait été pris à voler trois petits cochons de lait et qu’il les avait revendus à son compte. L’occasion était belle, d’autant plus que les prisonniers étaient considérés comme des gens honnêtes. Une sortie nocturne nous permet donc de ramener un jeune cochon d’une trentaine de kilos. Il est immédiatement tué, dépecé et caché, puis mangé en plusieurs jours. « Nous en fîmes même de la tête pressée ! ».
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Franz Schmitz, prisonnier de guerre                         Lusow, dimanche 22 février 1942, par moins 25°
Il y avait aussi des chasses d’un autre genre. En effet, les prisonniers étaient criblés de poux, entourés de punaises, puces et morpions. Aussi régulièrement, « nous procédions à ces séances d’épuçage ».
Un kommando belge travaillant à Gluscow (Gützkow), ville située à quelques kilomètres de là, avait fait savoir qu’il y avait fréquemment en gare des wagons à bestiaux partant pour la Belgique et la France. Ils apprennent que des wagons de blé et de pommes de terre doivent partir à destination de la Belgique. Geai et un sous-officier de Namur décident de risquer leur chance. Les préparatifs commencent : vivres, eau, …
S’aidant d’un lasso, ils descendent par la fenêtre, sans bruit et arrivent à sortir de la ferme. Il y a quinze kilomètres à faire mais le temps est beau et la nuit sombre. Ils sont à Gluscow (Gützkow), pour 4 heures du matin. Une charrette tirée par un cheval les dépasse ; ils n’y prennent pas garde, d’ailleurs il fait encore sombre.
Ils entrent dans la gare et se dirigent vers les quais d’embarquement. Ils examinent les lettres de destination apposées aux wagons. Soudain, un bruit de pas, des faisceaux de lampes de poches. C’est le châtelain, propriétaire de la ferme, et le Wachmann (gardien) ! Sommations, bras en l’air ! Ils avaient été aperçus par le veilleur de nuit qui avait donné l’alerte.
Le châtelain fut accommodant, contrairement à sa réputation : « qu’alliez-vous faire ? C’est regrettable. La prochaine fois, tâchez de mieux réussir. Nous allons retourner à la ferme ».
Et le Wachmann lui aussi fut conciliant : « quand un prisonnier s’évade, nous sommes punis. Vous ne serez pas sanctionnés si vous restez discrets. Demain retournez travailler avec les autres ». 
« Le mois suivant, nous apprenons qu’il faut quitter Lüssow ; le groupe sera sectionné et les hommes iront travailler la journée dans de petites fermes ». Geai et trois de ses camarades sont désignés pour aller travailler à environ 40 km de là, à Lentschow.
Lentschow se situe en bordure de l’axe routier reliant Anklam à Lassan.
La vie à Lentschow est toute différente de ce qu’elle était à Lüssow. Il s’agit d’une petite ferme. Le fermier les nourrit bien et a de la considération pour sa main d’œuvre. Le travail est cependant très dur.
 
Les travaux de ferme à Lentschow ; une atmosphère plus familiale …
Geai et ses compagnons logent dans une petite « caserne » au milieu du village avec une vingtaine de prisonniers belges travaillant dans d’autres fermes.
La population est incroyante. Les gens donnent l’impression de vivre comme des bêtes avec cependant une moralité naturelle notamment en ce qui concerne la probité ; le mensonge et le vol sont sévèrement réprimés.
Un exemple nous est donné. Un bruxellois interprète constate un jour qu’une boîte de pralines qu’il avait reçue de sa famille avait disparu. La fenêtre de la chambre était ouverte. On remarque la trace de deux pieds d’enfant sur un essuie-mains. Il appréhende un gosse qui se trouvait aux environs de la caserne et l’interpelle : « c’est toi qui as volé ma boîte de chocolats ». Effrayé, l’enfant répond qu’il n’est pas coupable, que c’est le fils du mayeur qui a commis le larcin. Et en effet, une enquête établit l’identité du coupable. Le mayeur en est avisé. Aussitôt, il rassemble tous les gosses du village sur la place publique et administre à son fils une raclée exemplaire menaçant les autres enfants d’un châtiment similaire si la chose se reproduit.
Chaque soir, les prières sont récitées en commun dans la caserne.
Les mœurs sont aussi déplorables qu’à Lüssow. Des femmes font des propositions aux prisonniers. L’un ou l’autre se laisse entraîner mais la réaction ne se fait pas attendre chez les autres prisonniers. On leur fait sentir qu’on réprouve leur conduite ; on les tient à l’écart des petites faveurs et partages fraternels des colis et des rapines. Ils comprennent la leçon.
Comme à Lüssow, une fenêtre a été « aménagée » pour permettre des expéditions nocturnes. Des réserves d’œufs, de farine, de lard et de graisse sont constituées et permettent de petits extras à l’occasion des fêtes.
De temps en temps, on pêche un brochet et on se baigne dans les grands lacs de la région.
Malgré tous ces palliatifs la captivité est pénible et l’appel du pays résonne dans l’âme de Geai !
Geai est aussi préoccupé par l’attitude et l’engagement rexiste d’un de ses frères cadets, qui lui écrit en Allemagne ; il répond non pas à son frère mais à son père, Joseph Schmitz. 
Lettre expédiée du camp de Greifswald (non daté) à l’adresse de Joseph Schmitz, rue du Viaduc 16, à Marche, Belgique (Lux), en référence à un de ses frères cadets, rexiste.    
Bien chers Parents,
Je viens de recevoir une lettre de mon frère qui m’a peiné bien profondément. Il m’explique sa situation, ses idées ; vraiment, je ne puis comprendre, sachant mon état, comment il peut avoir le triste courage de m’écrire ces choses.
Il ne me parle pas de ses chers petits ni de son intérieur, non, des phrases vides copiées ou entendues, des formules idéologiques qui sont complètement faussées.
Si vous avez encore tant soit peu d’influence sur lui, je vous en supplie, efforcez-vous de le détourner de ces choix, car la fin approche et sera bien différente de celle qu’il pourrait penser.
Bien cher Papa, j’ai encore deux frères en Belgique, je te supplie, enseigne-les dans les sentiments qui malgré tout ont toujours été les tiens et qui seront les miens jusqu’au jour de la mort. Seuls ceux-la sont bons, honnêtes et vraiment belges.
Quant à A. je ne veux plus recevoir de lui la moindre … (fin de lettre coupée). 
Ce projet est depuis longtemps étudié et préparé par Geai en compagnie d’un sous-officier de Namur. Ils se rendaient une fois par mois à Anklam, ville d’environ 12.000 habitants située à proximité de Lentschow, pour y porter le lait. C’est là qu’ils firent la connaissance d’un « communiste » qui devint pour eux un copain.
Ils lui rendaient visite et celui-ci leur pariait contre Hitler et le régime. II leur procure des habits civils et leur change leur argent de camp en argent allemand. Renseignements sont pris sur les horaires de train et le voyage est soigneusement préparé. Deux Flamands d'Anklam leur avaient fourni les papiers de congé et des laissez-passer dont ils ne comptaient pas profiter.
Le départ se fit la nuit d'un samedi. Ils devaient prendre le train à 5h20 du matin. Tout marcha à souhait et le voyage se fit sans incident jusqu'à Berlin.
Promenade dans Berlin. Ils passent une demi-journée chez des travailleurs libres, sans leur dire évidemment leur situation. Ils obtiennent les renseignements complémentaires pour le restant du voyage.
Ils embarquent 1'après-midi de lundi dans le grand express Berlin-Cologne à destination d'Erfurt. Vers le milieu du trajet, voici la Gestapo qui contrôle les papiers des voyageurs. Leurs papiers sont en règle : « Gut !».
Erfurt ! A peine étaient-ils descendus du train, qu’on leur mit la main au collet. Ils sont conduits près des trois gestapistes : « Vous êtes des prisonniers évadés ». Un membre de la Gestapo était resté dans leur compartiment et les avaient surveillés. Leur argent est saisi et ils sont conduits tranquillement dans un hôtel.
Ces hommes sont très convenables et leur payent à boire. Ensuite, ils les conduisent à la Feldgendarmerie ou ils sont questionnés sommairement et calmement à propos de leurs vêtements civils et de leur argent allemand : « Nous avons reçu nos vêtements par colis ; quant à 1'argent, il est le fruit des services rendus à la population ». On en reste là.
Le lendemain, on les oblige à retourner leur veste et deux soldats les conduisent à Greifswald.
A la Gestapo de Greifswald, la même question revient sur le tapis : « Où vous êtes-vous procuré vos vêtements et votre argent ? ». Mêmes réponses qu'auparavant, mais cette réponse n'est pas acceptée. Torse nu, on leur administre 50 coups de bâton.
Après cela, on leur repose la même question qui entraîne la même réponse ...
Au cachot ! Le soir, un infirmier allemand vient panser leurs blessures. Ils sont désignés pour le camp de concentration de Rawa-Ruska [20] , en Ukraine à proximité de la frontière polonaise, lors du prochain convoi. Celui-ci ne tarde pas et arrive trois jours après. Mais le convoi est complet et 40 prisonniers sont laissés à Greifswald, dont nos deux évadés, …, qui éviteront ainsi d’être les hôtes forcés de ce camp de représailles de sinistre mémoire. 
C’est alors pour Geai et son compagnon quinze jours de « tôle » avec comme menu un quart de pain et une tasse d'eau par jour. Quinze jours terribles : la faim, la soif. Lorsqu'ils sortent du cachot, ils sont tout étourdis par la lumière et la faiblesse. Ils doivent s'appuyer au mur.
Ils rentrent dans le camp, y restent huit jours pour se retaper et sont ravitaillés et soignés par les prisonniers belges.
Après ces huit jours, Geai et son compagnon se séparent. Ce dernier retourne dans un Kommando de culture (ferme) et Geai reste en ville pour être employé, selon sa profession, chez un électricien.
Lettre du chef Geai à son aumônier [21] , en Belgique :
« Mes chers cousins,
Bien reçu votre lettre et mille fois merci. Elle a contribué grandement à surmonter les douleurs morales qui sont les inévitables tributs de toute captivité, aussi pour avoir le plaisir d’en recevoir une autre, je me suis décidé de vous répondre aussitôt. Comme vous l’aurez probablement appris par mes parents, j’ai quitté mes vaches, mes cochons, mes poules pour me réfugier en ville où, chez un particulier j’exerce mon métier d’électricien. C’est mieux mais au revers de la médaille, il y a la question de la nourriture.
Pour le reste tout va bien. Je m'efforce de pratiquer les admirables recettes morales du scoutisme et il faut être passé comme moi par les difficultés sans nombre d'une captivité pour percevoir les ressources inépuisables que possède 1'idéal scout. Aussi, je vous demande de mettre tout en œuvre pour enseigner aux boys, les beautés de cet idéal.
Mon cher cousin, dites-leur que bien souvent je pense à eux tous et, dans mes rêves, la nuit, je revois nos feux de camp, nos réunions qu'en des temps heureux, j'ai souvent béni.
J'ai un nouveau hike [22] en perspec­tive, j'espère qu'il réussira mieux que le premier ».
Frans
Les scouts marchois ne manquent pas de ressources et veillent à l’approvisionnement de leur chef de troupe ainsi que l’indique l’extrait suivant de l’album-journal Tallye :
« … la troupe fit une collecte et rassembla tout ce qu’il fallait pour envoyer un gros colis au pauvre Geai en Allemagne. On eut pour plusieurs colis à envoyer à intervalles plus ou moins rapprochés ». 
C'est 1'hiver 1942-1943. Un kommando d'une cinquantaine d'hommes, 40 Français et 8 Belges. Geai travaille en ville pendant la journée avec un autre Belge.
Ils reviennent le soir au kommando. On s'est arrangé par petits groupes. Geai fait ménage avec trois Français. L'un d'eux travaille chez un boucher, 1'autre chez un marchand de vin et le troisième chez un légumier. Geai a trouvé ... un réchaud électrique, les autres trouvent des légumes, de la viande et du vin.
Le garçon boucher s'est fait une ceinture à crochets où il pend régulièrement des biftecks pour les rapporter au kommando. Hélas ! Un jour, un trou dans son pantalon fait découvrir le pot aux roses par son patron. II part au camp de discipline ...
Un autre jour, le garçon légumier annonce qu'un wagon de tomates a été déchargé chez son patron. Geai organise avec lui une expédition noc­turne emportant des sacs. Tout se passe bien dans la cave. Mais en remontant, ils tombent nez à nez avec un Allemand. Ils sautent sur lui et lui donnent une tripotée d'importance, le laissant à terre étourdi, et s'enfuient avec les sacs de tomates. A leur rentrée au kommando, les tomates sont distribuées et avalées en un rien de temps. Le lendemain, visite au kommando d'un Allemand à la face tuméfiée et à 1'oeil poché. On enquête, on fouille, mais on ne découvre rien. II y a d'ailleurs bien d'autres kommandos dans les environs.
Le Français du marchand de vin apporte aussi sa quote-part. La propriété où il travaille est entourée d'un grand mur. Régulièrement, des bouteilles de vin volent au-dessus du mur et sont recueillies le soir lorsqu'il retourne au kommando.
Aussi le jour de Noël 1942 fut-il bien arrosé ! Geai avait eu la joie d'assister à la messe ce jour-là : c'était la quatrième messe depuis sa captivité.
« Pour le réveillon, nous disposions de 24 bouteilles de vin pour accompagner un menu composé de frites, bifteck, gâteau moka, cacao et café américain. Nous avions acheté les gardes allemands en leur offrant quelques cigarettes ; ces derniers nous avaient alors laissés tranquilles, en paix, après 19h30 ».
 
 
Oiseaux sur Greifswald
Mouettes de la Baltique
Au-dessus des barbelés
Vous connaissez les dunes de Belgique
Et la mer grise - infiniment
Que nos pêcheurs affrontent par tous les temps.
Hirondelles dans l’azur allemand
Vos nids s’accrochent aussi
Aux poutres de nos granges
aux gargouilles de nos clochers.
Vous avez vu nos enfants jouer près des terrils
et notre femme attendre à chaque jour,
à chaque instant, notre retour.
Oiseaux poméraniens
libres dans le ciel
allez là-bas leur dire
à tous ceux de chez nous
que nous aurons encore des jours vermeils.
Le cœur a dévoré la chair ;
notre souffrance mettra de la grandeur
dans l’austère bonheur
que nous trouverons là-bas, où le soleil s’éteint.
Mouettes et hirondelles
volez vers eux,
volez vers elle,
ils seront plus heureux
car dans l’exil nous comprenons l’humain.
de Max ROSE, Greifswald, 4 août 1940, Stalag II C. (publié dans « Le PG, avril-mai 2010)
Malgré 1'atmosphère fraternelle et familiale qui régnait dans le kom­mando, 1'appel du pays retentissait toujours de plus en plus dans 1'âme du chef Geai. En janvier 1943, il élaborait soigneusement un plan d'évasion avec un de ses « associés » français, originaire de Toulouse, Louis Cassagne [23] .
II y avait en ville un kommando belge qui s'occupait du chargement de wagons de marchandises à destination de différents pays ; parfois, des wagons partaient pour la Belgique. Ils s'étaient mis en rapport avec le chef du kommando qui devait les avertir dès qu'un wagon serait chargé et dirigé sur la Belgique ou la France.
Tout était prêt : vivres, eau, boussole, couvertures, cartes, poivre ...
Embarquement à Greifswald.
Le 13 mars, on annonce qu'un wagon de blé va partir pour Louvain. Les Belges du Ko chargent tous les vivres et les bagages dans le wagon et, le 15 mars, Geai et son camarade sont conduits discrètement au wagon qui était seul en dépôt. Ils sont embarqués et installés. Le wagon est scellé, conduit à Greifswald et pesé avec tout son chargement. C'était un wagon fermé au toit en forme de cintre, avec deux fenêtres se refermant complètement de 1'intérieur du wagon et pouvant livrer passage à un homme.
Départ le lendemain à 9 heures, avec un train de marchandises. Etape sans escale jusqu'à Schwerin. Arrêt d'un jour. On entend dans le lointain les bombardements de la R.A.F. Le wagon est manipulé et rattaché à un autre train en partance pour 1'Ouest.
Evadé mais à nouveau repris bien que plus d’une année plus tard, dans d’autres circonstances …
Les archives allemandes mentionnent officiellement l’évasion le 17 mars 1943, du Kommando 1210 (P.K.I.). L’évasion est confirmée par l’autorité allemande par son avis n°512 du Stalag II-C, du 10 septembre 1943, avec la mention « le 17.3.1943, évadé ».
La P.K.I. (fiche personnelle allemande n°1) a été renvoyée à le Wast le 20 mars 1943, et sur cette dernière apparaît la mention manuscrite « repris - voir lettre du 22 août 1944 ». L’administration militaire allemande fonctionne à l’évidence bien.
L’arrestation de Franz Schmitz, survenue à Maissin dans le cadre de ses activités de résistance a notamment été signalée dans un rapport journalier allemand du 14 août 1944 de l’Oberfeldkommandantur 589 (Liège) Kommandostab Abt. IA IC : « Ausserdem in Maissin (15 km. sw St-Hubert) ein entwichener belg. Kriegefangener festgenommen … 13-8-1944 » (traduction : en outre, à Maissin, à 15 km à l’ouest de St-Hubert, un prisonnier de guerre belge échappé a été arrêté). Le nom du prisonnier n’est pas mentionné dans ce document, mais il s’agit à l’évidence de Franz Schmitz.   
Hanovre - Krefeld (district de Düsseldorf, Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie).
Stop ! Alerte « avions ». Les sirènes mugissent au loin dans la vallée du Rhin. Leur bruit se rapproche peu à peu. Celles de Krefeld mugissent à leur tour. On entend les premiers avions. Que faire ? Le wagon est en plein milieu d'une des plus grandes gares de formation de 1'Allemagne. Magnifique objectif. Une seule chose à faire, risquer sa chance, rester dans le wagon et s'en remettre à la grâce de Dieu. Par bonheur, 1'objectif n'était pas la gare de Krefeld.
Le lendemain, le convoi repart vers Aix-la-Chapelle, où il stationne encore une demi-journée dans la gare. Tout à côté, des voies sont en répa­ration, des Allemands et des prisonniers et déportés y travaillent. Certains viennent s'adosser et fumer contre le wagon de blé. « Un wagon pour la Belgique », dit un Allemand spirituel, « vous n'en profitez pas pour retourner en Belgique ?». Geai entend la conversation et voudrait crier : « Complet ! ».
On repart. Nouvel arrêt. Frontière belge ! Comme le cœur battait alors !... On contrôle les scellés. Des Allemands escortés de chiens policiers longent et examinent les wagons. Mais du poivre (dont ils avaient emporté un kilo) avait été répandu tout le long du wagon... On attend des heures après une locomotive belge, puis on repart de nouveau. La soif était terrible. Depuis quatre jours avec seulement quatre litres d'eau pour deux ! Une des quatre gourdes s'était coincée et renversée dans les sacs de blé.
Des gares, des villages belges ! C'est dimanche (sans doute le dimanche 21 mars 1943) ! On voit, par un petit trou ménagé pour observer, les gens aller à la messe. II est 7 heures du matin. Le train semble ne pas se diriger sur Liège, mais couper droit sur Louvain. Attention de ne pas aller jusque-là ! Ils suivent anxieusement sur la carte et examinent les abords de la voie.
Fenêtre descellée, il faut sauter du train ...
Le moment propice semble arrivé : le train traverse une petite sapinière. Les fenêtres sont descellées et ouvertes. Le Français jette son sac et saute sur le ballast. Geai le suit 150 mètres plus loin. Ils foncent directement dans les sapins par crainte du fourgon où devait se trouver un Allemand. Saut étudié d'avance et bien réussi, malgré le choc un peu dur sur les gros cailloux. Les deux compagnons se retrouvent.
Tout s'est bien passé. Ils se trouvent, d'après les cartes, au nord de Liège, entre « Rodange » (plus vraisemblablement Roclenge-sur-Geer, en wallon Roclindje-so-Djer, en néerlandais Rukkelingen-aan-de-Jeker) et Glons (sections de la commune de Bassenge). Suivant un chemin de campagne, marqué de traces de charroi, ils arrivent à la grand-route Tongres-Liége (Luikersteenweg, actuelle N20). Ils se cachent dans un bois bordant la grand-route et attendent.
… ils sautent du train entre Roclenge et Glons, puis rejoignent le grand route Tongres-Liège ; … on leur renseigne un château à un ou deux kilomètres de là …
Le premier homme qui passe est... un Allemand en vélo ! On le laisse passer. Puis, c'est un homme de 40 à 50 ans, tout interloqué, et pour cause. Ils expliquent leur situation en peu de mots et demandent où ils peuvent se procurer des habits civils ? L'homme leur renseigne le château du « comte de Grunne » (?), situé à 1 ou 2 kilomètres de là. Ils gagnent le château [24] par les campagnes.
Accueil et aide du châtelain
Ils arrivent au château. Sur le conseil que leur avait donné le paysan rencontré, ils frappent à la porte de service. La porte s'entrouvre et laisse apparaître la figure d'une vieille servante qui prend immédiatement des airs terrifiés et leur referme la porte au nez. C'est qu'ils avaient 1'air de véritables bandits : sales, non rasés depuis huit jours... Ils frappent à nouveau, elle revient. Rapidement, ils expliquent leur situation. La servante fond en larmes de pitié. Ils entrent et s'assoient en attendant le châtelain qu'on est allé prévenir.
II arrive une demi-heure plus tard et, en homme prudent, les questionne longuement. II est alors tout à fait mis en confiance. On leur apporte à boire, car ils ont une soif terrible. Ils resteront toute la journée au château pour se reposer. L'accueil est des plus cordiaux. On les restaure et ils se reposent ; ils sont pressés de conter leurs aventures. On leur donne de 1'argent et des habits civils.
Le lendemain, à 4 heures du matin, le châtelain lui-même les conduit en voiture à la gare des Guillemins à Liège d'où un train part pour Marche, à 7h15.
 
