Page PrécédenteLA RESISTANCE
Après un court laps de temps, Hubert est intégré dans un réseau qui distribue des journaux clandestins sur les régions de Rochefort et Marche
« Pendant ce temps, tout marchait très bien pour la presse clandestine et les journaux (Voix des Belges) arrivaient régulièrement ainsi que les tracts pour mettre dans les trains et ainsi démoraliser les allemands.
Après l'invasion de la Russie (juin 1941) , j’eus à Rochefort, en face de l’Hôtel des Roches au cours d’un meeting, une altercation directe avec Degrelle et il mit le revolver contre mon estomac et me traita d’imbécile. Je lui répondis : c’est la fin qui couronne l’œuvre. Qui avait tort des deux ?
Il se retira mais, ses acolytes se retournèrent sur nous, et j’ai attrapé une tripotée à m’en souvenir.
Huit jours après, l’incorporation rexiste pour le front russe avait lieu à Jemelle. Etant obligé de m’y rendre pour le service de renseignement, je me rendis chez Nivette d’où je pouvais voir tout ce qui se passait dans les bureaux. C'est alors que j’aperçus deux des plus acharnés à me battre le dimanche avant. C’était deux de Saint-Hubert (M... et un autre). De là à les attendre, les poursuivre et régler leur compte en montant le bois de Saint-Hubert fut fait sans réflexion.
Lors de ma rentrée à Rochefort, j’appris que le paquet des « Libre Belgique » était arrivé; je rencontrai mon frère Joseph qui promenait mon cheval de course entraîné pour les courses de Dilbeek. J’échangeai la moto contre le cheval et la voiture, Borsus de Rochefort ayant demandé pour m’accompagner. Nous venions bien gentiment au pas apporter les journaux à la brasserie de Marche sans penser à rien. Naturellement, il y avait bien les allemands à Jemelle, mais on pouvait passer. Quand nous sommes arrivés avant le pont, les allemands me crient halte, je ne fais pas attention quand Borsus me montre un homme qui me désigne du doigt aux allemands. J’ai reconnu M.... et ai aussitôt pensé à mes journaux. Cravaché le cheval qui en sautant a renversé quelques boches, d’autres s’accrochaient à la voiture et dont j’ai dû me débarasser à coup de nerf de bœuf distribués à gauche et à droite. Ils m’ont poursuivi dans la campagne d’Ambly, en auto, moto et vélo pendant une demi-heure. De là, je suis revenu sur le Gerny et ai regagné Rochefort. Malheureusement, j’avais perdu mon paquet de journaux et Léon Lambert ne les a pas eu cette quinzaine-là. Pourtant, ils étaient bien intéressants!..."« Je me suis assis à la Terrasse du café du Limbourg et je voyais passer les boches avec les gendarmes belges qui me "tiraient des lunettes" comme si j’étais un malfaiteur. J’étais là depuis une heure quand un enfant m’apporta une lettre en me disant d’aller la lire seul à l’écart. Elle venait du commandant de gendarmerie de Rochefort et me disait que j’avais à mettre les voiles, car ils avaient ordre de me prendre mort ou vif. (Quand ma femme a vendu la voiture, David d’Achêne a trouvé dedans une grenade non explosée). Comme je ne voulais pas être pris, je me rendis chez Martin qui me conseilla de me rendre à Assesse chez ma belle sœur en attendant ce qu’on allait faire de moi.
Je partis de Rochefort en moto vers 10 heures du soir et restai là deux jours, quand Duppagne de Rochefort vint me prévenir que ma retraite était découverte et que j'avais l'ordre de me rendre chez les Pères franciscains à Marche. Là le terrain était encore plus brûlant, aussi, après m'être bien restauré, je partais pour chez Sauvenière à Haversin, où le même soir vint me trouver Léon Lambert, qui me fixa un rendez-vous avec mot de passe: destination, Place Fontainas, n° 8 à Bruxelles.
Je partis le lendemain au train de 6 heures du matin, dans le même compartiment que le docteur Pierre Ledoux de Marche. En sortant du train, j’entends encore ses paroles : "l’heure H sonnera bientôt, ne t’en fais pas !" Nous étions au début juillet 1941...
Arrivé à Bruxelles, vers 2 heures, je me trouvais en face de trois personnes : deux messieurs et ma cousine Marie-Louise Henin. Après les divers commentaires de mon histoire, il fut décidé que j’habiterais au n° 8, Place Fontainas, dans une mansarde au 4ème étage et dont je ne pouvais pas sortir. Une dizaine de jours plus tard, je fus appelé rue des Ailes à Schaerbeek. Et quelle fut ma surprise, j’étais chez ma cousine dentiste. Là-bas, le soir, les deux messieurs arrivèrent ( je sus plus tard que l’un s’appelait M. Fraipont, l’autre M. Noël. Elle, elle s’appelait Gertrude et on me rebaptisera Antoine Servais!) J’avais changé de physionomie et on me proposa mon transfert pour l’Angleterre, mais comme je ne savais pas parler anglais, je préférai rester et faire de l’espionnage à Bruxelles, car j'aurais laissé derrière moi ma femme et cinq gosses.
Carte d'identité d'étranger émise à Jamagne pour faciliter les voyages en France Tout allait bien quand début octobre, n’étant pas bien rasé de frais, je fus reconnu à Bruxelles par un Rochefortois. Ma cousine l’apprit, et au tribunal de ces messieurs-dame, je fus condamné à gagner rapidement d’autres cieux et destiné à l’espionnage en zone libre en France.
