L'EXECUTION

Prison de Plötzensee


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Après le prononcé du verdict, Marie-Louise est séparée de ses compagnons (qui rejoignent une prison pour hommes) et est reconduite à la Prison de Moabit. Le lendemain, est transportée à la Prison pour femmes au n° 6 de la Barnimstrasse, une école pour gardiennes de prison, institution connue pour sa discipline sévère. Elle y remplit le formulaire d'usage "Lebenslauf" en 27 questions . Ensuite, elle est astreinte, mains menottées, à raccomoder des chaussettes de soldats souillées. Enfin, le 6 juin 1944, (jour du débarquement, dont elle aura connaissance par une gardienne, dès 11 heures!), elle est extraite de la prison de la Barnimstrasse pour être conduite à la Stadtgefangnis Berlin-Plötzensee, lieu des exécutions.

M.L. Henin fut reconduite à la prison de Moabit où le 7 janvier elle écrit sa dernière lettre et son testament. Son "Lebenslauf" date du 08.01.1944 et doit donc avoir été écrit à Moabit très tôt au matin puisque le 8 janvier, à huit heures elle sera transférée à le prison de la Barnimstrasse 6, un centre de formation de surveillantes de prison connu pour sa stricte discipline.
Le 14 janvier 1944, après ma propre condamnation à mort, j'y retrouvai "GERTRUDE" les menottes aux mains (Prison de Barnimstrasse 6)
Notre compagne, Mademoiselle Maria PASCHAL, "La Générale" nous rejoignit trois semaines plus tard. Nous étions trois Belges. Notre captivité y fut des plus dures: privations de nourriture de plus en plus grandes. Comme travail: raccomodage de chaussettes souillées de sang et de boue, provenant de soldats, ou bien, tricotage de chaussettes malgré les menottes que nous gardions jour et nuit. Une "promenade" de dix minutes de temps à autre nous permettait, malgré tout, de nous encourager l'une l'autre, soit d'un regard, soit d'un sourire car, nous devions garder 7 mètres de distance entre nous.
La haine se lisait sur le visage de nos bourreaux au fur et à mesure que les jours s'écoulaient. Des bombardements à toute heure, même au phosphore. Des pans de mur s'écroulaient, il y avait des blessés et des tués. Notre moral ne baissait point, au contraire, Gertrude avait réussi à entrer en relation avec l'extérieur et nous avait fixé une adresse au cas ou l'évasion serait possible à la suite des bombardements.
Les 19 et 24 mai 1944 furent des dates inoubliables, les bombardements sur Berlin ne cessaient plus, les flammes dépassaient et entouraient notre prison. On nous descendit dans une cellule d'arrêt grillagée. Malgré notre situation critique, nous n'espérions plus sortir de là. Mais Gertrude ne cessa de nous réconforter, élaborant même des projets pour après notre retour.
Une seule nuit, nous nous trouvions à nous trois, Gertrude, Maria et moi, dans une cellule. Elle fut dévouée tout particulièrement à notre malheureuse compagne qui était épuisée, la défendant et l'aidant de toutes ses possibilités.
Une des gardiennes qui écoutait "Londres" nous communiqua en grand secret les bonnes nouvelles. C'est ainsi que le 6 juin 1944 à 11 heures du matin, nous apprenions le débarquement en Normandie.
Ce fut du délire. Quelques minutes suffirent pour que toute la prison fût au courant.
Le moral de Gertrude était au plus élevé, les 99 jours de grâce étaient écoulés, elle espérait fermement échapper à la terrible exécution qui l'attendait. Elle avait fait des projets magnifiques pour l'avenir de son beau pays.
Mais, le Régime Hitlérien ne pardonnait jamais: le délai de grâce de 99 jours étant écoulé (Marie-Louise avait pourtant refusé d'introduire un recours en grâce ...), l'ordre de procéder à l'exécution de la décision de Justice arriva!
Hélas, le 6 juin 1944. dans la matinée les bourreaux la firent sortir de sa cellule. Je n'osai croire à la terrible vérité, j'espérais que son départ n'était qu'un nouveau déplacement vers une autre prison.
Je ne retrouvai hélas plus de traces de ma compagne.
J'appris plus tard qu'elle n'avait pas échappé à la terrible condamnation et que ses bourreaux l'avaient décapitée. Elle fut sublime jusqu'à la dernière minute

Elle fut la seconde femme exécutée ce jour-là. Juste avant elle, Emmy Zehden, une témoin de Jéhovah qui avait caché son fils et deux autres insoumis, fut exécutée à 13H00. Les exécutions se faisaient l'après-midi, et chacune ne durait que quelques secondes,
on peut penser qu'en tant que femmes, elles étaient en tête de la file de ce vendredi-là... Sinistre honneur!