 
Retour en Famenne : Marenne, le Fonds des Vaulx, Marche, …
Joie de revoir des paysages de plus en plus connus. Marenne, en réalité Bourdon ! Dernière gare avant celle de Marche. Geai juge prudent de descendre là et de regagner Marche par les campagnes. Ils se dirigent vers le Fonds-des-Vaulx.
Le Fonds-des-Vaulx, charmante vallée boisée et rocailleuse qui touche à Marche et où les scouts ont leur local : chalet au milieu d'une vaste propriété boisée. Face au local qui se trouve au sommet d'un des versants de la vallée, est situé un petit bois.
Geai et son compagnon gagnent cet endroit idéal, pensant y attendre la tombée du jour. Mais voici qu'ils aperçoivent, travaillant à un coin de patrouille, 1'assistant scout Chevreuil (Henri Molehant). II est trop loin pour lui faire signe : vingt mètres et la vallée les séparent, d'autant plus que d'autres personnes travaillent également dans la propriété. Midi sonne quand il rentre pour dîner. Reviendra-t-il ?
Il revient. Cette fois, Geai n'hésite plus. II connaît tous les sentiers et recoins de la vallée et il apparaît comme une vision irréelle aux yeux de Chevreuil abasourdi. Pat ! L'index sur les lèvres, car un peu plus loin un marchois bêche son jardin. La porte du chalet est ouverte et, le soir, c'est la rentrée à Marche.
Les parents [25] et un petit cercle de chefs (scouts) sont mis au courant.
Le soir même de son retour, Geai se rend discrètement au n°6 de « la petite rue qui conduit au Thier des Corbeaux », à la maison Molehant, où résident deux « assistants » scouts, Daguet (Odon Molehant) et Chevreuil (son frère jumeau, Henri Molehant [26] ). Depuis quelques mois déjà, cette maison est devenue le centre de résistance, peut-être le plus important de la ville de Marche. On imagine la joie des retrouvailles et l’animation des échanges …, les projets d’action.
Les Routiers et la « Bande des Quatre »
Le Chef de la 2ème troupe de Marche, Georges Hanin (totémisé Blaireau) et trois assistants de la troupe du Chef Geai, Henri Molehant (Daguet), Odon Molehant (Chevreuil), et André Galloy (Hirondelle volontaire) constitueront la « Bande des Quatre », qui avec d’autres routiers marchois, seront les auteurs de nombreux actes de sabotage opérés durant les années 1943 et 1944 [27] . Les activités patriotiques des routiers pendant l’occupation ont également fait l’objet d’une relation écrite par l’Abbé Léon Pierret, après la guerre.
« Oh ! les quelques bonnes soirées passées dans 1'intimité du retour ! ».
Rapidement, des papiers en règle sont procurés aux deux compagnons et, quelques jours après, Louis Cassagne, doté d’un pécule [28] de voyage, s'embarque à destination du sud de la France. Un mois plus tard, une carte adressée à M. Joseph Schmitz (père de Franz), 16 rue du Viaduc à Marche, annonce son heureux retour.
 
De Louis Cassagne, à Alan, Haute Garonne :
 « Chers Amis, je viens de terminer mon voyage qui s’est terminé d’excellent façon. Je suis très heureux d’avoir retrouvé ma famille en bonne santé et mon beau soleil du Midi. Je garde de mon séjour parmi vous un excellent souvenir. Veuillez donner le bonjour à tous mes amis et leur exprimer toute ma reconnaissance. J’espère que tout va bien chez vous. Recevez chers Amis, avec mes remerciements, l’expression de mes sentiments dévoués ».                                                                                                                     Signé : Louis
(carte estampillée par la Wermacht).
Après s'être reposé un bon mois en famille et chez des parents, Geai part pour la vie dans le maquis. Il intègre le Groupe Général de Sabotage de Belgique, mieux connu sous la dénomination de « Groupe G ».
Le « Groupe G » est un groupe de résistance belge, créé par une poignée de jeunes universitaires engagés de l’ULB. Spécialisé dans les objectifs « économiques », il est considéré parmi les plus importants et originaux de la résistance européenne.
Le « groupe G » était organisé en « 10 régions » dont la « Région 1 - Luxembourg », comptant quelques 250 hommes.
 
Situation des Régions                                                Drapeau et emblème du Groupe G
De Libramont à Poix-Saint-Hubert, la « grande ligne » (Bruxelles-Luxembourg) suit la vallée de la Lomme. Petit ruisseau rapide fourmillant de truites. Paysage typiquement ardennais où les bois de sapins touffus alternent avec les hautes futaies des taillis épais et les clairières où viennent brouter et s'ébattre les troupeaux de cerfs et de biches.
Ardenne ! Si tes taillis pouvaient parler, si tes rochers pouvaient révéler leurs cachettes précieuses, si tes clairières pouvaient raconter les nuits enchanteresses, la musique ronronnante des grands oiseaux noc­turnes, apportant avec 1'espoir les instruments terribles de notre libéra­tion !... Mais elles ne les racontent qu'à leurs amis. Et Geai fut un des leurs.
A quelque 1.500 mètre de Poix-Saint-Hubert, le long de la ligne, est bâtie une petite maison du chemin de fer, habitée par un ménage assez mystérieux. L'homme travaille au bois et dispose de son petit jardin ; la femme est à son ménage et s'occupe d'une chèvre et d'un chien.
Ce sont tous les êtres vivants, jouissant d'un des coins les plus charmants du pays, avec ceux de 1'habitation Bocholtz, construite bien avant la ligne 162 (S.N.C.B.). II y eut autrefois une scierie appartenant au propriétaire de ce nom, mais qui, maintenant en ruines, est remplacée par une très jolie construction sise au bord de la Lomme.
La maison Bocholtz au milieu des bois le long de la ligne de chemin de fer, entre la gare de Poix-St-Hubert et celle de Hatrival
 
Coin perdu, qu'il faut connaître pour le découvrir. Aucune route n'y conduit.
II se trouvait que l'aumônier avait des accointances dans ces parages et que le garde forestier de cette région, Camille Hermand, veillait aussi sur ce coin enchanteur. Et ce garde était un parent...
C'est dans la petite maison le long de la ligne que Geai vint passer les deux premiers mois de son maquis. II s'occupait à des travaux de bois et entretenait un dépôt de munitions caché dans les rochers à proximité de la maison. Deux ouvriers réfractaires marchois vinrent bientôt le rejoindre.
Mais la vie devenait monotone et la situation trop proche de la ligne était dangereuse. La maison était trop petite et on annonçait 1'arrivée d'autres réfractaires.
Avec 1'aide et les conseils du garde forestier, on choisit un emplace­ment à proximité de la gare d'Hatrival, dans un bois touffu de pins sylvestres.
Une première baraque y fut rapidement construite en avril 1943, de manière sommaire, en rondins recouverts de carton bitumé, abritant deux hommes, Ghislain Noël et Henri Debot, qui dégringolaient la nuit vers la gare d’Hatrival et versaient dans les boîtes à graisse des wagons, des ampoules d’acide (ils en firent une consommation « sans modération » !).
Puis, rapidement, de nouvelles recrues venant grossir l’effectif, une seconde baraque, plus spacieuse fut construite à une centaine de mètres de la première (c’est elle qui sera appelée « la 1ère baraque d’Hatrival »).

5.2 Première baraque d’Hatrival : les « hommes des bois »

Elle avait comme avantage de situation de se trouver à proximité d'une voie de garage de la gare d'Hatrival, ou stationnaient fréquemment des trains de marchandises en difficulté ou en dépôt.
Geai rejoint ainsi la baraque, de même qu’un facteur de Libin, puis un Bruxellois, …
Le garde forestier Camille Hermand en était la cheville ouvrière car il connaissait particulièrement bien la région, de par son métier. Il mit toute sa science de forestier, tout son courage d’ardennais et tout son patriotisme de chasseur ardennais au service du « G ». Il fut nommé chef de secteur du « G » par le major Wendelen [29] surnommé l’Archange (mais aussi connu sous les pseudonymes de Tybalt, Hector, Limbosch). Camille Hermand fut commandant de région jusqu’au début de l’année 1944, lorsque fut créé un commandement plus étendu mieux en rapport avec l’ampleur et l’étendue des ramifications du « G » dans le Luxembourg [30] .  
Parmi les « hôtes » de la 1ère Baraque (en avril 1943), figurent Gh. Noël, H. Debot, Franz Schmitz, Albert François, André Bauche (de Libin), Robert Maistriaux, A. Gilly, Walter de Sélys Longchamps, André Hanin, J. Seghers.
André Hanin, fondateur du réseau « Raymond » avec le père Jourdain, puis membre actif de la zone 1 du « G »
 
Franz Schmitz, Albert François et André Hanin étaient tous les trois originaires de Marche.
A Franz Schmitz, prisonnier de guerre évadé, fut confié » le « service d’action » ; à Albert François échut le « service du matériel », et André Bauche, le Libin, fut chargé du « service des renseignements ».  
Le travail commença pour de bon : acide sulfurique verse dans les Westinghouse des wagons qui se risquaient à stationner sur la voie de garage. Recrutement et formation de groupes G dans les villages environnants. Après peu de temps, ils sont une cinquantaine à travailler effectivement.
Devant la 1ère baraque d’Hatrival ; de g. à dr., André Bauche, Ch. Mathieu, chef national du sabotage de juillet 1943 à mars 1944, et Franz Schmitz
 
Une bombe anglaise de deux tonnes était tombée dans le bois quelques mois auparavant, et n'avait pas éclaté. Sa culasse était enlevée et la poudre visible.
Aubaine, mais aubaine dangereuse. On demanda à Londres si 1'on pouvait, sans danger, la récupérer. Londres déclina toute responsabilité et recommanda surtout de faire attention aux détonateurs. On risqua et 1'ont pu en retirer quelque 500 kilos d'explosif.
« De cette bombe, nous avons extrait et récupéré une importante quantité d’explosif. Au sommet de la bombe, nous avons trouvé des boudins d’explosifs posés sur des blocs qui ressemblaient à du sable comprimé » (témoignage d’André Bauche - voir l’intégralité en annexe).
Et quel explosif ?
Interrogez certains canaux du Borinage qui en ont subi les effets dévastateurs.  
Demandez-le à la scierie de Bastogne, et d’autres qui en feront les frais un peu plus tard.  
 
 
L'affaire des tôles ?
On avait repéré, sur la voie de garage, un train chargé de tôles à destination de 1'Italie. L'occasion était unique pour se munir de quoi recouvrir le toit des baraques en perspective. Aussi, la nuit, s'en fut-on délester un wagon de quelques tôles et on les transporta à 1'entree du bois. Mais le lendemain matin, le larcin fut découvert et le chef de gare, en bon policier, put suivre, dans les hautes herbes toutes couvertes de rosée, la trace des voleurs et retrouva les tôles. II ignorait 1'identité des auteurs du vol. II y eut enquête, mais 1'affaire n'alla pas plus loin.
Alerte !
C'était 1'automne. On parlait de fouilles dans les bois par les Allemands. La baraque se trouvait en état d'alerte, mais cette partie des Ardennes n'avait pas encore été fouillée. On se tenait sur ses gardes.
Un matin, un courrier arrive à la baraque : « Les boches fouillent le bois ! » Grand branle-bas. On prépare les valises et 1'on se dispose à partir sur Libin, en petits groupes de deux. Fuite mouvementée. On aperçoit les boches et les boches aperçoivent les bandits. Echange de coups de feu, heureusement sans dégâts. On arrive à bon port.
Après quelques jours passés à Libin pour laisser se tasser les choses, on retourne à la baraque. Mais 1'emplacement semble compromis et, sur le conseil du forestier, on se prépare à déménager pour se fixer ailleurs.
C’est au lieu-dit « Pirroy », dans la forêt de Berthomont, que sera édifiée la nouvelle baraque.
Cette fois, c’est du travail sérieux à commencer par la construction en rondins de sapin jointifs, une seconde paroi entourant la première, laissant un espace de 25 centimètres environ (coulisse) où sont entassées des fougères séchées faisant fonction d’isolant. La toiture est aussi à double paroi, avec son isolation. Le tout est recouvert de carton bitumé.
C'était le début de novembre 1943. II fallut un chariot et deux chevaux pour transporter tout le mobilier à la nouvelle baraque, car on commençait à s'installer.
La nouvelle baraque était plus spacieuse et plus confortable que la première. Cabane de cinq mètres sur trois mètres cinquante, camouflée dans un bois de petits épicéas. Invisible à quelques mètres et difficile à repérer même pour les visiteurs habitués.
Dans le fond, six lits superposés constitués par des cadres sur lesquels des fils de fer tressés forment sommier, et à nouveau des feuilles de fougères séchées sont utilisées pour faire des matelas. La baraque est dotée de deux poêles dont 1'un plus petit, situé dans un coin sert de   fourneau de cuisine, et 1'autre dont les tuyaux traversent toute la pièce dispense la chaleur. Au centre se trouve une grande table ou 1'on peut facilement s'attabler à dix personnes, avec des sièges et tabourets rembourrés. Il y a aussi les « fauteuils » provenant d'une auto sabotée.
Aux lits, pendent les mitraillettes, fusils et chargeurs ; sous les oreillers, sont cachés les revolvers. Un tonneau contient 80 kilos d'explosifs. Bref, un véritable arsenal !
Et, avec cela, une armoire à provisions bien remplie : plus de 100 boites de conserves, haricots, riz, café. Tout le confort « bandit », comme le diront les boches ... De gros pains de ferme et du beurre à volonté : les villageois ont vraiment adopté leurs maquisards et les reçoivent comme leurs enfants.
Hommage vous soit rendu en passant, braves paysans d'Ardenne, à 1'âme rude, mais généreuse ; avares de paroles, mais prodigues de générosité ! Vous avez pu tenir dans le secret de vos chaumières 1'activité cachée de nos maquis, vous avez veillé sur nos maquisards et vous avez ainsi contribué grandement à la résistance et à 1'honneur de notre Patrie !
Au centre de la baraque, trône une statue de la Madone.
A quelques mètres, à 1'intérieur, un hangar pour vélos et un abri pour le bois et le charbon.
Bref un lieu de séjour bucolique relativement confortable, et idyllique s’il n’y avait pas eu les Allemands à combattre. Mais c’était la guerre et la baraque de Berthomont fut le centre d'une activité intense.
Parachutages
C'est vers cette époque que Londres organisa un parachutage : un homme et quinze colis. Un des plus beaux parachutages et des plus complets. L'homme, un Belge, portait cinq millions (1.5 million ?) en billets de 500 francs. Les colis, en plus d'armes, explosifs et postes de radio, contenaient des photos de la Campagne d'Egypte, un film du passage de la Ligne Mareth, et... 500 exemplaires de Terre et Nation... en langue anglaise... On sait que Terre et Nation était 1'organe de la C.N.A.A. Inu­tile de décrire la surprise joyeuse des cultivateurs d'Ardennes lorsqu'ils reçurent par la voie habituelle de la poste, ce numéro de Terre et Nation.
Le parachutage se déroula sans accroc, dirigé par un Anglais qui était venu dans la région à cet effet. Les armes et munitions furent réparties entre les groupes et la grosse part fut envoyée à Bruxelles dans des valises transportées par des femmes.
Sabotages des scieries de Tellin et de Champlon
Les explosifs ne moisirent pas longtemps dans les dépôts. On les essaya quelques jours après, sur la scierie de Tellin, puis sur celle de Champlon-Ardenne. Ce fut un succès. L'expédition de Champlon manqua la première fois, car la scierie était gardée. Les cyclistes porteurs d'explosifs passèrent devant le nez des Allemands en sentinelle.
La seconde fois, on prit plus de précautions, car la scierie était toujours gardée. Les charges furent placées avec un détonateur à retardement d'une heure. L'effet fut complet et les sentinelles envoyées au front russe …
C'est alors qu'arriva Michel, patron des ouvriers réfractaires, qui se cacha à la baraque. Simplement et avec ardeur, il partagea leur vie de risque et d'aventure.
Sabotage de la scierie de Bastogne
Geai et ses compagnons partirent innocemment par train avec des valises pleines de cette poudre. A Libramont, le train vers Bastogne était complet. Il n'y avait place que dans les « Nur für Wehrmacht ». C'est évidemment là qu'ils s'installèrent, en mettant les valises dans les filets. Mais voici trois Allemands !... On avait bien chacun un revolver en poche, mais on s'empresse pour leur céder la place, leur demandant toutefois de pouvoir laisser les valises dans les bagages. Devant tant de politesse, ils acceptent même, de bonne grâce, de partager les places. La nuit, ce furent des explosions formidables et 1'anéantissement de la scierie.
Sabotage de la scierie de Bastogne, selon le témoignage d’André Bauche (extrait de l’interview réalisé par Eric Urbin, à Libramont les 2 et 23 février 1998)
« Pour ce second sabotage, nous étions Franz Schmitz, Albert François (originaire de Marche comme Franz), un homme de « Bruxelles » (sans doute l’ingénieur du Borinage mentionné plus bas) et moi-même.
Camille Herman, responsable du secteur recevait des instructions fixant l’objectif de la mission et demandait si nous acceptions d’y participer (« ça vous arrange les hommes ? ») ; nous étions libres de refuser, et étions alors remplacés. Nous avons pris le train pour Bastogne ; nous avions des valises dans lesquelles se trouvaient les mitraillettes et les explosifs. Nous nous sommes installés dans le compartiment réservé aux Allemands ; des militaires allemands sont arrivés ; nous nous sommes alors excusés mais ils nous ont priés de rester ; nous avons donc fait le trajet en leur compagnie. Quand nous sommes descendus à Bastogne, ce sont eux qui nous ont passé les valises par la fenêtre du Wagon. Nous avions rendez-vous avec Hastir de Bastogne et d’autres membres du groupe local que nous ne connaissions pas. J’étais venu auparavant travailler une journée dans la scierie pour repérer les installations. Nous étions accompagnés par un ingénieur venu du Borinage (sans doute spécialiste en explosifs).
Durant le sabotage, un des membres du groupe, posté comme sentinelle, a pris peur et a refusé de reprendre son poste ; je l’ai donc remplacé. Comme allumage à retardement, nous utilisions de la mèche en amadou que nous récupérions dans les roues de vélo. La longueur était fixée en fonction du temps souhaité. Cette mèche était reliée à un cordon « Bickfort », lui-même relié à un détonateur attaché à l’explosif.
Après l’avoir mis à feu, nous sommes partis à pied en direction de Morhet, à la boussole ; nous étions à trois ou quatre kilomètres de Bastogne lorsque nous avons entendu les charges exploser. Un grand pylône s’est abattu sur la scierie ; tout a été détruit. Nous avions rendez-vous dans une ferme où nous étions attendus. Le fermier nous a servi un repas mais contrairement à ce qui avait été prévu, n’a pas souhaité que nous passions la nuit à la ferme (par crainte de représailles) ; nous sommes donc repartis vers la gare de Morhet, où nous avons tout simplement pris la micheline.
Premières tentatives de sabotage du Serpont ou de la « tranchée blanche »
Le Serpont est un lieu-dit, entre les gares d'Hatrival et de Libramont. Cet endroit avait été repéré de longue date par le forestier Camille Hermand comme endroit idéal pour un sabotage de chemin de fer. La voie monte vers Libramont et, à un certain moment, tourne encastrée dans une haute tranchée de rochers. On 1'appelle aussi la « tranchée blanche ».
Le coup était classique : dévisser un rail, laisser passer le train, immobiliser la machine au prochain bloc et faire redescendre la rame de wagons à toute vapeur.
La relation d’une première tentative, infructueuse, est éludée par Geai, qui évoque la seconde tentative, réalisée un peu plus tard (cf. infra, la relation d’André Bauche). 
Les cinq hommes de la cabane faisaient partie de 1'expédition. Un train de minerais était annoncé : excellent matériel pour obstruer la voie.
Deux hommes montent dans la cabine du bloc, revolver au poing ; le cabinier, blanc comme un mort, met les signaux d'arrêt, le téléphone est coupé, le train stoppe. Un homme monte près du machiniste qui se prête tout de suite aux manœuvres ; le train s'ébranle, mais bloque subitement, et 1'on entend à 1'arrière des coups de feu nourris. Geai rassemble ses hommes et se replie. Que s'était-il passé ? Le train était gardé militairement, car il comprenait des wagons de munitions.
On se promet de revenir à la « tranchée blanche » !
Précisions sur les deux premières tentatives de sabotage de la « tranchée blanche », selon le témoignage d’André Bauche, membre des commandos.
Ce sabotage a fait l’objet de deux premières tentatives qui se sont révélées infructueuses. La première fois, nous nous trouvions à trois au sommet de la côte ; nous disposions d’un revolver pour trois hommes (un 7.65 à poignée de nacre tenu par Franz Schmitz et un parabellum qui ne fonctionnait pas pour moi) ; nous sommes entrés dans le bloc de signalisation ; le préposé du chemin de fer a marqué les signaux d’arrêt. Le train s’est arrêté mais nous n’avons pas osé enlever le rail car le train transportait des civils en même temps que des militaires allemands. Nous nous sommes enfuis.
A la deuxième tentative, nous avons procédé de la même façon, mais un autre endroit. Nous nous sommes rendus au bloc de signalisation, au Serpont ; nous étions au moins à quatre : Franz Schmitz, moi-même, et un homme provenant d’Athus qui avait conduit des trains, et Englebert de Libramont ; nous sommes entrés dans le bloc, armés d’un revolver ; les signaux ont été mis à l’arrêt ; le train s’est arrêté ; j’ai également arraché le câble du téléphone. A l’arrière du train se trouvait un fourgon transportant des soldats allemands ; ont-ils bloqué les freins ? Toujours est-il que le machiniste n’a jamais réussi à remettre sa locomotive en route. L’opération a été une nouvelle fois abandonnée.
Provisions
Quarante kilos de beurre sont récoltés. II avait été ramassé par un membre du groupe.
On offre de le payer, mais 1'offre est simplement déclinée.
Huit cents litres d'essence sont prélevés dans le réservoir d’un garage (Gruslin ?) sur la grand-route de Saint-Hubert à Recogne et payés à 7 francs le litre. Le garagiste en récupère d'ailleurs 800 litres de la Shell. C'est une bonne opération pour lui et pour nos hommes aussi. On utilisera encore cette essence après la libération...
 