A leur proposition de me donner un passeur, je répondis que je préférais aller seul, ayant des connaissances en France. On me donna rendez-vous à Valenciennes, et là, on me dit que "puisque vous partez bien seul, ces deux messieurs vous accompagneront, vous serez leur passeur"! Direction: Mme Piquot à Doullens; de là chez M. le Doyen de St. Leu à Amiens, puis M. Becarre à Saumur, et de là direction Hendaye. Là-bas, comme le voyage s’était bien passé et mes hommes bien arrivés, je reçus l’ordre de rentrer à Bruxelles.
Diverses photos d'identité utilisées pour tromper les contrôles Je rentrai le 5 novembre pour apprendre que ma cousine avait été arrêtée le 4 novembre. Je ne devais jamais plus la revoir. (Condamnée à mort, elle fut décapitée à Plötzensee le 9 juin 1944). M Noël était arrêté également. De frousse, je repartis pour Saint-Ghislain chez Mr. Carlier qui vint prévenir Bruxelles (Georges Houyoux) que je me trouvais chez lui et toujours à leur disposition. Je refis deux fois le voyage quand au mois de mars, je reçus l’ordre de rentrer dans les Ardennes. Je revins chez moi à Rochefort et restai huit jours sans sortir, mes enfants ne me voyaient même pas. Le huitième jour, je me hasardai en pleine ville pendant une heure ou deux afin de voir la réaction de la population. Deux heures après, j’étais dans la petite mansarde de la Place Fontainas. J’avais plus peur des belges que des boches....
Je restai encore 15 jours à Bruxelles et comme rien ne s’était passé à Rochefort, je rentrai chez moi avec l’ordre de former les maquis avec des hommes qu’on allait vouloir prendre pour envoyer au travail obligatoire en Allemagne (le S.T.O.) et qui préféreraient certainement ne pas marcher.
Je n'aurais jamais pensé que l’un des premiers que je sauverais serait mon pauvre petit frère de 17 ans (que j’avais fait marcher jusqu’au bout lors de l'évacuation): il devait partir le lundi matin. Je le pris le dimanche soir à Marloie après les adieux en promettant bien à ma mère que je le conduirais jusqu’à la gare de Namur. Mais quel ne fut pas notre angoisse et notre embêtement quand au passage du train à Marloie, Maman avait son coupon pour Namur!
Mais je verrai toujours ses larmes quand elle vit Joseph prendre son coupon pour Bochum et aller signer son départ, comme volontaire. Sa surprise aussi quand elle vit son fils aîné ôter le sac du petit, l’endosser et entrer dans le train à destination de l’Allemagne ; sa joie quand deux heures plus tard, nous nous retrouvions tous les trois chez l’oncle Henri, rue de Coppin à Jambes.
(Henri Henin était commissaire de police-adjoint à Jambes). Dans le tram Jambes-Namur, je rencontrai l’abbé Davin, curé de Marloie, qui me demanda "Quelles nouvelles, et Joseph ?" Je répondis : "il est parti pour l’Allemagne". Sa réponse : "un Henin ne va pas travailler en Allemagne!". Avec lui et l’aide de Constant Pousseur de Rochefort, je sauvai de ce convoi 12 réfractaires. Cela commençait bien pour le premier convoi!
Des 12 réfractaires sauvés, quatre ne voulurent pas rentrer chez eux et je dus les placer dans des fermes. Mon frère se rendit chez Sauvenière à Haversin où je le pris en moto le lendemain soir, et je le conduisis chez Joseph Leboutte à Roumont (Baconfoy) où il devait former le maquis de Roumont et qui devint M.N.B. quand j’eus perdu tout contact après le 21 mai 1944.
Le premier essai ayant si bien réussi, je continuai à Liège et Arlon ainsi que Namur. Afin de caser un maximum de réfractaires et afin que mes parcours dans les bois ne se fassent trop remarquer, je me mis avec Jallet de Rochefort pour effectuer des transports de bois et, d’accord avec Jonet de Ciney et les gardes forestiers de la région, nous repérions les endroits pour la situation des camps. A partir de ce moment, des Russes évadés nous étaient envoyés des charbonnages de Genk, Winterslag et Marchienne-au-pont. Le premier camp russe se trouvait dans le bois de Buissonville, dans le chalet de chasse du notaire Dubois de Rochefort qui l’avait mis volontiers à notre disposition.
Autres photos d'identité utilisées pour tromper les contrôles En même temps, m’arrivaient des prisonniers français évadés qui m’étaient remis par le groupe Marc de Namur, envoyés d’Herbesthal ou amenés par Ghislaine Bastin de Marche ainsi que des aviateurs anglais et américains tombés en pays controlé par l'ennemi. Ceux-ci étaient cachés en attendant de pouvoir faire un voyage en France avec mon camion où je les remettais chez Lurot à Pont Collin, près de Willerzies. De là, ceux-ci étaient dirigés sur Paris (parfois dans des camions allemands!). Entretemps, je devais pourvoir à la nourriture et aux vêtements, fausses cartes d’identité, etc …Les principaux camps étaient Buissonville – Forzée – Bois du bouc (Ychippe) – Bois de l’Espérance (Fenffe) – Rond Bois (Rochefort) – Jemeppe – Hedrée – Ambly – Bande – Roy – Baconfoy.
RENSEIGNEMENTS- "Réseau Athos"
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