Acte officiel de décès

déclaration faite le 10 juin 1944 à Charlottenburg par le Gardien-Chef Wilhelm LEITHOLD,
qui dit avoir assisté au décès, survenu par décapitation...
Il est à noter que l'employé de l'Etat-Civil s'est trompé de patronyme, attribuant à Marie-Louise et à son père le nom KEIL,
celui de l'ex-mari de la personne décédée...

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La "VEUVE"

C'est sur cette "Machine" que Marie-Louise HENIN a été exécutée le 9 juin 1944, à 13H06 par le bourreau Röttger.
Elle fut endommagée lors du bombardement britannique de la nuit du 2 au 3 septembre 1943.
C'est dans cet état que l'ont trouvée les troupes russes en Avril 1945

Contrairement à la majorité des autres guillotines utilisées dans le Reich et dans certains pays occupés,
les condamnés n'étaient pas liés debout sur un berceau qui était ensuite basculé à l'horizontale au moment de l'exécution.

Le condamné, entravé, était placé le dos à la lame, l'arrière des jambes contre le montant de bois.
Les aides du bourreau le/la forçaient alors à s'assoir, puis lui plaquaient les épaules sur la table, le cou dans la lunette...
Le bourreau faisait alors son oeuvre...

Cette position expliquerait la phrase "elle fut exécutée par décapitation, les yeux rivés vers le ciel"


Dans Wikipedia Anglais, on trouve confirmation de ce choix allemand!

 


Après l'exécution, les corps des suppliciés étaient livrés à l'Institut d'anatomie et de biologie de l'université Friedrich-Wilhelm de Berlin, pour la formation des étudiants. Ensuite, ils étaient incinérés.

La salle d'exécutions



La salle des exécutions à l'heure actuelle: la sinistre guillotine a été enlevée, et la poutre supporte les 5 crochets où furent pendus
les "conjurés de Juillet" , les auteurs et complices de l'attentat contre Hitler du 20 juillet 44 au Wolfschantze

Au total, 2 891 personnes y seront exécutées. Initialement par décapitation à la hache (de l'ouverture de la prison jusqu'à la moitié de 1937), puis avec l'accord de Hitler, par guillotine et pendaison.
Les sentences étaient généralement exécutées durant cette période par le bourreau Johann Reichhart (1893-1972), qui y officia la majorité des exécutions de sa carrière.
Afin d’augmenter les cadences des exécutions, une guillotine y sera transférée le 17 février 1937 de la prison de Bruchsal à la salle d'exécution de Plötzensee, située dans un bâtiment attenant à la cour de la prison. A partir de cette année, le bourreau en titre pour Berlin, Brandenbourg, Breslau et Königsberg était Ernst REINDL, de Gommern. Il était parfois remplacé par un de ses assistants...
Durant l'année 1943, une barre métallique composée de 5 crochets de boucher est placée dans la chambre d'exécution, qui serviront aux pendaisons. Plus tard il y aura 8 crochets pour augmenter les cadences.
Les premiers pendus seront les membres de l'Orchestre rouge, dont Maria Terwiel.
En septembre 1943 furent programmées pour une même journée 300 décapitations. Les bourreaux, à bout de forces, pataugeant dans une mare de sang, cessèrent leur travail au bout de 186 exécutions. Les autorités reportèrent les 114 suivantes le lendemain.
Dans la nuit du 7 au 8 septembre 1943, 186 prisonniers furent pendus par groupes de huit pour éviter les évasions, à la suite du bombardement partiel de la prison par l'aviation alliée, durant laquelle la guillotine fut endommagée.
C’est à Plötzensee que furent également pendus la plupart des conjurés du 20 juillet 1944 qui avaient été jugés devant le Volksgerichtshof.

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Voir aussi le site du "Memorial de la Résistance Allemande"

Plus de documentation sur la Guillotine (en Anglais); Choisir l'onglet "Fallbeil"

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Page créée le 1 sept 2013(dernière MàJ: 2/02/19 )

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