 
… et encore des sabotages
Deux tracteurs d'un gros marchand de bois, trafiquant pour les Allemands, sautent en plein milieu de la place de Libin, avec un kilo d'explosif, c'est en dire la qualité. Un siège du camion se retrouve sur un poteau électrique et cinq kilos... de tabac, qui était caché dans 1'un d'eux, est répandu sur toute la place ...
Réflexions d'un hôtelier de la grand-place, lorsqu'il entend 1'explosion : « C'est du banditisme ! ». Lorsque, descendu, il aperçoit dans la nuit les dégâts : « ça, c'est du patriotisme ! ». Malheureusement, tous les carreaux des maisons avoisinantes volent en éclats.
Sabotage régulier de 25 à 30 camions, travaillant pour les Alle­mands : on verse du carborandum dans 1'huile et, après quelques kilomètres, le moteur est esquinté. On répare, on re-sabote et ainsi de suite ...
Recrutement
« Nous nous activons à étendre le mouvement dans les régions de Marche, La Roche et dans le sud du Luxembourg ». Une auto appartenant au gros marchand de bois est à la disposition du groupe ; elle dispose d’une autorisation pour circuler la nuit. Le chauf­feur (Louis Etienne) est de la partie, et facilite le sabotage de « ses » propres camions.
Chasses
« Pour passer le temps et se distraire, on organise des chasses à la biche. Malencontreusement, lors des deux chasses organisées, on tombe sur des becs de gaz, en 1'occurrence des gardes-chasse allemands. Personne n'ose ouvrir le feu. On se replie prudemment, car il ne faut pas trop se découvrir et faire soupçonner la région ».
Lors de la seconde chasse, une biche et un Allemand 1'échappèrent de peu. Le gibier traversait une route de bois. Un coup de feu retentit, mais, à ce moment, on entend un camion qui montait la même route. Les trois compagnons se tapissent dans les branchages, fusil et revolver au poing, prêts à toute éventualité. Ils aperçoivent un Allemand dans la même position, sur le marchepied du camion. Celui-ci passe à deux mètres sans les voir. Un peu à regret, on n'ouvre pas le feu.
Veillée et Messe de Noël 1943
Survint la Noël 1943.
Tandis que les gardes-forestiers allemands organisaient leur Weihnacht à l’hôtel du Val de Poix, réquisitionné pour l’occasion, les maquisards du « Pirroy », confiants dans une victoire qui s’annonçait, et persuadés que c’était la dernière fois qu’ils fêtaient la nativité dans la clandestinité, décidèrent de la célébrer dignement.
A leur insu, des cadeaux avaient été collectés après de personnes sûres de la région, qui se montrèrent généreuses ; parmi les présents, des chandails chauds, du linge, mais aussi du boudin et un superbe gâteau offert par le charcutier de Saint-Hubert, six bouteilles de vieux Bourgogne offert par le notaire du lieu, la fine régalée par le pharmacien D., … 
L’abbé Jean-Marie Giaux [31] , de Marche-en-Famenne, ami des maquisards (et particulièrement de Geai), s’était offert pour célébrer la messe de minuit au cœur de la forêt ardennaise.
La veillée, la messe de Noël 1943 et le réveillon qui suivit, figurent parmi les beaux souvenirs de la baraque de Berthomont.
Une joyeuse et fraternelle veillée est ainsi passée avec des amis de la résistance, de Marche et des villages environnants. Car des invitations avaient été lancées, et des maquisards de Bras et de Libin étaient venus rejoindre ceux du « Pirroy ».
Il neigeait, il faisait froid à la porte, mais si chaud dans la baraque ! Tous se confessent avant la messe et tous communient. C'est simple et émouvant, cette messe dans les grandes forêts d'Ardenne. Ces âmes ardentes accueillent « le grand frère » qui, lui aussi, partagea leur sort dans son maquis d'Egypte pour échapper à 1'oppresseur (Abbé Pierret).  
L’office solennel, célébré dans la baraque, est écouté et suivi pieusement par une vingtaine de personnes et les voix s’élèvent dans le silence de l’immense forêt, entonnant le « Minuit, chrétiens, … » qui unit dans une ferveur touchante ces cœurs d’hommes et de femmes [32] qui puisent dans leur foi de nouvelles forces et de nouvelles espérances ».
Puis c’est le réveillon, autour de la table ornée avec fantaisie, où trône le gâteau. Le boudin circule … ; l’appétit creusé par le grand air, la joie et le bonheur de se retrouver réunis sous une lampe d’écurie qui éclaire les visages dans cet espace bien clos et tiède, entouré de neige vierge, couvert d’une imposante voute végétale, crée une atmosphère unique dont chacun se souviendra longtemps après la guerre. Le Bourgogne aidant, chacun y va de la sienne, et, de chanson en chanson, le temps s’écoule comme un rêve heureux. Mais vers 4 heures du matin, vient le moment de se séparer et pour les invités de regagner leur foyer.
Au lever du jour, la baraque du « Pirroy » est alors rendue à ses occupants et à leurs actions de guerre, un instant interrompues (Message pour Philomène, p.89).   
 
Dans les bois d’Hatrival, 1944, des hommes du G et de l’AS, mélangés ; à l’extrême gauche, Camille Herman, et à l’extrême droite, Franz Schmitz portant une Sten ; à l’arrière-plan, le 2ème à gauche est le lieutenant Van Egro qui assure la liaison radio avec les avions parachuteurs
Les Allemands sont à la baraque !  
Cela se passa le 15 janvier 1944. Geai était parti avec Michel en voiture vers Arlon pour y transporter du matériel et prendre contact avec des groupes du « W.O. » [33] . Le voyage se passa très bien et ils rentrèrent vers 18 heures à Libin. Ils s'arrêtaient là par mesure de prudence. Ils y apprirent la catastrophe ; les Allemands sont à la baraque !
Quelle angoisse ! Que sont devenus les hommes ? On n'en savait encore rien. Ce n'est que le soir, lorsque tous les compagnons gagnèrent sains et saufs le village, qu'on apprit comment cela s'était passé.
C'était vers 14h30. Les quatre compagnons de la baraque faisaient la sieste ou lisaient... Tout à coup, ils entendent des voix qui résonnent. Ils dressent 1'oreille. On parle allemand … !
Alerte ! Ils sortent prudemment de la baraque : les voix semblent venir de plusieurs côtés. Seraient-ils encerclés ? Ils prennent des armes et se dirigent en douce vers la haute futaie afin de voir un certain horizon. Des voix viennent de ce côté.
A peine ont-ils fait cent mètres qu'ils aperçoivent deux Allemands devant eux à cinquante mètres. Ce sont des gardes-chasse. Les Alle­mands parlementent et ne les ont pas aperçus. II semble, cependant, qu'ils se doutent de 1'existence de la baraque. Les quatre compagnons se replient dans les petits épicéas. Ils gagnent la haute futaie en faisant un crochet, puis, de là, un autre bois d'épicéas très fourrés. De là, ils aperçoivent maintenant trois autres Allemands. Sans doute retourneront-ils à Bras. Aussi se décident-ils à aller les attendre sur la route. Mais, pour la rejoindre, ils doivent passer dans un terrain découvert, champs encastres dans les grands bois. II faut risquer. Ils avancent en se baissant.
Des coups de feu jaillissent tout autour d'eux sans les atteindre. Ils ripostent de leurs mitraillettes, mais ils sont à deux cents mètres, le tir à cette distance n'est pas assez précis. Ils se hâtent vers le bois conduisant à Hatrival. Ils aperçoivent le bois de la baraque tout encerclé par des Allemands. II n'est plus question d'y retourner.
Par une habile manœuvre, nos quatre compagnons changent de direction ; au lieu de se diriger sur le village d'Hatrival, ils bifurquent sur celui de Bras. C'est à Bras que Geai et Michel les retrouvent et apprennent, consternés, les événements.
« Avez-vous pris la petite boite ? » demande Geai. « Non, nous sommes partis précipitamment, nous croyant encerclés, et nous n'avons pu regagner la baraque ». Geai et Michel pâlissent. Elle contenait la liste des messages de radio, la carte d'identité de Michel, le numéro de matricule militaire de Geai ... Imprudence, il est vrai, mais on se croyait tellement en sécurité à la baraque et 1'alerte avait été si inattendue !
On tient conseil et 1'on décide qu'un des compagnons retournera à Marche où il peut se cacher pendant un certain temps : deux autres resteront à Bras, chez des cultivateurs qui veulent bien, malgré le grand ris­que que cela comporte, leur donner asile et cachette. Geai et Michel se rendront dans le sud du Luxembourg en compagnie d'André qui y a des parents.
Prise de la baraque de Berthomont par les Allemands, selon le témoignage d’André Bauche
Un jour, nous avons entendu parler allemand à proximité de la baraque. Je suis sorti de la baraque pour tomber nez à nez avec un garde allemand ; nous avions chacun un fusil. Nous nous sommes regardés sans bouger et avons reculé sans tirer ; nous étions à trois à ce moment dans la baraque ; nous avons fui et avons entendu les Allemands crier « Vier Männen ». Nous avons couru en direction de Bras et sommes sortis du bois ; trois gardes se trouvaient à l’orée et ont tiré vers nous d’une distance d’environ 50 mètres, apparemment sans vouloir nous atteindre ; nous avons alors fait demi-tour et sommes rentrés dans le bois ; je suis revenu dans la baraque afin d’y cacher une serviette qui contenait photos et documents. Nous avons filé vers le nord, vers la route de Hatrival, en direction de Colrin (lieu-dit avec étang et chalet) ; nous avons pu traverser la route sans être vus. Arrivés à Colrin, nous avons vu arriver plusieurs camions transportant des soldats et des chiens, qui ont aussitôt entamé une battue en direction de la baraque (ceci indiquant que les Allemands n’étaient pas là par hasard ; d’autres témoignages tendent à démontrer que les Allemands avaient soigneusement préparé leur battue). Nous étions saufs. Nous avons réussi à prévenir Camille Herman qui a pu retourner, au milieu de la battue à la baraque pour récupérer la serviette. Ensuite, les allemands ont fouillé Hatrival de fond en comble, visitant tous les hangars sauf par chance celui où se trouvait caché notre poste émetteur.
Les Allemands étaient visiblement sur les dents ; c’est sans doute le même jour qu’à eu lieu la tentative d’arrestation de Robert Maistriau (capturé le long de la route en se rendant à la baraque, enfermé au « Val de Poix », futur internat de l’Athénée de St-Hubert, et ayant réussi à s’enfuir par une fenêtre).
Franz Schmitz, Albert François et moi-même avons quitté la région et sommes partis afin de nous faire oublier en Gaume à Gérouville où nous avons reconstruit une cabane ; nous sommes alors allés nous réfugier chez un de mes cousins à Jamoigne ; nous avons ensuite loué une maison à Watrinsart. Un peu plus tard, nous avons reçu des faux papiers et sommes revenus dans la région de Hatrival.
Au « Pirroy », la baraque découverte fut soumise à une fouille minutieuse par les Allemands. Tous les papiers furent saisis et ce qui valait la peine d’être pris fut enlevé, après quoi la belle baraque fut incendiée, emportant vers le ciel les souvenirs de la belle messe qui y avait été célébrée une quinzaine de jours plus tôt. Le lendemain, le village d’Hatrival fut encerclé et fouillé de fond en comble (des mitrailleuses avaient été postées à toutes les issues de la localité pour empêcher toute tentative de fuite). Les habitants furent consignés chez eux et Monsieur le curé se vit interdire de célébrer la messe ce dimanche-là ; le secrétaire communal Ernest François, fut interrogé à propos d’une liste de noms découverte dans la fameuse baraque, mais sut habilement répondre car il fut relâché, bien qu’étant un des hommes du « G » les mieux informés de tout (Message pour Philomène, p.93).  
Dénonciation …
Un certain Slegers [34] , de Marche (ou Marloie), a posé à l’équipe d’Hatrival un cas de conscience que Geai a un jour évoqué avec le futur abbé Jules Collin [35] , lors d’un camp scout dans les années de l’après-guerre. Il s’agissait de l’auteur d’une dénonciation, constituant, en raison de sa connaissance des membres de l’équipe de la baraque, un danger pour le mouvement. Son exécution avait été préparée, réfléchie longuement (constituant un véritable problème de conscience pour chacun) …, laissant à l’intéressé le temps de disparaître sans demander son reste.
Des enquêtes ont été menées après la guerre ; cette personne semble avoir quitté la région de Marche. La correspondance de Franz Schmitz avec Walter de Sélys Longchamps, après la guerre évoque le cas « Slegers ». Dans une lettre à l’entête du Palais de Bruxelles, du 17 août 1947, adressée à Franz, W. de Sélys écrit : … Concernant l’affaire Slegers, j’ai demandé conseil à Mr Bihin qui m’a demandé de lui transmettre un rapport qu’il examinera ; il fera ensuite parvenir son avis au Procureur du Roi de Neufchâteau. L’enquête en elle-même est normale, le parquet ne pouvant refuser de donner suite à une plainte, même s’il sait qu’il la clôturera par un « sans suite » !  
Relation de cette dénonciation, par André Bauche
Un membre du groupe (Seghers ?) de Marche a envoyé une lettre de dénonciation à l’encontre des personnes de Bras qui nous aidaient (en ravitaillement notamment) ; cette lettre fut interceptée ; nous avons discuté pour voir s’il fallait le tuer, mais il était difficile de passer à l’acte d’autant plus qu’il était toujours présent au sein du groupe. Jean Urbain se souvient qu’une fosse avait été creusée. Se sentant probablement menacé, le « Seghers » a finalement disparu. 
« La grande coupure » du 15 janvier 1944, acte de sabotage majeur du Groupe « G »
Un des plus grands faits d’armes du groupe G fut ce que l’on a appelé « La grande coupure ».
Il eut lieu le soir du 15 janvier 1944. Le plan avait été mûrement réfléchi et prévoyait d’abattre les pylônes supportant les câbles électriques. Ceux-ci avaient été choisis pour l’importance des perturbations que leur destruction allait provoquer dans les usines et les moyens de communications. La préférence fut donnée à des sites d’accès difficile, là où les opérations de réfection seraient plus longues à réaliser.
Ce soir-là, entre 20 et 23 heures, les membres du G firent sauter les pylônes du Borinage. Tout de suite, l’action remontait vers La Louvière, Court-Saint-Étienne, Charleroi, Namur, puis bifurqua vers la région liégeoise vers Bressoux et Visé, tout en rayonnant en direction d’Alost, Termonde, Malines Courtrai. La démolition à l'explosif de 28 pylônes à haute tension a pour effet de priver d'énergie et de façon durable de nombreuses usines à travers tout le pays et jusque dans le bassin rhénan. Un grand nombre d’entreprises produisant pour l’effort de guerre allemand furent immédiatement à l’arrêt et certaines n’étaient pas encore remises en état à la libération. Les conséquences de cette opération se firent durement sentir aux Allemands jusqu’à la fin de la guerre [36] .
Ce sont leurs anciens professeurs que les jeunes résistants de l’ULB, membres du « G », ont consultés pour mettre au point le projet de la « grande coupure ». Ainsi, les professeurs Pelseneer, Lameere, Baudoux et De Groote, promus « experts techniques du G », dressèrent le plan des pylônes transporteurs de courant qu’il était le plus rentable de détruire. Dès que l’étude fut terminée, Henri Neuman et Charles Mathieu (ce dernier, arrêté et pendu à Dora en septembre 1944) déterminèrent les objectifs et constituèrent les équipes … (W. Ugueux, « le groupe G », p.75).
Geai, Michel et André prennent le train, le lendemain, à Poix-Saint-Hubert, pour le sud.
Pendant ce temps-là, un envoyé de Bruxelles, Robert Maistriaux [37] , devenu commandant national au recrutement et à l’organisation, qui devait les rejoindre à la baraque, avant de se rendre en Basse-Semois, avait passé la nuit à Hatrival et quittait le village très tôt le matin. Le village était déjà encerclé. II est pris par les Allemands et conduit dans 1'hotel Au Val de Poix où il est enfermé dans une chambre au premier étage après avoir été fouillé ; il ne portait heureusement pas d’arme, mais sa carte d’identité lui est retirée pour vérification. Le Feldwebel préposé à sa garde, rassuré par le fait qu’il ne portait pas d’arme, se fait plus aimable et (baragouinant le français) va même jusqu’à lui conter la sensationnelle découverte d’une baraque de « Bandiete » ; Maistriau s’indigne de la scandaleuse audace de ces criminels qui lui valent d’être retenu, risquant ainsi de manquer son train ; l’Allemand s’excuse, lui répond qu’il doit comprendre qu’en raison de cette affaire, on doit vérifier son identité. Et c’est bien ce qui chiffonne Robert Maistriau, illégal depuis plusieurs mois et activement recherché … !
Resté seul, enfermé dans la chambre, il profite d'un moment calme, il ouvre la fenêtre, qu’il supposait au rez-de-chaussée mais se trouve en réalité au premier étage par suite de la déclivité du terrain ; il saute (se froissant un muscle), se ramasse et file à perdre haleine, s'enfonçant dans le bois. Connaissant peu la région, il marche à travers la forêt, s’aperçoit dans un premier temps qu’il a tourné en rond mais finit par atteindre Orgeo au terme de plusieurs heures de marche, une douleur de plus en plus aigüe lui taraudant un pied. Conscient du risque, mais épuisé et éprouvant de plus en plus de difficulté à marcher, il accède à la petite halte ferroviaire vers 8 heures du soir et prend le train pour Lacuisine (Florenville) où l’attendait son contact, chez le garde forestier Louis Dumont. 
Une réunion avait été projetée pour remplacer celle de la baraque. II est fidèle au rendez-vous et y retrouve Geai et Michel. Il repartira peu après pour Bruxelles, à temps pour empêcher les membres du service matériel de partir pour Hatrival. 
 
Hommages à Robert Maistriau (1921-2008) - cf. en annexes
L'histoire est connue en Israël et jusqu'en Amérique. C'est l'histoire du 20e Convoi, la seule entreprise menée sous l'Occupation pour stopper un convoi de Juifs déportés vers les camps de la mort. Cette action fut menée en Belgique, entre Malines et Louvain, le 19 avril 1943 par trois Bruxellois parmi lesquels Robert Maistriau, alors âgé de 22 ans (il décèdera en 2008 à l’âge de 87 ans).  
Armés d’un seul revolver et de sept cartouches (un « 6,35 », portée par Georges, dit Yura LIVSCHITZ, qui sera fusillé en février 1944), Robert Maistriau et deux de ses camarades ont réussi cette nuit-là à sauver plusieurs dizaines de Juifs qui se trouvaient à bord d’un train parti de la caserne Dossin à Malines pour rejoindre Auschwitz. Parmi les 1.631 Juifs qui se trouvaient à bord du train, 231 parviendront à s’échapper. Malheureusement, 95 de ces évadés seront repris quelques semaines plus tard avant de périr dans les camps.
Au sein du Groupe G des résistants de l’ULB, Robert Maistriau était chargé de la Direction nationale du Recrutement et de l’Organisation.
Arrêté le 21 mars 1944 à Bruxelles, il connaîtra l’enfer de Breendonk, de Buchenwald, onze longs mois à Ellrich et Harzungen, des camps annexes de Dora et, enfin, Bergen Belsen, d’où il sera libéré le 15 avril 1945. Il ne pesait alors que 39 kilos.
Après la guerre, il s’est installé au Congo en tant qu’éleveur, commerçant et planteur forestier ; il a notamment constitué une forêt avec des semences provenant du monde entier.
                                           
Robert Maistriau en 1943 tel que l’a connu Franz Schmitz … et tel que l’a connu son fils Jean-Louis, environ 35 ans plus tard au Zaïre (1975 à 1986)
Les deux compagnons de résistance vont alors passer 15 jours chez des parents d'André, à Gérouville. On s'occupe de faire fabriquer de nouvelles pièces d'identité. Le Bruxellois (Robert Maistriau) retourne à la capitale et nos compagnons vont se fixer chez un entre­preneur à Valansart, près de Jamoigne (Lecomte, entrepreneur à Valansart - le chauffeur de confiance se nomme Mathieu).
Ils y restent cachés pendant un mois, sortant seulement le soir. Le coup de la baraque était un coup dur pour eux. Il ne leur restait rien.
En mars, ils essayent de reprendre contact avec Hatrival. Ils se rendent à Libin où ils ont une entrevue avec le garde forestier d'Hatrival, Camille Herman. On leur conseille de patienter encore un mois avant de revenir. L'alerte a été forte et les environs sont surveillés. Dix mille francs ont été recueillis chez les cultivateurs et répartis entre les sinistrés de la baraque. Ils retournent dans le sud.
Watrinsart (Muno)
Ils sont occupés chez un entrepreneur pour les routes, logés au village dans une petite maison. Bien en règle avec leur carte d'identité d'ouvriers de carrière et leur carte de légitimation. Le compagnon de Marche vient les retrouver. Michel, souffrant, est allé se reposer chez des parents.
Mais la voix de 1'Ardenne et la voix des grands bois rendaient bien monotone le travail sur une petite route du Luxembourg. Ils prennent contact avec un groupe de l’A.S. de la région, qui était venu faire appel à leur concours pour la réception d'un parachutage.
C'est ainsi que Geai participa à un parachutage sur la Semois. Spectacle féerique et inoubliable que cette nuit d'attente sur les bords de la Semois, par un beau clair de lune, cette descente de parachutes, parfaitement réussie et ce transport en barquette vers des cachettes dans les rochers et buissons qui bordent la rivière ...

5.5 Retour dans les Ardennes, à Maissin ; chef de secteur Hatrival du G

Un mois s'est passé, à travailler avec des groupes du sud. II semble qu’il soit maintenant possible de rentrer dans le secteur d'Hatrival et d'ailleurs, il y a énormément à faire. Geai et ses compagnons reviennent dans leur secteur de travail. Ils se camoufleront dans des familles en attendant la reconstruction d'une nouvelle baraque, dont on a déjà acheté les matériaux. II y a un travail fou et on annonce des parachutages importants.
Geai s'installe dans un hôtel à Maissin (l’hôtel du commerce, tenu par la famille Schulz) et reste en liaison entre les groupes du sud et du nord, de même qu'entre les groupes G et 1'A.S. Ce dernier a son P.C. dans la forêt de Saint-Hubert.
II reprend contact avec les groupes disloqués par suite de 1'alerte. En quinze jours, ces groupes sont reformés. Tout le travail remarche normalement. L'A.S. demande de travailler en collaboration. Le chef du secteur Hatrival du groupe G ayant dû se camoufler, Geai en reprend la direction.
Postes émetteurs
Trois postes émetteurs sont montés et placés dans la région. Un d'entre eux est en contact avec Londres et les deux autres avec Bruxelles. On se sert même une fois de camion allemand pour trans­porter un poste émetteur, Geai ayant été demandé comme interprète ... Juin ... Deux parachutages très bien réussis.
Sabotage - le retour à la « tranchée blanche » ou Serpont
Nous avions une revanche à prendre dans la « tranchée blanche », lieu-dit encaissé situé sur la ligne de Jemelle à Libramont. L’équipe est composée d’une dizaine d’hommes « d’Hatrival » (parmi lesquels Marcel Philippe et André Bauche, de Libin, Franz Schmitz, …). 
Cette fois, le sabotage réussit. Les tire-fonds de la voie sont dévissés. Le train, composé de 17 wagons chargé de bois destiné à l’Organisation Todt [38] et à la Kriegsmarine, est intercepté, puis amené à redescendre à toute allure la côte du Serpont. Il déraille à l’endroit choisi ; les wagons se télescopent et se chevauchent, obstruant complètement le passage.
Il n’est pas possible de faire intervenir en cet endroit une de ces grues géantes prévues par les Allemands pour faire face à ce genre de situation. La circulation est interrompue pendant une à deux semaines à une époque critique de la guerre pour l’armée allemande.
Alerte !
Geai se trouvait dans la salle à manger de 1'hôtel avec des marchands de bois de sa connaissance quand des Allemands font irrup­tion : « Bras en 1'air ! Cartes d'identité ! ». Mais Geai est en règle. II est « commis des postes » et possède une carte de légitimation en bonne et due forme. II sert aussi d'interprète aux marchands de bois pour conférer avec les Allemands qui veulent même 1'emmener à Saint-Hubert où ils auront besoin d'un interprète. Geai prétexte de son service à la poste... ce qui faillit lui jouer un vilain tour car les Allemands voulaient demander au percepteur la dispense de son service de l'après-midi afin de pouvoir les accompagner. Or, le percepteur ne connaissait pas cet employé !
Août 1944. Le Prince Charles et l’opération « Patron-Lysander ».
On annonce à Geai qu’il doit se rendre à Ciney avec d’autres compagnons vétérans [39] du secteur d’Hatrival du « Groupe G », fortement armés. En effet un personnage très important doit se rendre à Londres par avion Lysander aux environs du 12 ou du 13 août et il faut protéger le décollage prévu sur un terrain, bien connu de la RAF, aux environs de Sovet, près de Halloy. On attendait une lune favorable et la confirmation de l’opération par le message suivant diffusé sur la BBC : « l'oiseau est sur la branche ». On écoute les émissions de 19h15 pendant cinq jours de suite. La BBC restera muette ; en effet, la lune refusant sa contribution, la RAF se décommandera.
On apprendra plus tard que le prince Charles, frère du Roi, dont l’évasion vers l’Angleterre était projetée, est resté plusieurs jours, sous le nom de Monsieur Bernard, au château du baron Walter de Sélys Longchamp [40] (compagnon d’armes du « G »), à Halloy-Braibant, dans 1'attente du même message.
L’opération « Patron-Lysander » [41] étant annulée, « Monsieur Bernard » retournera au maquis de Spa (dont il venait), pour y attendre la libération, et le commando d’Hatrival reprendra le chemin du Luxembourg.
 
Le Westland Lysander, construit par Westland Aircraft, avion de liaison aux performances modestes, acquit une grande renommée grâce à son utilisation pour le transport et la récupération d'espions, d'agents secrets, durant la seconde guerre mondiale.
Ses missions consistaient à rejoindre nuitamment des terrains de fortune recensés et évalués avec soin par la Résistance selon une méthode précise (coordonnées, altitude, cap de l'axe de roulement, longueur, nature du sol, pente éventuelle, obstacles environnants, etc.), tous les renseignements utiles ayant été transmis à Londres. La navigation se faisait essentiellement par observation du sol, ce qui rendait les vols tributaires des phases de la lune et des conditions atmosphériques.
Une fois arrivé à proximité de son but, le pilote situait le terrain grâce à des feux allumés au sol par des résistants que le bruit du moteur avertissait de son approche. L'activité des Lysander était si bien organisée, et soumise à des règles de sécurité si rigoureuses, que très peu d'accidents se produisirent. Par ailleurs, la taille relativement petite de l'appareil et son camouflage généralement noir mat en faisaient une cible difficile à repérer et à atteindre.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Lysander ont déposé sur le continent 101 personnes et en ont récupéré 128, pour l'essentiel des espions, résistants ou pilotes d'avions alliés abattus (extrait de Wikipedia).
 
Vue de l'avion.  
Westland Lysander Mark III, avion de reconnaissance et de liaison, mis en service en 1938 ; vitesse maximale de 336 km/h, rayon d’action de 1.000 km.
Le P.C. de 1'A.S. (Armée Secrète) demande à Geai de diriger la sous-zone des bois de Transinne [42] . Une baraque est en construction et 30 hommes doivent y arriver. Geai a fait transporter le matériel nécessaire à la construction et les approvisionnements. Six hommes y sont installés.

5.7 Pris au piège à Maissin, la capture, dimanche 13 août 1944 [43]

L'hôtel du Commerce (appartenant à la famille Schulz), résidence de Geai, est encerclé. Les Allemands entrent, fouillent et cueillent Geai.
Relation par André Bauche, de l’arrestation de Franz Schmitz à l’hôtel du commerce à Maissin (extrait de l’intervieuw réalisé par Eric Urbin, à Libramont les 2 et 23 février 1998, André Bauche étant alors âgé de 76 ans).
« Cet évènement s’est déroulé à l’hôtel du Commerce, tenu par la famille Schultz, au centre de Maissin, sur la route de Paliseul.
Franz et moi avions passé la nuit-là ; je me trouvais dehors et me préparais à aller à la messe. Ma sœur était venue me chercher à vélo ; son vélo avait eu une crevaison et je commençais à réparer la roue dans la cour devant l’hôtel lorsqu’un camion allemand transportant des militaires est arrivé vers l’hôtel. A l’arrière du camion se trouvaient déjà plusieurs hommes arrêtés dont Bodlet, de Rulles, qui se cachait dans une autre baraque à Transinne (il sera par la suite exécuté) et d’autres civils non maquisards arrêtés pour je ne sais quelle raison (peut-être les réfractaires capturés qui ont indiqué la « retraite » de Franz Schmitz).
Les Allemands nous ont arrêtés, Franz et moi, nous faisant entrer dans l’hôtel les mains en l’air. J’ai expliqué que je me trouvais là par hasard, à cause de la crevaison du vélo et que j’étais un employé de la poste (en réalité j’étais réfractaire). Ils n’avaient pas l’air de me croire. Ils sont allés voir dans la chambre et ont constaté que deux personnes avaient dormi là. Ils ont questionné Franz qui soutenait avoir été seul. Les Allemands se sont moqués pensant qu’il avait dormi avec une femme et qu’il ne voulait pas révéler son identité. Je portais des faux papiers et m’appelais à ce moment « André Marchal ». Comme les choses ne semblaient pas s’arranger, Franz qui était un prisonnier évadé s’est dénoncé. Il leur a dit en allemand qu’il était prisonnier évadé et devait être traité selon la convention de Genève. Sa ruse a réussi car ils m’ont laissé partir ; il a alors été arrêté puis a été dirigé vers la prison d’Arlon ». 
Que s'était-il passé ?
Les Allemands ont découvert la baraque, ont pris cinq des six hommes qui s'y trouvaient, un seul s'étant échappé.
Ils les martyrisent pour savoir qui s'occupe d'eux. L'un dénonce Geai et révèle où il se trouve. L’auteur de la dénonciation est un certain Bodelet, de Les Rulles ; un document d’avis du Ministère de la Reconstruction d’avril 1948 précise que la dénonciation a bien été « forcée, sous la pression et les coups reçus ».   
Après l’arrestation de Geai à Maissin, les Allemands conduisent leurs prisonniers d'abord à Poix-Saint-Hubert, dans un château qu'ils occupent.
Ils les y enferment dans une petite place. Geai profite de cette circonstance pour se débarrasser de papiers compromettants ; il les enfouit dans le plancher.
Un peu plus tard, ils sont emmenés en camion vers Arlon.
Les cinq hommes capturés dans la baraque sont envoyés en Allemagne en tant que réfractaires, car ils n’étaient pas armés et aucune arme n’a été trouvée par les Allemands.
Le rapport journalier du 14 août de l’Oberfeldkommandantur 589 (Liège), Kommandostab Abt. IA IC, mentionne pour la veille, 13 août : à Maissin, 15 km à l’ouest de Saint-Hubert, un prisonnier de guerre belge échappé a été arrêté (traduit de l’allemand). « Mon cher Frantz, …, ton nom n’est pas cité dans ce rapport d’arrestation, mais il s’agit à l’évidence de toi » (lettre d’Albert Camus, Auditorat Militaire, près le Conseil de Guerre, Arlon, 6 mai 1947).
Geai est incarcéré à la prison d’Arlon [44] en fin de journée, le 13 août 1944.
    
Prison d’Arlon et ancien siège de la Gestapo, à l’époque rue de Virton (bel-memorial.org)
Le motif de l’arrestation : « résistant, chef de groupe G ».
14 août. Interrogatoire, à la Feldgendarmerie. Il dure une heure et demie ; c'est le questionnaire d'introduction. Les Feldgendarmes sont assez convenables ; ils offrent même une cigarette.
15 août. En cellule avec le chanoine Alphonse Poncelet [45] , inspecteur diocésain principal, domicilié rue de Waltzing, 10 à Arlon. Messe à la chapelle de la prison.
16 août. Premier interrogatoire à la Gestapo, rue de Virton [46] . II dure deux heures et demie.
Il se fait d'après un volumineux dossier concernant 1'affaire de la baraque d'Hatrival. II faut se rappeler que les Allemands y avaient trouvé le numéro de matricule de Geai. Point ne servait de nier.
1)       « De qui cette fausse carte d'identité au nom de Jaumotte ? ». Geai soutient 1'avoir achetée 500 francs à un homme qu'il ne connaît pas et qui faisait ce genre de commerce. « En veux-tu pour rien des cartes d'identité, lui répond-on ? ». On en jette une liasse sur la table. On commence à le battre parce qu'il ne veut pas avouer le nom de celui qui lui a procuré la carte. Coups de matraque, derrière 1'oreille et sur les omoplates, coups de poing à la figure et coups de pied à 1'endroit cher aux Allemands.
2)       Questions générales sur la baraque. « Qui sont les chefs ? Où est caché A. H. dont ils ont saisi la carte d'identité à la baraque ? ». Geai ignore ce nom, car on appelait toujours A. H. du nom de Michel. Et Geai ajoute : « Les chefs ont toujours soin de se cacher où un soldat ne peut le faire... ». Mais les Allemands sont sceptiques. Ils sortent d'autres photos prises à la baraque. Geai reconnaît ses amis. II les cite par leurs noms de maquis. « Celui-là s'appelle André, de Bruxelles, mais je ne sais où il est. II doit être retourné à Bruxelles ». Après deux ou trois heures, les Alle­mands voient qu'ils n'en tireront rien. Ils veulent cependant savoir à tout prix où se trouve A. H., le chef. « Tu avoueras demain ! ». Ce sont leurs dernières paroles.
17 août. Second interrogatoire à la Gestapo, rue de Virton. Durée : trois heures environ.
Ils reviennent le chercher le lendemain. C'est un civil qui le conduit. L'interrogatoire commence, serré. Ils se butent devant les mêmes réponses. « Sais-tu danser la roumba ? » demandent-ils avec une ironie toute germanique. « Seuls les congolais savent bien danser la roumba, répond Geai sèchement ». – « Eh bien, nous allons te 1'apprendre ».
On emmène Geai dans une salle spéciale. On lui fait tirer sa veste. Le tortionnaire commence à le frapper avec une matraque et un bois d'épines noueux. On veut absolument qu'il avoue ou se trouve le chef A. H. et quel est le camion qui avait transporté les planches à la dernière baraque. Le supplice est épouvantable. A la fin, Geai leur dit : « Eh bien, vous, les soldats, si vous étiez dans mon cas, trahiriez-vous un homme que vous connaissez bien ? » Ils s'arrêtent de le frapper et le ramènent dans la salle de 1'interrogatoire.
On lui repose la question : « Où se trouve A. H. ? ». Promesse de liberté s'il révèle sa cachette. Geai ne répond pas ou, plutôt, il dit ignorer sa cachette. Alors, avec une pince de dentiste qui se trouvait là - la Gestapo occupait la maison d'un dentiste - ils le prennent en dessous du nez à la lèvre supérieure et commencent à le traîner autour de la table ; cela s'accommode avec de nouveaux coups de pieds. « Avoueras-tu ? » - « Je ne saurais pas avouer dans la situation où je suis ». Ils le relâchent, pren­nent quelques notes, actant les paroles, puis recommencent à frapper. Les gencives sont en sang, le sang coule des deux côtés de la bouche. Pour finir, Geai à bout leur dit : « Eh bien oui, je sais bien où il se trouve, mais vous pouvez frapper, vous ne le saurez pas ». Les coups s'arrêtent. Ils actent. Ils concluent 1'entretien après avoir lu le rapport et 1'avoir fait signer : « Vous êtes condamné à mort. Vous ne reverrez plus Marche ».  Geai leur répond et interroge : « Je le savais bien. Passerai-je devant le Tribunal ? ».  « Oui », lui répond-on, « mais inutile de faire un recours en grâce ».
On le fait sortir à la méthode boche, avec deux coups de pied. Le type qui le reconduit, dit à Geai : « Tu ne retourneras plus tout droit, va, toi ! ». Mais Geai se retourne droit comme un «I», la face bleue et ensanglantée.
Rentré dans sa cellule, il trouve le chanoine très déprimé. « Allons, Monsieur le Chanoine, jouons une partie d'échecs ! ». Et ils jouent une partie d'échecs ...
 
Condamnation à mort
La condamnation est prononcée par la Gestapo d’Arlon. La peine infligée est la « condamnation à mort ». Son motif ; « résistance armée (camp d’Hatrival, …) » [47] .
Emile Servaes [48] (1899-1974), professeur de langues germaniques, requis comme interprète durant la guerre par la Kommandantur de Marche, se souvenait en 1951 [49] qu’un sous-officier de la Feldgendarmerie lui avait dit, fin août, début septembre 1944, parlant de Franz Schmitz, marchois incarcéré à Arlon, « qu’il était dans de sales draps » !
Il l’était, en effet.
18 août et jours suivants. Grande consolation d'avoir chaque jour la messe dans la cellule dite par son compagnon de cellule... « C’est ce qui commença à me réconforter ». Tous les soirs, le chapelet était récité avec les détenus des deux cellules voisines. Les jours passent. La cause est jugée et Geai s'attend d'un jour à 1'autre à ce qu'on vienne le chercher.
31 août. Le chanoine Poncelet est relâché. Geai reste tout seul en cel­lule. C'est dur, c'est très dur. Cependant, un petit espoir. C'est en ville la grande effervescence. Les camions passent à toute allure. La retraite !
5 septembre. On évacue les otages pour 1'Allemagne. Restent les condamnés à mort, une dizaine, et les condamnés aux travaux forcés à perpétuité, une trentaine. Ils sont tous rassemblés dans un même quartier de la prison pour faciliter la surveillance. Une messe est célébrée pour eux par un aumônier allemand. Ils chantent de tout leur coeur le cantique : « Sur la Belgique étend ta main bénie ... ». Sourire entendu de l'aumônier allemand.
Attestations du Chanoine Poncelet
Le chanoine Alphonse Poncelet a établi trois attestations des sévices dont a été victime Franz Schmitz lors de ses deux interrogatoires par la Gestapo. Deux attestations sont manuscrites datées du 20 août 1947, puis du 4 mai 1948, très proches dans leur contenu ; une troisième, dactylographiée et légalisée, datée du 1er septembre 1950 est établie sous forme de « Pro Justicia » au commissariat d’Arlon (n°687) à la demande du Ministère de l’Administration générale et des Pensions et confirme l’attestation manuscrite de 1948 :
Je soussigné Poncelet Alphonse, inspecteur diocésain principal, déclare ce qui suit :
Mr Schmitz François, habitant Marche-en-Famenne a été mon codétenu à Arlon du 12 août 1944 (en réalité le 13) au 31 août, jour de ma propre libération. J’ai pu dans nos conversations quotidiennes apprécier ses sentiments de pur patriotisme et entendu les récits des exploits accomplis par ses compagnons et lui-même dans le maquis d’Hatrival et ailleurs.
Il a subi deux longs interrogatoires à la Gestapo où il a été les deux fois battu sauvagement. Je l’ai constaté de mes propres yeux : la tête était gonflée, le dos, les bras, les cuisses étaient noires de coups et couverts d’ecchymoses et j’ai cru que les chairs allaient s’ouvrir et tomber en lambeaux. Ce n’est que petit à petit qu’elles se sont raffermies mais elles étaient loin d’être guéries au moment de mon départ.
Ceci est l’expression de la plus stricte vérité.
Fait à Arlon le 20 août 1947.
Signé : A. Poncelet

7.  Dénouement inespéré [50] - libération le 8 septembre 1944

Le vendredi 8 septembre, à midi, on apporte la soupe comme à 1'ordinaire. Ils sont trois dans la cellule. Deux étages en dessous de leur cellule, se trouvaient des détenus belges. De temps en temps, en ne parlant pas trop haut, ils pouvaient entrer en communication. Le cuisinier les tenait plus ou moins au courant des choses qui se passaient en ville.
A 14h30. On entend appeler discrètement. On tend 1'oreille. C'est un appel étrange, inaccoutumé. Tous les trois se dressent et écoutent. Ils entendent : « Les Allemands ont quitté la prison ! - Comment ? ». On veut lui faire répéter. On n'entend plus rien. Ils se précipitent vers le judas qu'ils avaient réussi à manœuvrer de 1'interieur de la cellule. En effet, ils voient les geôliers belges qui ouvrent la porte des cellules d'en face et les referment.
On les appelle. « Patience, attendez encore une demi-heure de peur que les Allemands ne reviennent ».
Les portes sont ouvertes. L'émotion est trop forte. On est assommé. La lumière du jour les éblouit. Hagards, maigres, avec une barbe de trois semaines. Le foyer Leopold III les recueille et ils y restent quelques jours, car des Allemands repassent encore.
Et puis, c'est 1'arrivée des Américains et la joie débordante !
Le lendemain 9 septembre, Franz obtient du commissaire de police d’Arlon faisant fonction, une attestation tenant lieu de pièce d’identité pour lui permettre « de rentrer dans ses foyers », l’attestation précisant que « libéré de la prison d’Arlon le 8, il n’a pas pu obtenir sa carte d’identité qui a été égarée ».
De retour à Marche [51] , vers le 10-12 septembre, Franz est accueilli avec la joie qu’on imagine par sa famille et retrouve avec émotion la grande famille scoute, dont il est resté chef de troupe [52] . 
Il rentre cependant dans une famille Schmitz endeuillée et marquée par la mort tragique d’un fils, Fernand, frère cadet de Franz, survenue dans des circonstances restées obscures le 4 juin 1944, dans sa vingtième année, sur une route de campagne de la région. Sympathisant rexiste et percevant des taxes dans les fermes pour le compte de l’administration d’occupation Fernand aurait été, selon les gendarmes chargés de l’enquête, victime de représailles de fermiers de la région impliqués dans de juteux marchés noirs tant avec l’occupant qu’avec l’armée blanche. Des membres des mouvements locaux de résistance ont déclaré aux enquêteurs (mais aussi après la guerre) qu’ils n’avaient rien à reprocher à Fernand qui justifie une exécution. La guerre a permis de masquer les responsabilités de ce triste évènement, mais à l’évidence Fernand jouait avec le feu et n’avait pas pris la mesure des risques de cette forme de collaboration !
Il reste alors à Franz Schmitz deux frères dont l’un, rexiste a accompagné les Allemands dans leur retraite (voir en 8.4), et l’autre le plus jeune [53] est, à l’opposé, un fervent patriote. 
Franz a besoin d’un bon mois pour se remettre des sévices subis à Arlon et reprendre son service au sein de la Compagnie Luxembourgeoise d’Electricité.
Une attestation dactylographiée du médecin de famille (et Chef d’Unité scoute), le Dr Pierre Ledoux, établie le 21 février 1950, précise son état physique :
Je soussigné, docteur en médecine, certifie avoir examiné et soigné Schmitz François de Marche, ex prisonnier politique, libéré le 8 septembre 1944.
Cet homme était fortement débilité par sa détention et surtout par les mauvais traitements des Allemands.
Il était couvert d’ecchymoses, souffrait de troubles digestifs et d’hémorroïdes très prononcées.
Il fut incapable de reprendre aucun travail avant le 15 octobre 1944.
J’affirme sur l’honneur que la présente déclaration est sincère et complète.
Marche, 21 février 1950.                                                                  Pierre Ledoux
Une autre attestation, de Jean Gribomont, directeur de la Compagnie Luxembourgeoise d’Electricité, dont le siège se trouvait avenue du Monument (n°6) à Marche-en-Famenne, certifie que Franz Schmitz est rentré au service de la « compagnie » le 15 octobre 1944.
Le Groupe « G » s’est dispersé à l’automne 1944, dès la libération du pays. Ses membres et ses responsables sont alors retournés à leurs foyers et à leurs tâches civiles ou civiques. Franz Schmitz, à l’instar de la plupart de ses compagnons de résistance est donc rentré discrètement et assez rapidement compte tenu des sévices subis, dans la vie professionnelle et sociale …
Toutefois, en raison de ses antécédents et de sa très bonne connaissance de la région, notamment à travers le scoutisme, il a été ponctuellement sollicité pour accompagner des militaires alliés dans des actions de reconnaissance dans la région de Marche et à travers la province de Luxembourg.

8.2 Les scouts aussi attendaient le retour de leur chef de troupe …

Le 22 octobre 1944 a lieu une réunion d’Unité (scoute) extraordinaire, qui se tient à la Maison des Œuvres en raison du temps (à l’emplacement des actuelles salles de « La Source »), débutant par des jeux, le passage de louvetaux à la troupe, …, puis l’annonce par le chef de district de l’ouverture du « premier feu de camp de la libération », annonce accueille par une formidable ovation.
L’Unité scoute toute entière pousse ensuite un triple « Hourra » en l’honneur de son cher « ex-prisonnier, maquisard, condamné à mort par les Boches », son chef de troupe Geai. Les chants qui suivirent furent enlevés avec brio par les quelque cent cinquante « preux du Saint Sépulcre de la Vème Famenne ».
Le rédacteur « Moustique » a une pensée pour le « pauvre chef Geai, qui assis à la place d’honneur, ne sait plus à quel saint se vouer devant cette Meute et cette Troupe qu’il avait quittée simple et qu’il retrouve dédoublée ». C’est que la guerre avait suscité des vocations nombreuses chez les louveteaux et les scouts ; la famille s’était agrandie ! 
Extrait de « Tallye – Vème Famenne », octobre 1944, le retour du chef Geai …
Vers la fin de l’année 1944, Hitler ne s’avouant pas vaincu, contre toute attente, lance une offensive de la dernière chance en direction d’Anvers, à travers les Ardennes belges et la Famenne ; c’est l’offensive « Von Runstedt » (décembre 1944 - janvier 1945).
8.3.1 Scouts et cheftaines assurent l’accueil des réfugiés, l’intendance (relation faite par l’abbé Léon Pierret, en 1945)
La semaine avant Noël revit à Marche la panique de 1940, sur une moins grande échelle cependant, car la circulation était sévèrement réglementée par les autorités américaines.
Ce fut quand même l’afflux de réfugiés de Saint-Vith et du nord du Grand-Duché, puis d’Houffalize, La Roche et villages environnants. Mais quelques difficultés surgirent par suite de l’hiver et des restrictions du ravitaillement, d’autant plus que ces réfugiés étaient contraints par la police militaire de rester à Marche.
Dans un premier temps, les autorités civiles se montrèrent passives. Il y avait là, cependant, des nécessités urgentes, des familles avec petits enfants sans abri, des gens sans nourriture en proie au désarroi et à l’inquiétude de revoir les Boches.
C’est ce service d’aide matérielle et morale que les Scouts et cheftaines prirent en main, en accord avec l’autorité américaine. Il fallait mettre tout sur pied, travail de pionnier. Nos routiers, grands scouts et cheftaines s’y donnèrent.
Une salle de cinéma fut changée en centre de réfugiés, en quelques heures ; il fallait tout faire. Le Secours d’hiver nous remit les clés et la disposition de ses quelques stocks de vivres. Les cheftaines s’occupèrent de préparer et de distribuer la soupe et les vivres aux réfugiés. Mais le gros travail était de remonter le moral de tous ces pauvres gens excédés de se voir empêchés de quitter la ville et craignant l’arrivée des Allemands. Car la canonnade se rapprochait, le jeudi, le vendredi, avant Noël.
Nuit de vendredi à samedi (22 au 23 décembre). Plus de 150 réfugiés sont hébergés dans la salle de cinéma. Le canon est assourdissant. Il faut calmer les réfugiés, consoler les petits enfants. La situation n’est pas rassurante, mais on ne peut pas avoir l’air de s’alarmer. Les réfugiés épient les visages des scouts : « tant mieux qu’ils tirent, ce que les Boches doivent encaisser ! ». Il vaut mieux blaguer. Le résultat est acquis et les réfugiés passeront une bonne nuit.
Mais pas les Aumôniers et quelques Routiers qui veillent au centre d’accueil ; on dit le chapelet tout bas et on se sent plus fort.
Vers minuit, une série de détonations formidables. La lumière s’en va. La salle commence à s’agiter. « Silence, laissez dormir les enfants ; c’est la DCA américaine qui tire ! ». On se calme. On entend encore quelques détonations. Un scout arrive et demande qu’on mette les réfugiés à l’abri car la ville reçoit des obus allemands. Que faire ? La cave ne peut contenir qu’une vingtaine de personnes. Impossible de sortir car la police est sévère et tire sur ceux qui se trouvent dans les rues après le couvre-feu. « A la grâce de Dieu ». Des obus tombèrent tout autour du centre mais celui-ci ne fut même pas atteint par un éclat !
Samedi 23 décembre. Les Américains réquisitionnent des camions pour transporter les réfugiés à Namur. Ils sont tous évacués le matin. Dans l’après-midi, on nous donne le conseil de quitter Marche. Des camions « nègres » nous sont renseignés. C’est la prudence même car tous les routiers et cheftaines ont fait du maquis et des activités interdites pendant l’occupation. Le soir, on arrive à Namur.
A Namur, nous offrons nos services à la Croix-Rouge qui s’occupe aussi des réfugiés.
Dès mardi, lendemain du jour de Noël, la situation s’éclaircit avec le temps et on songe à rentrer. La plupart seront de retour à Marche cette même semaine.
Le service recommence. Blaireau (Georges Hanin), chef de troupe [54] , qui avait raté le camion « nègre », ne l’avait d’ailleurs pas interrompu et continuait avec quelques plus jeunes scouts à s’occuper des réfugiés refluant déjà, mais arrêtés à Marche car les Boches étaient encore tout autour de la ville. Ils y resteront encore trois semaines.
On continue donc chez les RP Franciscains, nouveau centre des réfugiés. Chaque jour, le service de lait ira recueillir 120 litres de lait dans les villages, malgré la neige et le vent. On procède aux distributions de vivres même à domicile car des familles abritent aussi des réfugiés.
Nos scouts travaillent au service de roulage, à l’Œuvre nationale de l’enfance, au déchargement des camions de vivres qui commencent à venir de Bruxelles. A signaler aussi le service de nuit à l’hôpital auxiliaire, rempli par des routiers.
Le désarroi passé, tout se réorganise ; des comités s’installent ; de « gros Messieurs » s’amènent de Bruxelles … Les pionniers se retirent sous la tente avec le sourire.
Les cheftaines continuent à servir au centre qui est devenu maintenant « Centre de Rapatriement » …
8.3.2 Tragédie de Bande
La veille et le jour de Noël 1944, c’est la tragédie de Bande. Le 24 décembre, des troupes chargées de représailles suite à des actions de résistance du mois de septembre font leur apparition dans le village, arrêtent des hommes du village et des réfugiés, dont une partie à la sortie de la messe ; ils les questionnent et finissent par en garder 33, dont un s’échappera ; le plus jeune, André Gouverneur [55] avait fêté ses 17 ans le mois précédent.  Ils sont emmenés et exécutés les uns après les autres dans la cave d’une maison en ruine (incendiée, déjà en représailles en septembre). Aux 32 fusillés du 24 décembre s’ajoutent 2 victimes de Roy (les frères Malempré), portant le nombre de victimes à 34.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/16/116th_Panzer-Division_logo.svg/120px-116th_Panzer-Division_logo.svg.png Au terme de combats violents, le village de Verdenne est libéré par les Américains le 26 décembre 1944, bloquant ainsi, au niveau de la région de Marche [57] , l’avancée de la 116e  Panzerdivision blindée de la Wehrmacht (dite Windhund ou lévrier, qui est son emblème) ; la pression se desserre dès lors sur la ville de Marche, qui respire enfin. Elle n’aura pas à subir de nouvelle occupation par les Allemands ! Les échanges de tirs entre Américains et Allemands par-dessus la ville occasionneront un certain nombre de dégâts dont la façade de l’une ou l’autre maison porte aujourd’hui encore les marques [58] .
Extrait des Annales 1994 du Cercle historique de Marche-en-Famenne, « Marche, souviens-toi, septembre 1944 - janvier 1945 », p.45 / Le « Nous » se réfère aux troupes américaines !
Puis lorsque la situation l’a permis, il a fallu, pour la Compagnie Luxembourgeoise d’Electricité à laquelle appartenait Franz Schmitz, rétablir les lignes électriques partout où les combats les avaient détruites …
« Après la guerre est né un autre Groupe G, celui des survivants qu’unit une amitié virile, fondée sur les dangers courus en commun et sur l’idéal servi de concert » [59] .
Différentes photos prises après la libération montrent des membres du « G », à la villa « Les Hiboux » située à Rochefort [60] , qui fut le PC de la Région I du « Groupe G » d’avril à septembre 1944, « région » dont Walter de Sélys Longchamps [61] a assuré le commandement durant les derniers mois de la guerre. 
Franz Schmitz et Walter de Selys Longchamps entretiendront une correspondance nourrie dans les années qui ont suivi la fin de la guerre, à titre personnel et dans le cadre de diverses démarches liées à leurs activités de résistants et au groupe G.
Leur amitié, forgée dans le maquis ardennais, ne se démentira jamais. Ils resteront en contact par correspondance, et se retrouveront occasionnellement lors de séjours en Belgique de Walter de Sélys. Affinités peut être basées sur une secrète intuition, car ils n’ont jamais imaginé avoir des ancêtres et une ascendance commune ; la généalogie a pourtant, bien plus tard, révélé entre eux un lointain cousinage, remontant au 16ème siècle [62]  !
 
Villa « les Hiboux », Rochefort (fin 1944 ou 1945) ; de g. à dr. : Henri Delhaye (Marche), Franz Schmitz (Marche), Walter de Sélys Longchamps, André Bauche (Libin) en uniforme anglais, André Van der Straten-Waillet (Marche)
Dans le cadre du Groupe G, Franz a également maintenu de liens d’amitiés particuliers avec Camille Hermand, promu après la guerre brigadier des eaux et forêts, avec Hubert Halin, du Conseil national de la résistance (qu’il rencontrait régulièrement à Bruxelles) et bien d’autres compagnons du « G », devenu après la guerre une grande famille, avec ses moments de commémorations, de retrouvailles, …
A cette époque, Franz est particulièrement préoccupé par la situation de son frère cadet, rexiste (chef de propagande de Rex, engagé à la garde wallonne) qui avait accompagné les Allemands dans leur retraite, appartenant au service des volontaires du travail, et qui est incarcéré, dès la fin de la guerre, à la prison d’Arlon (d’où, ironie de l’histoire, son frère aîné avait été libéré quelques mois plus tôt !).
Il sera jugé et condamné par le Conseil de Guerre de Marche, en mars 1946, à une peine de réclusion de 20 ans (ce verdict tenant compte de circonstances atténuantes, parmi lesquelles, « la conduite, et l’action héroïque du frère de l’accusé, Franz Schmitz, prisonnier de guerre évadé, résistant, … »).
Les années suivantes, Franz, en tant qu’aîné, n’aura de cesse que la libération de son frère, père de 4 enfants ; il introduira à cette fin, en février 1949, un recours en grâce auprès du Prince Charles, alors Régent de Belgique. Les démarches entreprises, épaulées notamment par Walter de Sélys-Longchamps, aboutiront à la libération de l’intéressé vers la fin de l’année 1949. La famille à nouveau réunie ira s’installer à Bruxelles.
Franz pouvait dès lors se consacrer davantage à lui-même, et songer à fonder sa propre famille « en choisissant bien sa future compagne » (comme le lui recommande Walter de Sélys) !   

9.  L’après-guerre

Les activités de guerre et l’engagement patriotique exceptionnel de Franz Schmitz ont été officiellement reconnus et ont fait l’objet de diverses distinctions dans les années d’après-guerre et par la suite.
C’est ainsi que par Arrêté de S.A.R. le Prince Régent du 26 avril 1946 (n°22A), il est nommé « chevalier de l’Ordre de Léopold II avec Palme » et se voit attribuer la « Croix de Guerre avec Palme », aux motifs suivants : « Prisonnier de guerre évadé d’Allemagne, après deux tentatives d’évasion, Schmitz parvient à regagner le pays. Il se met aussitôt à la disposition du groupe « G ». Agent d’action d’élite, il choisit toujours les missions les plus dangereuses et travaille avec un mépris total de la mort. Patriote ardent, Schmitz se montra l’âme de ses camarades de combat, et assuma les tâches les plus ingrates. Arrêté le 11 août 1944 (en réalité le 13), il refusa de parler malgré les coups qui lui furent infligés. Condamné à mort, il fut miraculeusement délivré par les troupes alliées ». Le Prince Régent s’estime heureux de pouvoir lui adresser ses félicitations au sujet de cette nomination. Franz sera invité à Bruxelles pour la réception organisée au Palais de Bruxelles le jeudi 21 mars 1946 à 9h30 (transport assuré gratuitement par chemin de fer).
  
D’autres distinctions suivront (cf. le résumé des Etats de Services de Guerre, pp. 3-4).
Dans le cadre de démarches effectuées pour la reconnaissance de son statut de « prisonnier politique », Walter de Sélys Longchamps établit l’attestation manuscrite suivante :
Je soussigné, Baron Charles Walter de Sélys Longchamps, Secrétaire du Commandement de son Altesse Royale le Comte de Flandres, substitut de l’Auditeur Général délégué, domicilié à Uccle, 7 avenue Hamoir.
Ancien commandant de la Région 1 du Groupe Général de Sabotage de Belgique, Groupe G, ancien membre de l’E.M.G., déclare que Monsieur François Schmitz, demeurant à Marche en Famenne, ancien chef du service Matériel et Liaison de la Région 1 du groupe G, a été arrêté en mission par l’ennemi en 1944 et incarcéré à la prison d’Arlon dont il fut libéré par l’arrivée des alliés.
Je certifie également avoir appris au moment de la libération de Mr Schmitz, qu’il avait été interrogé, torturé et condamné à mort par l’occupant.
Le 18 décembre 1950. 
Signé : W. de Sélys Longchamps
 
 
Son sens civique et le souci de « servir » (toujours fidèle à son totem scout) l’amènent à se présenter et être élu « conseiller communal » de Marche aux élections communales du 24 novembre 1946 [63] (liste n° 2, avec MM. Van der Straeten-Waillet, Bourguignon, Laloux, Hanin, et Fourneaux), mandat qu’il exercera durant 30 ans, s’investissant personnellement dans différents dossiers (la mise en place des infrastructures pour  le quartier de Campagnette naissant, …), usant de relations familiales à Bruxelles (Cabinet du Roi, …) pour leur avancement ou l’obtention de subsides (aménagement de la « petite église » ou Casino, vitraux de l’église de Marche, etc.).
Fin 1962, M. le gouverneur Brasseur inaugure la bibliothèque provinciale, visite le zoning industriel et les travaux des nationales 4 et 35 (en vue du contournement de la ville)
 
En 1969, il remet les clefs de la ville à l’Emir Carnaval Jean Louis 1er.
« C’est Franz Schmitz, conseiller communal, représentant le bourgmestre, qui le salue au nom de l’administration communale, lui souhaitant un excellent règne sur la cité ».
1969, le prince carnaval et sa suite sont accueillis à l’hôtel de ville par M. Franz Schmitz (ph. AL)
« Le dimanche 27 juin 1976, le comité local du P.S.C. s’est réuni chez Monsieur Franz Schmitz, à l’occasion de son départ de la vie politique pour le remercier de tout le dévouement qu’il a apporté à la chose publique » (article de l’Avenir du Luxembourg du 1er juillet 1976) ; une évocation de la vie de Franz est faite par Jacques Bourguignon  et la petite cérémonie se termine par le verre de l’amitié ; parmi les présents, M. Jacques Bourguignon, bourgmestre ; M. Charles Hanin, sénateur ; Mlle Armande Var der Straten - Waillet et M. Dourt, échevins ; ...    
Geai est généralement resté discret sur ses quatre années de guerre, vécues douloureusement. Cependant, et peut-être comme manière de dédramatiser certains évènements, début des années 50, il en a fait une narration humoristique à l’intention des scouts qui l’interrogeaient fréquemment sur ses activités de guerre. C’est donc dans « le Boutoir » qu’il publie ses « Mémoires », en 15 épisodes, publication interrompue par son mariage en août 1953.  
« Mariage de notre chef Geai », le 14 août 1953 
Extrait du « Boutoir », écorce mensuelle de l’unité scoute de Marche, n°6, août 1953.
Rentrés du camp la veille à 23h30, le vendredi 14 août à 10h30, nous revoyons tous nos scouts parcourant déjà la ville en uniforme propre et impeccable …
C’est que le chef Geai se marie aujourd’hui !
A 11 heures l’église se remplit et bientôt notre chef et sa fiancée, Mademoiselle Adeline Prestat s’engagent dans la nef entre une double rangée de Scouts et Louveteaux.
Monsieur l’Aumônier [64] entre dans le cœur et entonne le Veni Creator.
Avant de procéder au sacrement, Monsieur l’Aumônier adresse quelques mots aux futurs époux « le mariage est semblable à un départ vers le camp … départ vers l’aventure … aventure qui demande certes un réel renoncement mais qui est toute joie parce que baignant dans l’amour, amour béni et sanctifié par le Christ ».
Ensuite, pendant la célébration du sacrement de mariage, du jubé où se pressait un gros contingent de scouts, descendit le « chant de la promesse ».
Après la sainte messe célébrée par Monsieur l’Aumônier, les scouts acclamèrent de nouveau les nouveaux époux à la sortie de l’église.
Quelque temps après, en un groupe compact et discipliné, chantant fièrement, ils pénétrèrent dans la cour de Monsieur Prestat où les vœux de l’Unité furent présentés avec originalité sous forme d’un cœur parlé intitulé : « Joie - tranquillité - peut-être ! », dont l’extrait suivant évoque des aspects de la personnalité du jeune marié :

… C’est le même Chef Geai avec son humeur massacrante dans le lever.

C’est le même Chef Geai avec son éloquence décanale dans les commentaires de la loi au pied du mat.

C’est le même Chef Geai avec ses ordres cassants et énergiques.

C’est le même Chef Geai avec son art d’amadouer les gardes forestiers avec sa série de décorations et la bouteille de « vin spécial » destiné à la Croix-Rouge.

C’est le même Chef Geai avec son rire discret et son geste symbolique.

C’est le même Chef Geai avec les mollets bien rasés.

C’est le même Chef Geai avec son art de rabistoquer toutes les brouilles et les mésententes.

C’est le même Chef Geai avec son péché mignon de gouter du bout du doigt le contenu des casseroles des patrouilles et par là, ne se plaignant jamais d’avoir faim.

C’est le même Chef Geai avec sa ritournelle des grandes occasions : « la mort d’Hippolyte [65]  » …

 

La mort d’Hyppolyte, par Pierre-Paul Rubens, vers 1612

 
Parmi les nombreux témoignages de sympathies, ceux du chanoine Poncelet, co-détenu en 1944 à la prison d’Arlon (se trouvant en 1953, inspecteur diocésain principal) : « captivité pour captivité, la seconde vaut mieux, félicitations et sincères vœux de bonheur ». 
Un article de L’Avenir du Luxembourg intitulé « un mariage bien sympathique au pays de Marche » évoque la cérémonie et les engagements personnels du marié. 
 
Extrait d’un article paru dans l’Avenir du Luxembourg (août 1953)
 
Il effectuera la plus grande partie de sa carrière professionnelle dans le cadre de la Compagnie Luxembourgoise d’Electricité (CLE) et d’ESMALUX (Electricité de Sambre et Meuse, des Ardennes et du Luxembourg), devenue Unerg en 1976, puis Electrabel. Sa fonction d’inspecteur l’a amené à d’incessants déplacements à travers la province, ses campagnes, ses forêts pour l’accompagnement du travail des cabiniers, les dépannages, la prospection et les négociations dans le cadre de l’ouverture de nouvelles lignes électriques, la répression des fraudes, etc.
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Franz assurera, dans l’après-guerre, la tâche à la fois lourde administrativement mais gratifiante socialement de secrétaire de la section locale de la Fédération Nationale des Anciens Prisonniers de Guerre (FNAPG [66] ). Ces derniers sont nombreux à l’époque pour la région de Marche, et doivent faire face à diverses difficultés d’ordre matériel et financier (réparation des dommages subis), de santé pour beaucoup, de reconnaissance. Il assurera ce secrétariat jusqu’à son décès le 11 novembre 1979 [67] .
Il restera impliqué dans les activités du Groupe « G » en lien notamment avec Hubert HALIN, président du Comité National, qu’il rencontrait régulièrement à Bruxelles (commémorations, enquêtes sur présumés criminels de guerre, …).
Il succédera au Dr Pierre Ledoux, en tant que chef d’unité scoute de la Vème Famenne (de décembre 1951, jusqu’en 1964 [68] ), et s’impliquera activement dans diverses associations marchoises : le Royal Auto Moto club (y assurant la présidence du Camping Paola et du Lac Albert), le Comité des fêtes, le Comité de la Porte-Basse, l’Harmonie communale, ainsi qu’au niveau paroissial (parrain de confirmation en 1961).
Franz Schmitz s’est éteint le 11 novembre 1979, jour de commémoration de l’armistice en 1918, journée symbole de fin des hostilités, d’hommage aux victimes, et d’espoir.
L’église paroissiale Saint-Remacle de Marche a eu peine à contenir l’assistance très nombreuse à ses funérailles, concélébrées le mercredi 14 novembre par le Chanoine Thiry et plusieurs prêtres amis, anciens scouts ; l’église a fait écho d’un émouvant et lancinant « chant des partisans [69]  » et a résonné d’une vibrante brabançonne, saluée par les porte-drapeaux des différentes associations patriotiques réunies dans le cœur.
Les témoignages de sympathie et d’amitiés ont été nombreux de la part d’anciens scouts revenus à Marche pour la circonstance, de compagnons des camps et des maquis ardennais, et bien sûr de ses très nombreux amis et connaissances de Marche et d’ailleurs.
Et sur sa pierre funéraire a été gravée, comme il l’avait souhaité, une croix scoute !
Son décès a fait l’objet d’un discret article dans la presse régionale, intitulé « mort d’un prisonnier politique », rappelant des différents engagements, discret et concis comme il l’avait toujours été lorsqu’il était invité à évoquer ses années de guerre et comme il avait coutume d’être dans la vie de tous les jours.

 
 
Annexe 1 :           Description du chasseur de chars T.13
Annexe 2 :           La fin héroïque de l’abbé Gérard Van der Straten-Waillet
Annexe 3 :           Interview d’André Bauche, ancien membre du Groupe G, réalisé par Eric Urbain (saisie par J-L Schmitz)
Annexe 4 :           Cœur parlé à l’occasion du mariage du chef Geai, le 14 août 1953
Annexe 5 :           Franz Schmitz, personnalité (témoignages)
 
Annexe 6 :           Hommages à Robert Maistriau (1921-2008)
 
Annexe 7 :                    Références bibliographiques (groupe G)
 
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Annexe 1
T13_AR Les T.13 furent développés comme chasseurs de char / canons automoteurs pour fournir un appui-feu à l'infanterie ou la cavalerie. Il ne s’agissait pas des chars de combat en raison de la tourelle ouverte (sur l’arrière), offrant peu de protection à l'équipage. Cependant les Belges manquaient cruellement de chars de combat et furent forcés d'utiliser les T.13 dans ce rôle pour lesquels ils n'étaient pas conçus. Leurs performances au combat furent insatisfaisantes notamment à cause de la faiblesse du blindage (9 mm maximum), malgré leur excellent canon de 47mm qui pouvait transpercer de part en part un Panzer IV de l'époque.
Chasseur de chars T-13. Ces "tanks" connurent le feu lors de l'invasion allemande de la Belgique en 1940 et le canon antichar de 47 mm des T13 fut une arme efficace (sce : Wikipedia)
Le T13, est un petit canon monté dans une semi-tourelle à révolution totale posée sur un châssis de tracteur blindé Vickers-Carden Loyd Type III sur chenilles. Le canon automoteur pèse environ 5 tonnes. Le canon de 47 mm FRC monté dans la tourelle pouvait percer n'importe quel blindage de l'époque. Le tir pouvait s'effectuer sur 360 ° de rotation. La vitesse initiale à la sortie du tube était de 675 m/s, ce qui permettait de percer 40mm de blindage à 600 m. La portée utile était de 3.000 mètres. Le char transportait 69 obus explosifs et 69 obus perforants. Bien que la tourelle puisse accomplir une rotation complète, le tir se faisait principalement vers l'arrière, car à l'avant du char, une superstructure blindée (pouvant cependant être mise à plat pour un tir vers l'avant) faisait obstruction. Cette particularité en faisait avant tout une arme d'embuscade.
Le fusil mitrailleur FN Browning modèle 1930, calibre 7,65 mm était complémentaire et placé à droite du canon.
L'équipage est de trois hommes ; l’engin est équipé d’un moteur Vickers Armstrong de 150 cv, 6 cylindres ; vitesse de 40 km/h sur route ; longueur 3,65 m, largeur 1,87 m. Le véhicule et l'armement sont de fabrication belge. Le prix en 1938 : 150.000 fr.
Le Régiment était doté de T13 III. Le véhicule T13 III, version la plus moderne, se reconnaît au numéro de plaque commençant par le chiffre 3.
Le personnel des T.13 et T.15, et le personnel motocycliste portent la veste de cuir et le casque moto ou celui du modèle des équipages de blindés. Sur cette veste, et même sur la capote, est portée la gaine du GP avec planchette-crosse, et l'étui pour chargeur de rechange.
Texte : TROUSSON Michel.
 
Anecdotes :
Joseph SCHMITZ, originaire de Marche, se souvient avoir vu avec fierté un groupe de T.13 traverser la ville de Marche, lors d’exercices durant l’année 1939 ; son frère aîné, Franz Schmitz (du 1er Chasseur Ardennais), était chauffeur d’un de ces engins.
Marcel COLLARD, beau-frère d’Anne-Marie COLLARD-MASSON (résidant à Bastogne, mais originaire de Marche), membre d’un équipage de T.13 (appelé aussi « 4.7 » en raison de son canon) est mort suite à un accident, le 18 juin 1936. Le chauffeur était ivre ; la chenillette a versé dans un ravin ; le Cdt du char, le Lieutenant DASSE, originaire d’Ans, a aussi été tué dans l’accident. 
 
 
 

 
 
Annexe 2
Monsieur l’abbé Gérard Van der Straten - Waillet (Abeille volontaire, tombé au champ d’honneur de Swijnaerde
Compte rendu dactylographié par l’abbé Pierret (à l’intention de la famille) ; exemplaire remis à Franz Schmitz après la guerre et conservé par ce dernier.  
Parmi les premiers scouts de Marche, 1er chef de clan en 1937.
Tombé au champ d’honneur de Swijnaerde, et décédé le soir même à l’hôpital militaire de Roulers, le 23 mai 1940, jour de la Fête-Dieu.
             
Nature noble, droite et généreuse à l’excès. Ardent pour l’effort physique, comme pour l’effort moral et spirituel. Aimant la vie simple, la vie rude, la vie des bois, la marche à travers nos belles forêts d’Ardenne. Caractère bouillant mais arrivé, à force de lutte, à une maîtrise parfaite de soi-même. Il avait trouvé dans le scoutisme la réponse à ses aspirations de vie rude, chevaleresque, de don de soi et de perfection.
« Il n’y a de paix que dans le don absolu de soi. Devenir simple comme des enfants. La vie scoute devrait nous y aider, n’est-ce-pas ! » (lettre à son aumônier en 1938).
Il prit une part active à la fondation de l’Unité scoute de Marche : troupe, meute, et clan, dont il fut le premier chef en 1937. Il participa à nos premiers camps : Ferage (1936),  Lesse (1937) et Hatrival (1938 – il venait d’être nommé vicaire à Salzinnes).
En contact fréquent pas lettres avec les Chefs et Aumônier, il préparait les grandes activités, donnait son avis sur les grands problèmes qui se posent au début d’une troupe, mais surtout, il leur communiquait un peu de son âme de feu.
Pressentiment !? Il écrivait, vicaire à Salzinnes, à son aumônier : « j’ai trouvé une belle pensée dans Claudel, au sujet de la mort, et qui ferait bien sur mon souvenir (si je meurs avant toi, tu penseras ?) : Bénie soit la mort en qui toute demande du Pater est comblée ! ».
Mobilisé en 1939, il entra, avec l’armée belge en campagne, le 10 mai 1940. Laissons-le raconter lui-même cette trop courte campagne.
Extrait de la dernière lettre envoyée à ses parents et datée : ce jeudi 16 mai 1940.
« … nous sommes entré en guerre dans le Luxembourg sans le savoir : alerte à 1h30 du matin, puis bombardement de nos positions par l’aviation, qui n’a cessé alors de nous mitrailler et de nous survoler toute la journée. On n’osait y croire, je suis toujours avec le groupe de mitrailleurs de notre compagnie, en première ligne. Vers 16h, les premiers Boches ont apparu, d’autres groupes ont tenu une heure ou deux. Mais, rapidement débordés par le nombre, on nous a donné l’ordre de nous replier vers 18h. A cinq minutes près, nous étions tous tués ou prisonniers. Nous avons fui en vitesse, avec les Boches à quelque cent mètres de nous. Le soir, nous avons repris position à Sibret, contre les parachutistes descendus en assez grand nombre. Effrayant, dans l’obscurité, où le moindre bruit peut-être un signe de mort… Enfin, vers 11h, nous avons de nouveau fait un repli nécessaire, qui nous a sauvé la vie, vers Saint-Hubert, Nassogne, Aye, …, jusqu’à Ochain, Modave, où nous avons mis les armes en position le reste de la journée et la moitié de la nuit.
« Toute la nuit de samedi, jusqu’au matin vers 6h, nous nous sommes repliés sur Namur par Huy, où l’on faisait déjà sauter le pont. A Namur, nous avons commencé à connaître de plus près les horreurs de la guerre actuelle : bombardement toute la journée par l’aviation … Je vous avoue que j’ai fait de nombreux actes de contrition pendant ce dimanche de Pentecôte. Il faut dire que nous étions fourbus par deux nuits sans sommeil, toujours en vélo, sans manger et tout énervés. Les bombes sont tombées très près de nous deux fois. Nous avons eu du travail comme prêtres et brancardiers … J’aurais pleuré de voir la pauvre ville de Namur si meurtrie. C’est une des plus tristes journées que j’ai passées depuis le début de la guerre, quoique nous en ayons eues de plus dures par la suite. Nous n’avons plus fait un déplacement en vélo sans devoir nous cacher à tout instant dans les fossés pour éviter les avions. A Namur même, nous étions couchés dans un fossé ou le long d’un mur pendant chaque bombardement. L’instant où l’on entend siffler la bombe est tragique. Chacun se demande si ce n’est pas pour lui. Les hommes les plus sûrs tremblent. Pour ma part, j’en suis arrivé, après quelques jours, à savoir rester plus calme : « on pense aux autres et au Bon dieu. Le soir, nous avons quitté Namur et logé dans un bois, je ne sais plus où. Le lendemain, ce bois était bombardé peu après notre départ. Partout où nous sommes passés, il en a été ainsi. L’aviation, malgré tous les camouflages possibles, repérait notre cantonnement.
De là, nous sommes partis, vers Peruwelz, où nous avons occupé des positions à côté des français. Depuis ce jour jusqu’à aujourd’hui, notre cuisine roulante s’est égarée, nous camions également. On croyait tout perdu, heureusement tout est rentré aujourd’hui. Beaucoup d’hommes aussi que l’on croyait prisonniers ou tués. Notre compagnie est la mieux conservée.
La nuit, nous avons creusé des trous et des tranchées en pleine campagne. On attendait une attaque des parachutistes allemands descendus la nuit dans les environs. Vers 11h, nous nous sommes repliés sous le feu des mitrailleuses pour laisser la place aux français. Tout à coup, sur la route, en pleine obscurité, alors que nous roulions en vitesse, une mitrailleuse a tiré sur nous. Je vous assure que la panique a été fameuse. Il s’agissait encore d’un parachutiste égaré par là. Dans l’obscurité, je me suis perdu, comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Toute la nuit, j’ai roulé en vélo sans connaître le pays avec la peur incessante de me fourrer dans les mains des Boches. Heureusement, j’ai pu me joindre à une compagnie du 2ème CH.A., puis à la 9ème du 1er CH. A. Enfin, à Gembloux, vers le matin, j’ai retrouvé ma compagnie. Ouf !
Enfin, cette nuit, de 9h du soir à 10 h du matin, nous avons roulé en vélo pour arriver aux environs d’Alost. Pendant tous ces déplacements en vélo, le plus dur est de lutter contre le sommeil. C’est à peine si nous avons dormi 8 heures depuis le début de la guerre et à n’importe quel moment. Il arrive fréquemment qu’on s’endorme sur le vélo. Une chute rappelle à la réalité. Pendant les haltes, on dort tout simplement sur la route ou dans le fossé, pendant 10 à 15 minutes.
Et malgré tout je me porte bien. On ne peut croire à une pareille résistance. Le Bo Dieu nous aide. Je n’ai pas encore eu une minute pour dire mon bréviaire, impossible de célébrer une messe. Je fis des oraisons jaculatoires [70]  ; aux yeux du bon Dieu, elles sont peut-être plus ferventes que les messes passées.
On va reformer notre régiment de chasseurs Ardennais qui a accompli sa mission à la frontière et puis j’ESPERE ALLER DE NOUVEAU EN PREMIERE LIGNE !
Excusez mon écriture, j’écris sur mes genoux dans un verger …
Je veux encore vous dire un grand merci pour ce que vous avez fait pour moi. On ne sait ce qui peut arriver. Mais le ciel NOUS REUNIRA UN JOUR.
Je vous bénis.
Gérard »
Dernière page d’un beau carnet de route !
Laissons parler maintenant le blessé qu’il soigna, le dernier blessé avant d’être blessé lui-même à mort. Il en écrit le récit aux parents de l’abbé.
« … Etant le 23 mai à Swijnaerde dans un poste avancé, d’une cinquantaine de mètres de la ligne du peloton, je me trouvais en compagnie de quelques hommes à une pièce automatique. Vers une heure et demie environ, ceux-ci demandent à manger et commencent à s’énerver. Je les calme en disant que je pars au château de la Faille chercher des biscuits et du vin.
En arrivant à une vingtaine de mètres du château, un obus tombe sur celui-ci, et deux secondes après, je me trouve projeté à une distance d’environ 5 mètres par un autre obus. J’étais blessé à l’aine, à la hanche et à la tête.
Votre fils vient voir à la porte du château, me voit et demande si j’étais blessé ; après un signe de tête, il accourt vers moi et m’emporte sous le feu des bombardements, contre un mur qui clôture les communs du château. Après m’avoir déshabillé et mis à nu ma blessure, le feu redouble de violence et il se couche sur moi. Tout à coup, un obus tombe, je sens le déplacement de l’air presser violemment près de moi ; votre fils se tenait sur moi et me dit faiblement tête contre tête : « je suis mort ». Je le pris par les épaules et le retournai dos contre le sol, et je vis sa blessure : un éclat était entré entre la hanche gauche et les côtes. J’étais à bout de nerf et je me mis à pleurer n’ayant même plus la force de crier après du secours. De toute la guerre, cette vision, je ne l’oublierai jamais : votre fils blessé à mort me consolant en me disant : « ce n’est pas ta faute, mon petit, c’est Dieu qui l’a voulu ! ».
L’abbé Thierry arrive à ce moment et essaye de faire croire à votre fils que ce n’était pas grave, mais lui savait où il était touché. Comme l’abbé Thierry voulait le panser, il lui dit : « non, moi je suis fini, panse d’abord W., c’est un soldat, il en a plus besoin que moi. Pour moi, j’offre mes souffrances à la Compagnie, à la Patrie, à Dieu ». 
Sur ce, on m’a transporté plus loin, et je n’ai revu votre fils que dans l’ambulance qui nous conduisait à Roulers. Dans l’ambulance, malgré la douleur, nous avons dit un chapelet. Je vous certifie que sur tout le parcours qui a duré 5 heures, il n’a pas gémi une seule fois, montrant ainsi sa force d’âme et sa foi en Dieu.
A l’hôpital de Roulers qui regorgeait de blessés, il fut déposé dans le couloir attenant à la salle d’opération. Devant l’aumônier, il renouvelle l’oblation de sa vie : j’offre ma vie pour mes hommes, ma compagnie, la Belgique, … et l’Eglise ».
On voulut l’opérer, on se préparait à lui faire une transfusion de sang. Mais la plaie était trop grave, trop de sang perdu. Le pansement sommaire enlevé provoqua immédiatement le dénouement.
« Préparé par l’offrande de sa vie, sa mort fut d’une sérénité, d’un calme et d’une simplicité admirable » nous rapporte l’Aumônier qui l’assista.
Seigneur Jésus, nous t’implorons
Pour nos braves Compagnons,
Nos frères scouts, tous ceux qui sont
Rentrés à la maison !
 

 
Annexe 3
 
Interview d’André Bauche, ancien membre du Groupe G, par Eric Urbain [71]
 
Interviews réalisées les 2 et 23 février 1998, à Libramont au domicile de d’André Bauche, alors âgé de 76 ans, dont les souvenirs étaient très clairs.
Saisie le 2 mars 2011 à Hotton, avec J-L Schmitz
André Bauche est né en 1922. Il est originaire de Libin où il a vécu une partie de sa vie ; il est plus tard allé résider à Libramont ; il est décédé quelques années après cet interview de 1998.
 
Les deux « baraques » du Groupe « G » dans la région d’Hatrival
La première baraque se trouvait à proximité de la gare d’Hatrival ; il y avait là Franz Schmitz et d’autres.
On assistait à de fréquents va-et-vient, notamment de personnes liées à l’ULB, des intellectuels.
Nous nous connaissions tous ; nous finissions par savoir qui était qui ; il y avait là Robert Maistriau, Jean Wendelen (mais pas sous son vrai nom). Je connaissais le nom de Burgers mais je pense ne l’avoir vu qu’une seule fois, accompagné de son épouse. J’ai également connu Walter de Selys-Longchamps, alias Willy Gérard (ce dernier était le responsable pour la Région 1 du Groupe G), ainsi que Henry « Coutellerie » (André Hanin, de Marche). Je rencontrais fréquemment, dès la première baraque, Henri Urbain et son frère Emile, tous deux de Bras ; j’ai souvent dû aller me cacher dans leur maison de ce village. 
Il y eu ensuite la seconde baraque. Elle se trouvait au bois de Berthomont, à environ 500 m de la route reliant Bras à Hatrival. Lorsque nous avons construit la seconde baraque, la première est devenue le refuge des chefs ; ces derniers avaient peu de contact avec notre groupe ; il est probable qu’ils passaient dans l’autre baraque ou chez Camille Hermand à Hatrival sans que nous le sachions.
Les parachutages
Alors que nous étions à la seconde baraque, il y a eu un premier parachutage ; Henri Urbain était venu avec son chariot et ses chevaux. Les jours précédents, nous écoutions la radio de Londres et attendions un message qui nous était destiné. Après avoir reçu le message, au cours de la nuit suivante, généralement une nuit de pleine lune, arrivait un avion. Nous placions quatre lampes en ligne pour donner l’orientation de la piste, et une 5ème lampe placée perpendiculairement donnait la direction du vent (ceci afin que les parachutes soient largués en tenant compte de la dérive du vent). Au sol, le compagnon Van Egroo officiait à la radio (professeur de langue à l’école moyenne de Saint-Hubert, parlant l’anglais). L’avion passait une seule fois ; les conteneurs faisaient moins d’un mètre de diamètre et deux à trois mètres de long. Lors de ce parachutage, un des conteneurs contenait un million cinq cent mille francs en billets usagés de 500 francs. Une petite partie de la cargaison était pour la baraque et la plus grande partie était destinée à Bruxelles. Un homme a également sauté mais son nom m’est resté inconnu.
A ma connaissance, il y a eu trois parachutages ; le premier auquel j’ai participé (ci-dessus) ; un autre durant une période où j’étais absent de la baraque ; un troisième qui a eu lieu entre Libin et la ferme de Bonipré (entre Transine et Libin).
L’outillage (armement)
Au début, nous étions très mal armés ; nous n’avions qu’un bon pistolet pour trois hommes et un autre hors service (pour intimider). Nous avions reçu lors du 1er parachutage une quantité de vieux fusils « Enfield » datant de la Première guerre (14-18) et une vieille carabine allemande qui nécessitait un marteau pour débloquer le verrou !
Par la suite, nous avons reçu des mitrailleuses anglaises « Sten » et des fusils mitrailleurs « Bren », ainsi que du matériel de sabotage. Il y avait de tout. On trouvait des boîtes de phosphore ; pour enclencher, on écrasait une plaquette de verre, ce qui mettait en contact un fil avec de l’acide ; lorsque le fil était dissout, le phosphore se mettait à brûler provoquant ainsi la mise à feu à retardement. Nous avons également reçu des ampoules de Carborandum, que nous placions dans les roulements des wagons de chemin de fer.
Nous avons récupéré une bombe d’avion larguée par un avion entre la gare de Hatrival et Libin-bas. De cette bombe, nous avons extrait et récupéré une importante quantité d’explosif. Au sommet de la bombe, nous avons trouvé des boudins d’explosifs posés sur des blocs qui ressemblaient à du sable comprimé. Cet explosif a servi lors de nombreux sabotages à travers tout le pays ; son effet était très dévastateur. Il avait la caractéristique d’exploser vers l’objet contre lequel on l’avait placé et non vers l’extérieur. 
Sabotage de la scierie de Champlon-Ardenne.
Nous avons fait sauter la scierie de Champlon. A cette opération participaient Franz Schmitz, Albert François et moi-même. Après le sabotage, nous avions rendez-vous à la Converserie avec la voiture d’un marchand de bois dont le chauffeur était Louis Etienne ; ce véhicule bénéficiait d’une autorisation permettant de rouler la nuit.
Sabotage de la scierie de Bastogne
Pour ce second sabotage, nous étions Franz Schmitz, Albert François (originaire de Marche comme Franz), un homme de « Bruxelles » (sans doute l’ingénieur du Borinage mentionné plus bas) et moi-même.
Camille Hermand, responsable du secteur recevait des instructions fixant l’objectif de la mission et demandait si nous acceptions d’y participer (« ça vous arrange les hommes ? ») ; nous étions libres de refuser, et étions alors remplacés. Nous avons pris le train pour Bastogne ; nous avions des valises dans lesquelles se trouvaient les mitraillettes et les explosifs. Nous nous sommes installés dans le compartiment réservé aux Allemands ; des militaires allemands sont arrivés ; nous nous sommes alors excusés mais nous ont prié de rester ; nous avons donc fait le trajet en leur compagnie. Quand nous sommes descendus à Bastogne, ce sont eux qui nous ont passé les valises par la fenêtre du wagon. Nous avions rendez-vous avec Hastir de Bastogne et d’autres membres du groupe local que nous ne connaissions pas. J’étais venu auparavant travailler une journée dans la scierie pour repérer les installations. Nous étions accompagnés par un ingénieur venu du Borinage (sans doute spécialiste en explosifs). Durant le sabotage, un des membres du groupe, posté comme sentinelle, a pris peur et a refusé de reprendre son poste ; je l’ai donc remplacé. Comme allumage à retardement, nous utilisions de la mèche en amadou que nous récupérions dans les roues de vélo. La longueur était fixée en fonction du temps souhaité. Cette mèche était reliée à un cordon « Bickfort », lui-même relié à un détonateur attaché à l’explosif. Après l’avoir mis à feu, nous sommes partis à pied en direction de Morhet, à la boussole ; nous étions à trois ou quatre kilomètres de Bastogne lorsque nous avons entendu les charges exploser. Un grand pylône s’est abattu sur la scierie ; tout a été détruit. Nous avions rendez-vous dans une ferme où nous étions attendus. Le fermier nous a servi un repas mais contrairement à ce qui avait été prévu, n’a pas souhaité que nous passions la nuit à la ferme (par crainte de représailles) ; nous sommes donc repartis vers la gare de Morhet, où nous avons tout simplement pris la micheline.
Sabotage de la tranchée blanche
Cette tranchée se trouve entre la gare de Hatrival et le lieu-dit « le Serpont », en direction de Libramont.
Ce sabotage a fait l’objet de deux premières tentatives qui se sont révélées infructueuses. La première fois, nous nous trouvions à trois au sommet de la côte ; nous disposions d’un revolver pour trois hommes (un 7.65 à poignée de nacre tenu par Franz Schmitz et un parabellum qui ne fonctionnait pas pour moi) ; nous sommes entrés dans le bloc de signalisation ; le préposé du chemin de fer a marqué les signaux d’arrêt. Le train s’est arrêté mais nous n’avons pas osé enlever le rail car le train transportait des civils en même temps que des militaires allemands. Nous nous sommes enfuis.
A la deuxième tentative, nous avons procédé de la même façon, mais à un autre endroit. Il y avait là L. Duchêne de Libin, Louis Deroo, Marcel Philippe et peut-être d’autres (Emile Urbain, …). Nous nous sommes rendus au bloc de signalisation, au Serpont ; nous étions au moins à quatre : Franz Schmitz, moi-même, et un homme provenant d’Athus qui avait conduit des trains, et Englebert de Libramont ; nous sommes entrés dans le bloc, armés d’un revolver ; les signaux ont été mis à l’arrêt ; le train s’est arrêté ; j’ai également arraché le câble du téléphone. A l’arrière du train se trouvait un fourgon transportant des soldats allemands ; ont-ils bloqué les freins ? Toujours est-il que le machiniste n’a jamais réussi à remettre sa locomotive en route. L’opération a été une nouvelle fois abandonnée.
Une troisième tentative a été faite un peu plus tard, au même endroit que lors de la première tentative, en utilisant la même méthode. Il s’agissait d’un train transportant du bois à destination de la Normandie. A cette époque, nous étions mieux équipés (mitraillette, etc.). Nous avons arrêté le train au sommet de la côte ; pendant ce temps, plus bas, dans la « tranchée », une autre équipe, munie d’outils de chemin de fer a dévissé un rail ; nous avons relancé le convoi dans la descente, vers Hatrival en veillant à faire sauter le machiniste.
Prise de la baraque de Berthomont par les Allemands
Un jour, nous avons entendu parler allemand à proximité de la baraque. Je suis sorti de la baraque pour tomber nez à nez avec un garde allemand ; nous avions chacun un fusil. Nous nous sommes regardés sans bouger et avons reculé sans tirer ; nous étions à trois à ce moment dans la baraque ; nous avons fui et avons entendu les allemands crier « Vier Männen ». Nous avons couru en direction de Bras et sommes sorti du bois ; trois gardes se trouvaient à l’orée et ont tiré vers nous d’une distance d’environ 50 mètres, apparemment sans vouloir nous atteindre ; nous avons alors fait demi-tour et sommes rentrés dans le bois ; je suis revenu dans la baraque afin d’y cacher une serviette qui contenait photos et documents. Nous avons filé vers le nord, vers la route de Hatrival, en direction de Colrin (lieu-dit avec étang et chalet) ; nous avons pu traverser la route sans être vus. Arrivés à Colrin, nous avons vu arriver plusieurs camions transportant des soldats et des chiens, qui ont aussitôt entamé une battue en directions de la baraque (ceci indique que les Allemands n’étaient pas là par hasard ; d’autres témoignages tendent à démontrer que les Allemands avaient soigneusement préparé leur battue). Nous étions saufs. Nous avons réussi à prévenir Camille Herman qui a pu retourner, au milieu de la battue à la baraque pour récupérer la serviette. Ensuite, les Allemands ont fouillé Hatrival de fond en comble, visitant tous les hangars sauf par chance celui où se trouvait caché notre poste émetteur.
Les Allemands étaient visiblement sur les dents ; c’est sans doute le même jour qu’à eu lieu la tentative d’arrestation de Robert Maistriau (capturé le long de la route en se rendant à la baraque, enfermé au « Val de Poix », futur internat de l’Athénée de St-Hubert, et ayant réussi à s’enfuir par une fenêtre).
Franz Schmitz, Albert François et moi-même avons quitté la région et sommes partis nous faire oublier en Gaume à Gérouville où nous avons reconstruit une cabane ; nous sommes alors allés nous réfugier chez un de mes cousins à Jamoigne ; nous avons ensuite loué une maison à Watrinsart. Un peu plus tard, nous avons reçu des faux papiers et sommes revenus dans la région de Hatrival.
Avant cet incident, à la Noël, nous avions eu une messe célébrée à la baraque par un curé de Marche (l’abbé Pierret, aumônier scout, et parent de l’épouse de Camille Hermand) ; des visiteurs extérieurs étaient venus, parmi lesquels ma grand-mère Marcelle Noël.
Un membre du groupe (Seghers ?) de Marche a envoyé une lettre de dénonciation à l’encontre des personnes de Bras qui nous aidaient (en ravitaillement notamment) ; cette lettre fut interceptée ; nous avons discuté pour voir s’il fallait le tuer, mais il était difficile de passer à l’acte d’autant plus qu’il était toujours présent au sein du groupe. Jean Urbain se souvient qu’une fosse avait été creusée. Se sentant probablement menacé, le « Seghers » a finalement disparu. 
Arrestation de Franz Schmitz à l’hôtel du commerce à Maissin
Cet évènement s’est déroulé à l’hôtel du Commerce, tenu par la famille Schultz, au centre de Maissin, sur la route de Paliseul. Franz et moi avions passé la nuit-là ; je me trouvais dehors et me préparais à aller à la messe. Ma sœur était venue me chercher à vélo ; son vélo avait eu une crevaison et je commençais à réparer la roue dans la cour devant l’hôtel lorsqu’un camion allemand transportant des militaires est arrivé vers l’hôtel. A l’arrière du camion se trouvaient déjà plusieurs hommes arrêtés dont Bodlet de Rulles qui se cachait dans une autre baraque à Transinne (il sera par la suite exécuté) et d’autres civils non maquisards arrêtés pour je ne sais quelle raison (peut-être les réfractaires capturés qui ont indiqué la « retraite » de Franz Schmitz). Les Allemands nous ont arrêtés, Franz et moi, nous faisant entrer dans l’hôtel les mains en l’air. J’ai expliqué que je me trouvais là par hasard, à cause de la crevaison du vélo et que j’étais un employé de la poste (en réalité j’étais réfractaire). Ils n’avaient pas l’air de me croire. Ils sont allés voir dans la chambre et ont constaté que deux personnes avaient dormi là. Ils ont questionné Franz qui soutenait avoir été seul. Les Allemands se sont moqués pensant qu’il avait dormi avec une femme et qu’il ne voulait pas révéler son identité. Je portais des faux papiers et m’appelais à ce moment « André Marchal ». Comme les choses ne semblaient pas s’arranger, Franz qui était un prisonnier évadé s’est dénoncé. Il leur a dit en allemand qu’il était prisonnier évadé et devait être traité selon la convention de Genève. Sa ruse a réussi car ils m’ont laissé partir ; il a alors été arrêté puis a été dirigé vers la prison d’Arlon. 
Wautriche, de Marche ?
Je me souviens de M. Wautriche [72] , de Marche ; il venait se cacher à l’hôtel du « vieux jambon d’Ardenne » à Villance (Hotel Bodson). Il tenait un café sur la Place aux Foires, à Marche.
 

 
Annexe 4
Cœur parlé à l’occasion du mariage du Chef Geai, le 14 août 1953
« Joie - tranquillité - peut-être ! »
 

Tous

1911 !

P. Goffaux (louveteau)

Un enfant nous est né. Il était petit, tout rose et gentil.

Petit il le resta, …, rose et gentil, l’histoire ne le dit pas

Un scout

Mais ce qui est petit est gentil …

Un autre

Et c’est toujours dans les petites bouteilles que se trouve le meilleur vin, dit Monsieur l’Aumônier.

Un Chef

Son enfance fut sans histoire.

Ce n’est qu’après une longue adolescence qu’il se révéla.

Un scout

Vingt ans de retard marqueront toujours les grandes étapes de sa vie.

Tous

Heureux retard, n’est-ce-pas Madame …

Tous

1935

Le Chef

L’Unité scoute de Marche prend naissance.

Le jeune chef qu’il est devenu tient l’enfant sur les fonts baptismaux et bientôt, il est père d’une famille nombreuse.

D’année en année jusqu’à la déclaration de la guerre, il sera l’âme et l’esprit du mouvement qu’il a fondé sur les rives de la Marchette.

Hikes, camps, explos, jeux de nuit, B.A., les grandes activités scoutes, le Chef Geai les a vécues pleinement, le grand chapeau scout rabattu sur les yeux …

Un scout

… comme notre Commissaire …

Le chef

… les culottes réglementaires tombant sur les genoux, cachant pudiquement un caleçon immaculé et liturgique.

Un scout

Ses vingt ans de retard lui avaient appris à se tenir !

Tous

1940

Le Chef

La bagarre commence. Fidèle à sa patrie …

Un scout

« Article deux »

Le Chef

Il ne recule devant aucun obstacle.

Un scout

Prisonnier, il s’évade.

Un autre

Evadé, il entre dans la résistance.

Un autre

Résistant, il revit sa vie de camp scout.

Le Chef

Mais dans ce camp, dans les bois d’Hatrival et de Maissin ne dure pas. Les Allemands le retrouvent et lui mettent les fers …

Tous

1945

Le Chef

La libération rend le Chef Geai à l’Unité.

Les camps et les activités recommencent au fil des années.

Un scout

C’est Ramont avec son grand jeu de nuit.

Un autre

C’est Azy et Botassart, avec la Puce qui s’évade …

Un autre

C’est Bourseigne et son hike de Chooz.

Un autre

C’est le Brulis et son Woodcraft et l’ami Gilbert dans la tente-chapelle.

Un autre

C’est Maissin et les petites soirées à l’Hôtel du Commerce.

Un autre

C’est La Gleize et la totémisation des barachies.

Un autre

C’est Daverdisse et ses malades.

Le Chef

Et chaque année, c’est toujours le même Chef Geai, immuable, inchangeable, irrétrécissable, éternel Chef Geai.

Un scout

C’est le même Chef Geai avec son humeur massacrante dans le lever.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec son éloquence décanale dans les commentaires de la loi au pied du mat.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec ses ordres cassants et énergiques.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec son art d’amadouer les gardes forestiers avec sa série de décorations et la bouteille de « vin spécial » destiné à la Croix-Rouge.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec son rire discret et son geste symbolique.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec les mollets bien rasés.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec son art de rabistoquer toutes les brouilles et les mésententes.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec son péché mignon de gouter du bout du doigt le contenu des casseroles des patrouilles et par là, ne se plaignant jamais d’avoir faim.

Un autre

C’est le même Chef Geai avec sa ritournelle des grandes occasions : « la mort d’Hippolyte ».

Un autre

C’est toujours le même Chef Geai avec son ardeur empressée pour les jeux de nuit …

Un autre

… empressé, oui, pour déguster le cacao de l’intendance !

Tous

1953

Le Chef

Un brelage en plus s’est formé dans la chaine de l’Unité scoute.

Un scout

Il est fait d’une grosse corde …

Un autre

… nœud de l’évadé …

Le Chef

… qui enserre le cœur du Chef Geai et l’unit à celui d’une gente demoiselle de Marche.

Un scout

Le Moto-Club est parvenu à suppléer au scoutisme en cette tâche délicate.

Le Chef

Chef Geai, de la vallée de la Warche, nous venons avec des brassées de remerciements, de vœux et d’espoir …

Un scout

Remerciement pour tous les services et tout le dévouement à l’Unité dont tu tiens les commandes.

Un autre

Vœux ardents de bonheur pour cette route nouvelle qui s’ouvre devant toi.

Un autre

Espoir pour le nouveau foyer.

Un louveteau

Que notre chef d’Unité soit rapidement Akela d’une nouvelle meute.

Un scout

Espoir pour son ancien foyer qui demeure toujours le sien.

Puisses-tu dans ta nouvelle vie poursuivre le bien que tu as commencé dans l’Unité.

Le Chef

Comme le jour de la promesse, puisse le Divin Chef bénir ton nouvel engagement et t’aider à l’accomplir intégralement comme tu l’as toujours fait dans ton scoutisme.

Nous confions tes pas à Notre-Dame des Eclaireurs.

Tous chantant …

« O toi plus blanche que neige … »

 

Inutile de dire que « Fanchon » suivit ce cœur parlé …

« Ce fut une belle cérémonie  [73] » !


Annexe 5 
 
Franz Schmitz, personnalité
La personnalité est évidemment toujours le reflet de qualités, de défauts, de potentialités, … ; elle tient à la personne elle-même, à son caractère, mais elle est influencée par l’éducation familiale et sociétale, et se trouve marquée par les circonstances de la vie, …
Esquisser le portrait d’un proche, d’un père en l’occurrence, peut évidemment manquer d’objectivité et il y a une certaine réticence et pudeur à l’idée de vouloir s’y essayer. 
Il y a donc heureusement les attestations, les témoignages et l’image que d’autres ont retenu de lui dans ses différentes périodes ou différents rôles, de chef scout, de prisonnier de guerre, de résistant, de citoyen engagé dans la vie marchoise, …
Quelques témoignages d’époques différentes viennent donc ainsi compléter, chacun à leur manière, les différentes évocations, déjà faites à travers les pages du récit, de la personnalité de Franz Schmitz :  
Années ’70, Esmalux, à l’occasion du jubilé « 25 ans de services » du directeur, M. Emond : … « quant à vous, Monsieur Schmitz, nous tenons aussi à vous féliciter de tout cœur puisque le hasard a voulu aujourd’hui rassembler pour une même raison les deux seuls bastognards de notre Société. Il n’est pas nécessaire de vous dire combien tous ici apprécions votre collaboration, celle d’un homme sur qui l’on peut toujours compter. Vous être le lien entre nous et le reste de la société, notre ambassadeur auprès du monde extérieur qu’il soit agent ou client, celui que nous servons, à qui nous téléphonons parfois mais que nous ne voyons jamais, si ce n’est de temps en temps pour réclamer. Mais je crois que si nous n’en avons pas quatre fois plus, c’est justement en partie à votre diplomatie que nous le devons ». 
2011, à l’occasion de la commémoration du 75ème anniversaire de la création du scoutisme à Marche, André Galloy, ancien scout et résistant (membre du « groupe des 4 ») adressait à Jean-Louis Schmitz un extrait de « souvenirs de Résistance 1943-1944 [74]  » dans lequel il évoquait sa première rencontre avec de « vrais résistants », dont son ancien chef de troupe Franz Schmitz, début 1944, dans les bois d’Hatrival. Dans la carte accompagnant cet extrait, il écrivait : « … tout le monde l’aimait beaucoup quand il était notre chef de la troupe scoute de Marche et il a montré toute sa valeur et son patriotisme lors de la « campagne des 18 jours », puis par son évasion et son action dans le maquis. Par son exemple, il a honoré tout le scoutisme et tu peux en être fier. (Sg) André, Hirondelle volontaire.
2017 (24 juillet). Jacques Bourguignon, avocat et ancien bourgmestre de Marche, a fort bien connu Franz à travers ses différents engagements politique et sociaux marchois ; il parle de lui comme une personne discrète (notamment sur ses années et aventures de guerre), très sociable, connaissant énormément de monde. D’un naturel gai et souriant, aimant rire et raconter à l’occasion une bonne blague. Personne engagée et de parole (entretien du 24 juillet 2017).
2017 (24 juillet). L’abbé Jules Collin (Okapi) a bien connu Franz, notamment en tant que chef scout après la guerre ; il évoque son fervent patriotisme et son idéalisme scout. Il souligne sa discrétion, son réalisme, la franchise et fermeté de son caractère (sans jamais d’autoritarisme), et sa capacité à prendre des décisions. Mais aussi sa jovialité, sa grande capacité à dialoguer et à solutionner problèmes entre personnes.
 
 
Que retenir de la personnalité de Franz Schmitz ?  
 
 
 

 
Annexe 6
 
Hommages à Robert Maistriau (1921-2008)
L'histoire est connue en Israël et jusqu'en Amérique. C'est l'histoire du 20e Convoi, la seule entreprise menée sous l'Occupation pour stopper un convoi de Juifs déportés vers les camps de la mort. Cette action fut menée en Belgique, entre Malines et Louvain, le 19 avril 1943 par trois Bruxellois parmi lesquels Robert Maistriau, seul survivant en 2007, âgé de 86 ans. 
 
Robert Maistriau - cet homme de 86 ans est un héros (article paru dans la DH, 31/07/2007)
Le 19 avril 1943, Robert Maistriau et deux compagnons arrêtent un convoi de 1.636 Juifs pour Auschwitz. Robert Maistriau, héros oublié, s'amuse à raconter comment il a suffi d'une lampe, d'un papier rouge et d'un courage dingue pour forcer un train de déportation contrôlé par les Allemands à s'immobiliser en rase campagne …
 
Le Groupe « G » perd Robert Maistriau, décédé à l’âge de 87 ans
n.c. Vendredi 26 septembre 2008
Robert Maistriau, ancien résistant du Groupe G de l’Université Libre de Bruxelles, qui s’était illustré en libérant plusieurs dizaines de Juifs en avril 1943, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi, à son domicile de Woluwe-Saint-Lambert. Il était âgé de 87 ans.
Cet ancien de l’ULB avait fait parler de lui en attaquant le XXe convoi, dans la nuit du 19 au 20 avril 1943, alors qu’il n’était âgé que de 22 ans.
Armés d’un seul revolver et de sept cartouches, lui et deux de ses camarades ont réussi cette nuit-là à sauver plusieurs dizaines de Juifs qui se trouvaient à bord d’un train parti de la caserne Dossin à Malines pour rejoindre Auschwitz.
Parmi les 1.631 Juifs qui étaient à bord du train, 231 parviendront à s’échapper. Malheureusement, 95 évadés seront repris quelques semaines plus tard avant de périr dans les camps.
Au sein du Groupe G des résistants de l’ULB, Robert Maistriau était chargé de la Direction nationale du Recrutement et de l’Organisation.
Arrêté le 21 mars 1944 à Bruxelles, il connaîtra l’enfer de Breendonk, de Buchenwald, onze longs mois à Ellrich et Harzungen, des camps annexes de Dora et, enfin, Bergen Belsen, d’où il sera libéré le 15 avril 1945. Il ne pesait alors que 39 kilos.
Après la guerre, il a notamment constitué une forêt au Congo avec des semences du monde entier.
Né le 13 mars 1921 à Ixelles, Robert Maistriau était le dernier survivant du trio qui avait attaqué le XXe convoi.
Une cérémonie d’adieu aura lieu le mercredi 1er octobre prochain, à 11h30, en l’église de Woluwe-Saint-Lambert, située place Saint-Lambert à 1200 Bruxelles.
(D’après Belga).
Précision d’un lecteur : les résistants qui arrêtent le XXe convoi n'ont effectivement qu'un seul revolver pour eux trois. Mais pas aux mains de Robert Maistriau (qui réussit à ouvrir le wagon d'où s'échappèrent les premiers évadés). L'arme, un 6,35, était portée par Georges (Yura) LIVSCHITZ (il sera fusillé en février 1944). Pour les témoignages de Simon Gronowski et d'Eva Fastag : http://motsaiques.blogspot.com
Citoyen d’honneur de Woluwé-Saint-Lambert
Robert Maistriau, ancien résistant du Groupe G de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), qui s'était illustré en libérant plusieurs dizaines de Juifs en avril 1943, fait citoyen d'honneur de la commune de Woluwe-Saint-Lambert lors du conseil communal est décédé le 25 septembre dernier à l'âge de 87 ans. Afin de lui rendre un hommage allant au-delà de la minute de silence, et pour perpétuer son oeuvre, je proposerai lors du prochain Conseil Communal de Woluwe-Sait-Lambert de verser à la Fondation qui porte son nom un montant de 5.000 EUROS a bénéfice de l'école Robert Maistriau au Congo.
Un repère positif (réaction d’un lecteur, M. Roland Schmid), du 28.09.2008
Merci au SOIR d'avoir rappelé, le triste jour du décès de Robert Maistriau, l'importance de ce héros qui a su arrêter, dans sa jeunesse, un train au dessein monstrueux. Robert Maistriau laisse pour nous des traces, de profonds sillons de respect et d'admiration. Il nous laisse comme des rails qui peuvent servir de guide à nous ici, en Belgique, comme ailleurs. Son acte téméraire de 1943 tout comme son action patiente de reboisement, pendant des décennies, au Congo, sont l'expression d'une volonté de fer d'apporter la lumière quand les circonstances sont les plus sombres. Puissions-nous, toutes et tous, un peu, chacune et chacun à sa façon, marcher dans les traces, suivre les rails de Robert Maistriau.
 

 
Annexe 7
Quelques références biblio (Groupe-G) 
Ø      NEUMAN Henri, Avant qu’il ne soit trop tard - portrait de résistants (Altenhoff, Burgers, Ewalenko, Leclercq, Mathieu, Pineau, Vekemans, Wendelen, et les autres, Ed. Documents Duculot, Gembloux, 1987, 183p.
Ø      UGEUX William, Le Groupe G, 1942-1944, deux héros de la résistance : Jean Burgers et Robert Leclercq, Elsevier, …
Ø      ANSELOT Noël, La guerre des services secrets, renseignement et Action dans les deux Luxembourg et à leurs confins, Editions Eole, Ortho, 268 p.
Ø      BEEKEN A. L. A., Message pour Philomène, Editions Métro, 8 place Surlet de Chokier, Bruxelles 1948.
 
Voir également sur Internet, « Groupe G, résistance belge » (très nombreuses références …).
 
 
 
 
 
 


[1] L’abbé Léon Pierret, aumônier co-fondateur de la troupe scoute de Marche (de 1936 à septembre 1947), a lui-même été mêlé à des activités de résistance (figure dans le listing des « hommes » du Groupe-G). A partir de mars 1943, il est resté en contact permanent avec Franz Schmitz, le garde forestier d’Hatrival, M. Camille Hermand (époux de Madame Marie-Louise Pierret), ainsi qu’avec les autres compagnons de Geai, dans les maquis ardennais du Groupe « G » ; il a également aidé les réfractaires de la ville de Marche-en-Famenne. 
Léon Pierret est né à Arlon le 10 novembre 1911, et est décédé à Caracas, au service de 1'église d'Amérique latine, le 18 janvier 1968. Il fut successivement vicaire à Marche-en-Famenne (août 1935) et 1er aumônier de la Vème Famenne, curé de Flavion (septembre 1947) ; il remplit en même temps les fonctions d’aumônier de la J.E.C.F. pour la province de Namur. En août 1952, il devenait curé de la paroisse des Alloux à Tamines. Parti en juillet 1962 pour le Venezuela, il y remplit des fonctions d’aumônier en milieu universitaire (Institut pédagogique de Caracas). Il revient en Belgique en 1966, à l’occasion d’un congé, pour assister à la consécration de l’autel des Alloux par son Exc. Mgr Charrue.
L’abbé Pierret était le frère de M. Paul Pierret, juge de paix à Laroche, président du Centre d’Action culturelle de Province de Luxembourg, qui fut magistrat à l’auditorat militaire de Namur ; Paul Pierret, qui a aussi été scout (sous le totem de Renard), a fait bénéficier l’Unité scoute marchoise naissante de ses conseils (fin 1935 et début 1936) ; il a dirigé les deux premiers camps scouts organisés à Ferage, à Pâques 1936, et à nouveau à Ferage du 3 au 12 août de la même année.
[2] L’original de ce rapport des « Aventures de guerre du chef Geai » a été intégré par Madeleine DOM dans le Tome 4, intitulé « Capituler ? Jamais ! », de son « Histoire de la Résistance », Ed. La Dryade, 1983, pp. 187-206. Il a aussi été utilisé par André Collard pour un article en deux parties, paru dans la rubrique « Gens et sites de la Famenne » du magazine Info 2000 des 24 et 31 octobre 2002, ainsi dans le cadre d’autres articles et publications à caractère patriotique ou historique.
[3] Sans être intégrés dans l’armée, les A.R.A (Agents de Renseignement et d’Action) ont été légalisés comme « militaires » ; le temps de présence au combat a été reconnu « service au front ». La Sureté de l’Etat a reconnu 18.716 A.R.A., dont 5.266 avec un grade militaire (1.539 officiers et 3.727 sous-officiers). Geai figure parmi ces derniers.  
[4] Adressée aux civils, agents de renseignement et membres de filières d'évasions, essentiellement non britanniques, qui, durant la seconde guerre mondiale, ont aidé les militaires et sujets britanniques, et alliés, à échapper à l'ennemi en les abritant, les hébergeant, les soignant, et en leur faisant passer la zone de démarcation.
[5] Ces deux distinctions étrangères figurent dans une liste manuscrite établie par Franz Schmitz, mais, à la différence de ses distinctions belges, elles sont marquées d’une croix signifiant probablement qu’elles n’ont pas été acquises peut-être en raison de leur coût (la « King’s Medal » est en argent, faisant 3.6 cm de diamètre).     
[6] François Schmitz, domicilié à Marche, rue du Viaduc 16, depuis le 30 janvier 1914 (extrait d’un « certificat de bonne conduite, vie et mœurs », à destination du Groupe G, du 31 mars 1947).
[7] Établissement d'enseignement secondaire catholique, dirigé par des religieux, qui assure la formation de jeunes se destinant à la vie religieuse.
[8] Registre de la Population, période 1947-1960.
[9] La troupe scoute de Marche est née un soir d’hiver 1935 dans la maison de Monsieur le Vicaire Léon Pierret (Place Toucrée), entouré d’une poignée de jeunes gens mobilisés autour de ce projet ; se trouvaient présents Gérard Van der Straten-Waillet, Albert Giaux, Franz Schmitz (24 ans à l’époque) et Riquet Delhaye. Franz Schmitz en deviendra le premier chef de troupe (et succédera au Dr Pierre Ledoux, en tant que chef d’Unité, le 22 décembre 1951), et l’abbé Pierret en sera le premier aumônier ; Henri Delhaye sera le chef d’une des deux premières patrouilles, celle des Sangliers. Le 1er juin 1936, la troupe de Marche est inscrite sur les registres de la fédération sous l’appellation : « Unité - Preux du Saint-Sépulcre - Vème Famenne ». Son succès sera immédiat, car répondant à une attente de la jeunesse marchoise, et sa croissance rapide.  
[10] Probablement la 11ème Cie Engins (T13 et T15).
[12] Les équipages de T.13 étaient habituellement composés de trois à quatre hommes.
[13] BIKAR A., « Mai 1940, une unité peu connue de Chasseurs Ardennais : la compagnie de T.13 de la PFN (position fortifiée de Namur) », in Revue Belge d’Histoire Militaire, Edité par le Musée Royal de l’Armée, Année 1993, vol. 30, n° 1, pp. 25-44 (ISSN : 0035-0877, en français avec résumé en néerlandais).
 
[14] Cie de T13/PFN, à Woluwe-Saint-Etienne, 71 chaussée de Louvain.
[15] En réalité, à ce moment, les Allemands n’ont pas encore décidé de ce qu’ils allaient faire des prisonniers belges !
[16] Portrait de Jules BASTIN, dans l’ouvrage d’Alain Leclercq « Les plus grands combattants belges de 14-18, Editions PIXL, Bruxelles - Paris, 2014, 237p.
[17] Greifswald est une ville du nord de l'Allemagne, dans le Land du Mecklembourg-Poméranie occidentale, région Poméranie. Ville de la Hanse et ville universitaire, elle se trouve entre les deux plus grandes îles allemandes : Usedom et Rügen. Greifswald est située sur les bords de la rivière Ryck.
[18] Pour retrouver l’ambiance du voyage en train (Berlin - Greifswald) et du camp de Greifswald, consulter :
 
[19] Lüssow est un village et une ancienne municipalité du district Ostvorpommern dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale, Allemagne. Depuis le 1er Janvier 2010, il fait partie de la ville Gützkow, elle-même  située à 18 km au sud de Greifswald.
[20] Rawa-Ruska, camp de représailles, « le camp de la mort lente ». Rawa-Ruska ou Rava-Rouska est une localité qui se trouve à l'est de l’Ukraine, non loin de la frontière polonaise et à environ 60 km de Lviv. En mars 1942, les autorités allemandes décidèrent de déporter à Rawa-Ruska, transformé en camp de représailles (stalag n°325), les prisonniers de guerre français internés en Allemagne qui avaient tenté de s'évader ou refusaient de travailler. Le premier convoi arriva à Rawa-Ruska le 13 avril 1942. En juin 1942, les prisonniers français et belges étaient environ 10.000, et l'on commença à les répartir dans des « sous-camps » créés dans la région ; en janvier 1943, les détenus dans les différents camps étaient au nombre de 24 000, dont près de la moitié à Rawa-Ruska même. Les conditions de vie étaient particulièrement pénibles, en raison du climat d'abord (les températures de moins 20° à moins 30 °C étaient fréquentes pendant les cinq mois d'hiver, et la chaleur torride en été), d'une nourriture insuffisante et du travail forcé auquel étaient contraints les prisonniers. À Rawa-Ruska, les robinets d'eau étaient rares et bien insuffisants pour quelques 10 000 hommes, ce qui devait amener ultérieurement Winston Churchill à décrire dans un discours le camp de Rawa-Ruska comme celui « de la goutte d'eau et de la mort lente ». Dans une lettre édifiante au procureur général du procès de Nuremberg, le chef du camp, le lieutenant-colonel Borck, écrivait peu avant son exécution : « Rawa-Ruska restera mon œuvre, j'en revendique hautement la création, et si j'avais eu le temps de la parachever, aucun Français n'en serait sorti vivant. Car je peux bien le dire maintenant, puisque je vais mourir, j'avais reçu des ordres secrets de Himmler d'anéantir tous les terroristes français ». Devant l'avance de l’Armée rouge, Rawa-Ruska fut abandonné par les prisonniers le 19 janvier 1944 et ses occupants transférés par les Allemands dans divers camps, dont la citadelle de Lvov. Ceux que l’Armée rouge libéra furent retenus jusqu'à ce qu'ils puissent être rapatriés en France ou en Belgique, le 2 juillet 1945.
[21] L’original de cette lettre a été intégré (et figure toujours) dans l’album-journal « Tallye » de la Vème Famenne, couvrant la période 1935-1945. Cet album, retrouvé récemment, est gardé comme pièce majeure des archives de l’Unité scoute de Marche, au 20 Paradis des Chevaux.
[22] Hike (terme anglais) signifiant randonnée ; pour les scouts, un hike est une randonnée effectuée par des éclaireurs pendant deux à quatre jours, durant l'année ou au camp. Il évoque ici son projet de prochaine évasion.
[23] Egalement prisonnier de guerre au Stalag 2C de Greifswald, Poméranie (présent à Greifswald en octobre 1942).
[24] Ce château et son propriétaire n’ont pas pu être identifiés avec exactitude. Dans la région se trouve le château d’Oupeye, propriété à l’époque de la famille Grady de Horion, mais qui est occupé par les Allemands … !?
[25] Les parents de Geai résidaient au n° 16 de la rue du Viaduc, à Marche, située à la sortie de la vallée du Fonds des Vaulx. C’était également le domicile de Geai. La maison était louée à un abbé Hanin.  
[26] Arrêté à Aywaille par les Feldgendarmes peu avant la libération, et après trois années d’activités clandestines et patriotiques, Henri Molehant, fut emmené en Allemagne où il disparaîtra, sans laisser de trace.
[27] La Bande des Quatre a été en contacts fréquents avec Geai qui en était l’animateur mais aussi le modérateur ! Tous les sabotages furent exécutés d’après les ordres reçus de Londres par l’ABR (Armée Belge Reconstituée), groupe auquel se rallièrent la plupart des routiers marchois. Après plusieurs métamorphoses, l’ABR intègrera l’Armée Secrète ou AS.
[28] Dans une lettre écrite de Toulouse le 25 mai 1945, Louis Cassage répond à Franz de qui il vient enfin de recevoir des nouvelles. Il raconte ses propres activités de résistance et sa réintégration dans l’armée française, évoque des retrouvailles lorsque les conditions le permettront ou à l’occasion d’un voyage que Franz et sa maman envisagent d’effectuer à Lourdes. Il ajoute ne pas oublier la petite dette contractée envers Franz (qui fera l’objet d’un mandat dès que possible). La lettre est accompagnée de deux photos de sa femme et de son petit garçon de 6 ans et demie.  
[29] André Wendelen (1915-1976), licencié en droit de l’ULB, s’exile à Londres au début de la guerre ; il s’enrôle le 23 août 1940 dans les forces belges en Grande-Bretagne, et le 14 juillet 1941 entre au service de la sûreté de l’Etat (il prononce un discours à la BBC cette même année). Agent ARA, il accomplira trois missions après trois parachutages sur le territoire belge. La première, concernant plus directement le Groupe-G a été baptisée « mandamus ». La mission se déroule du 27 janvier 1942 au 31 juillet 1943. André Wendelen est alors capitaine ARA. Lui et son radio, Jean Brion, sont parachutés à Focamps (Namur) dans la nuit du 27 au 28 janvier. L'objectif principal de la mission est d'aider à la constitution du Groupe G qui se structure dans la mouvance de l’Université Libre de Bruxelles et de coordonner ses actions de sabotage. André Wendelen se met rapidement en contact avec ses anciens camarades de l'université et du Cercle du libre examen (Librex) où il rencontre Jean Burgers (Gaby). À partir de ce moment, le Groupe G sera en contact avec Londres et recevra directement ses directives du SOE.
[30] « Message pour Philomène », ouvrage de A.L.A. Beeken, Edition du Métro, 8 Place Surlet de Chokier, Bruxelles, 1948 (p.86).
[31] Né à Marche-en-Famenne le 7 mars 1914 et décédé le lundi 8 mai 2006 à Lustin, à l'âge de 92 ans. Il sera curé à Fays-Famenne (il l’est en 1939), professeur (de 4ème) au collège Notre Dame de Bellevue à Dinant, puis curé de Waulsort. Il est le frère d’Albert Giaux, co-fondateur avec Franz Schmitz et quelques autres de la troupe scoute de Marche en 1935-1936.
[32] André Bauche, dans ses témoignages, évoque la participation à cette messe de Noël de personnes extérieures parmi lesquelles sa grand-mère, Madame Marcelle Noël.
 
[33] Pour « War Office », dénomination première du Groupe G, en référence au Ministère de la Guerre britannique (the War Office). 
[34] Cette personne était surnommée « Mouche », mais ce n’était pas d’un scout marchois ; il était considéré comme « fort en gueule » … ; il semble s’être fait particulièrement discret et invisible après la guerre ! 
[35] Jules Collin, né à Bourdon en 1927, a pour totem scout « Okapi généreux ». Du haut de la tour majestueuse en wood-kraft du camp de Brulis le Couvin, c’est lui qui sonnait le « couvre-feu » au clairon ! Ordonné prêtre à Dinant en 1953, il fut successivement surveillant et préfet de discipline au collège ND de Bellevue à Dinant (9 ans), curé résident à Warisoulx (8 ans), curé responsable du secteur pastoral de Meux-Rhines (durant 23 ans) ; revenu à Marche en janvier 1994, il mène une retraite active en tant qu’aumônier de l’Hôpital Princesse Paola et du Home Libert, où il continue de célébrer quotidiennement la messe (février 2017). 
[36] Paul Aron, José Gotovitch, Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, éditions André Versaille, Bruxelles, 2008.
[37] Jean-Louis Schmitz, jeune coopérant zootechnicien au Zaïre, a fait la connaissance de Robert Maistriau lors d’une tournée dans les savanes vallonnées du Sud-Kwilu (région de Feshi) où ce dernier avait développé une importante activité d’élevage bovin. Et Robert Maistriau de faire remarquer : « j’ai connu un Schmitz, résistant, membre comme moi du groupe G » … Le monde est décidément petit et dans cette vie il n’y a pas de coïncidence mais bien des rendez-vous. Cette rencontre a été le début l’une longue amitié avec Robert Maistriau et sa famille. 
[38] L’Organisation Todt (du nom de son fondateur et dirigeant jusqu’en 1942, Fritz Todt, ingénieur et figure importante du nazisme) était un groupe de génie civil et militaire de l’Allemagne nationale-socialiste. L'Organisation a été chargée de la réalisation d'un grand nombre de projets de construction, dans les domaines civil et militaire, tant en Allemagne, durant la période qui a précédé la seconde guerre mondiale et pendant celle-ci, que dans les pays d’Europe sous domination nazie, de la France à la Russie. Presque toutes les grandes opérations de génie civil durant la guerre ont été réalisées par l’Organisation, dont des usines d'armement, des bases de sous-marins et des lignes de fortifications, comme le « mur de l’Atlantique » (Sce. Wikipedia).   
[39] André Bauche, de Libin, Albert François, de Marche.
[40] Walter de Sélys était à ce moment commandant de la Région 1.
[41] Cette opération avait été préparée par André Wendelen, l’archange, parachuté près de Focant, dans la nuit du 3 au 4 août 1944, avec un opérateur radio, Jacques Van de Spiegle, et une jeune femme de Poperinghe, Elaine Madden. Surnommée « Brabantio », cette mission avait pour objet de préparer et d’assurer l’évasion vers l’Angleterre du Prince Charles.
[42] Section de la commune de Libin.
[43] Le 13 août est la date mentionnée par l’abbé Pierret ; le chanoine Poncelet, compagnon de cellule de Geai, évoque d’abord le 12 août (attestation du 20 août 1947), puis quelques mois plus tard, dans une autre attestation précise que Franz Schmitz a été incarcéré « le dimanche 13 août ». Plusieurs rapports officiels mentionnent erronément le 11 août comme date de début d’incarcération. Toutefois la relation d’André Bauche confirme bien la date du 13 août, déclarant « qu’il se préparait à aller à la messe lorsque sont survenus les Allemands » !
[44] La prison d'Arlon a été construite en 1867dans la rue Léon Castilhon. A plusieurs reprises, elle a fait l'objet de rénovations mais elle a toujours conservé son style médiéval avec un édifice cruciforme précédé d'une cour en U clôturée par un long mur d'enceinte.
[45] Le chanoine Alphonse Poncelet est né à Offagne le 8 avril 1900 ; il était donc âgé de 44 ans lors de sa détention à Arlon. Il était alors domicilié au n°10 rue de Waltzing, à Arlon.  
[46] Rebaptisée « rue des Martyrs » !
[47] Commission Consultative pour Prisonniers politiques, avis en sa séance du 28 avril 1948, les 4 membres présents considérant Franz Schmitz : « bénéficiaire de la Loi » et « prisonnier politique ». C’est seulement le 27 février 1951 que la décision de reconnaissance au titre de prisonnier politique sera rendue ; elle sera signifiée le 8 mars 1951.
[48]  Emile Servaes (1899-1974) a habilement profité de sa position pour sauver des sévices de l’occupant de nombreux habitants de Marche et de la région, et cela au péril de sa propre vie. 
[49] Procès-verbal d’interrogatoires de témoins, audience du 27 février 1951.
[50]  D’autres n’auront malheureusement cette chance ; c’est le cas de Jacques Pirnay (Faucon taciturne), routier au Clan de la Butte mais était aussi engagé dans la Résistance : il était courrier de l'Armée Secrète.  Arrêté, torturé puis emprisonné à la prison d'Arlon, il est finalement fusillé par la Sicherheit Polizei (SIPO) avec 17 camarades, au lieu-dit "les Quatre Vents" à Tontelange, le 01 septembre 1944, soit neuf jours avant la libération d'Arlon par les Américains (Tanière.org, asbl des Guides et Scouts d’Arlon)
[51] La ville de Marche avait été libérée le 8 septembre 1944, par le 4ème Groupe de Cavalerie, unité de reconnaissance de l’armée américaine (Cercle historique de Marche, Annales 1994, article intitulé « la libération », d’après un récit de Monsieur Gaston GILLES, pp. 5-16).
[52] Chef de la troupe Saint-Remacle, car durant la guerre, en son absence forcée, a été créée une seconde troupe, la troupe Saint-Hubert rassemblant les scouts « collégiens ».
[53] Joseph jr. Schmitz (dit Jojo), né à Marche le 21 mai 1927, bien que trop jeune pour faire partie effectivement d’un mouvement de résistance, a servi sous l’occupation de « courrier, agent de liaison à différentes reprises entre Marche, Hatrival, Bras et Libin pour le groupe G », ainsi que l’atteste un document (non daté) à l’entête du Groupement Général de Sabotage de Belgique « G », fraternelle de la Région I, signé par C. Herman (chef de Secteur), H. Urbain, A. Bauche et A. Hanin ; attestation confirmée par le commandant de la Région I. Les voyages de liaison s’effectuaient soit en vélo ou par train. Le papa, Joseph Schmitz, a accompagné au moins deux fois son fils cadet à Hatrival en vélo, mais il fatiguait à cet exercice !
[54] Georges Hanin était chef de la troupe Saint-Hubert, créée dans le courant de l’année 1940 en tant que « section de collège », et baptisée en septembre 1942 « troupe Saint-Hubert » (rassemblant les scouts collégiens). La troupe Saint-Remacle, la plus importante en termes d’effectif, est restée chapeautée par Geai.
[55] André Gouverneur était un cousin germain de feu Jean Gouverneur (courtier en assurance, à Marche, domicilié au 19, rue Paradis des Chevaux). 
[56] La Seconde Guerre mondiale se termine officiellement en Europe le 8 mai 1945, à 23 h 01, après la capitulation sans conditions de l'Allemagne.
[57] C’est le général Alexander R. Bolling, à la tête de la 84ème Division, les Railsplitters (ou fendeurs de buches) qui bloque à Noël 44 l’offensive de la 116ème Panzer face au nord en l’empêchant de déferler à travers la Famenne vers la Meuse.
[58] C’est le cas du haut de la façade arrière du n°20 Paradis des Chevaux où les traces d’éclats d’obus sont toujours visibles ; les tirs provenaient vraisemblablement des positions allemandes.    
[59] Extrait de l’ouvrage de William Ugeux, « le Groupe G, deux héros de la résistance Jean Burgers et Robert Leclercq », Elsevier Sequoia, documents témoins, Paris-Bruxelles, 1978, 235p. 
[60] Cette propriété appartenait probablement à une sœur de Walter de Sélys.
[61] Après la guerre, le baron Walter de Selys-Longchamps (1915-1987), a occupé la fonction de secrétaire du chef de cabinet du prince régent, Charles de Belgique (intervenant à différentes occasions en appui à des démarches relatives à des dossiers de guerre sensibles) ; il a ensuite « voyagé » en tant que Représentant-Résident des Nations Unies (PNUD), en poste notamment à Madagascar, en Haïti, etc. 
[62] Catherine de Longchamps, épouse de Charles de Roumale, dont la fille, Catherine de Roumale (ca. 1553-1618/) s’est mariée vers 1574 avec Robert de Lathuy (ca1552 - 1598 ?), figurant dans l’ascendance des Schmitz de Bastogne, originaires de Bitburg.   
[63] Félicité chaleureusement par W. de Sélys dans une lettre à l’entête du Palais de Bruxelles adressée à Franz, le 27 novembre 1946 (archives famille Schmitz). 
[64] Monsieur l’abbé Gervy, aumônier scout (succédant à l’abbé Pierret) et vicaire de la paroisse de Marche.

[65] « La mort d'Hippolyte », Racine - Phèdre (Acte V, scène 6), rapporté à Thésée par Théramène ; ayant assisté à ces événements, celui-ci lui en décrit toute la scène. C'est le récit épique d'un combat où se mêlent un héros, un dragon, des chevaux fougueux qui s'emballent, un char qui se fracasse, et une fin tragique. Récit : https://www.youtube.com/watch?v=POvgdK3VKC0

[66] La FNAPG voit le jour le 13 septembre 1947 à Bruxelles, sous l’impulsion de Raoul NACHEZ qui en sera le premier président (il le restera jusqu’à son décès le 23 janvier 1993). C’est durant cette même année 1947 que sera ouvert le Sanatorium BELGICA à Montana en Suisse, en collaboration avec la Croix-Rouge de Belgique, pour le traitement des anciens prisonniers atteints de tuberculose. En 1950, la FNAPG acquiert le domaine de Sainte-Ode, qui de centre post-cure et de convalescence pour les malades rentrant de suisse se transformera en Centre Hospitalier pour les anciens prisonniers membres de la fédération.  
[67] Secrétariat continué à partir de 1979 par son épouse Adeline Prestat, puis au décès de cette dernière en 2010, par leur fils Jean-Louis Schmitz.
[68] Remplacé à son tour, comme chef d’unité, par M. Paul Galloy.
[69] « Le chant des partisans », considéré comme « la Marseillaise de la résistance » ; paroles de Maurice Druon et Joseph Kessel, musique d’Anne Marly.
[70] Prière extrêmement brève adressée à Dieu au cours de nos journées, de nos occupations.
[71] Eric Urbain, petit-fils de Henri Urbain, membre du Groupe « G » à Hatrival. Auteur de l’ouvrage « Un front méconnu », édité à compte d’auteur vers 2003, épuisé, mais se trouvant dans plusieurs bibliothèques de la province de Luxembourg (Marche notamment).
 
[72] Monsieur Albert Wautriche, de Marche, a effectivement été membre du Groupe G mais aussi de l’ABR (AS) ; il a participé à de nombreuses actions de résistance dans le cadre de ces deux réseaux.
[73] Exclamation habituelle de Franz Schmitz au terme d’un évènement marquant.
[74] Extrait de l’ouvrage de Philippe CARROZA : « 1940-1945 – Ils m’ont volé mes plus belles années ; récits inédits : 44 témoins du Luxembourg racontent leur guerre », préfacé par Francis BALACE, Editions Weirich.

Page Créée le 28/9/2017
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Remarques/Remarks : Jean-Louis SCHMITZ
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