Hubert HENIN,
Résistant 40/45

Actions Armées


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Résistance Armée

En plus de ses activités de renseignement, de distributeur de la presse clandestine et de passeur d'hommes, Hubert avait aussi à assurer la subsistance des réfractaires qui avaient "pris le maquis" . Les fréquents và-et-vient vers les endroits réputés pour cacher des maquisards, ceux qu'il faisait en visitant les fermes pour collecter du ravitaillement, le firent désigner comme "peu sympathisant" pour la cause allemande (et les délateurs ne manquaient pas!)

« Pour distraire ces hommes, nous nous occupions de saboter les chemins de fer. (boyaux). Destruction des lins, colza, foins pour les allemands. De temps en temps, on s’attaquait directement aux boches afin de récupérer des armes. Cela dura jusqu’à fin 1943 où, à bout de ressources et ayant été avec le notaire Martin plusieurs fois à Dinant afin d’avoir un peu d’argent pour les plus nécessiteux de ces hommes, je dus entrer aux Partisans Armés (P.A.) où les hommes reçurent 1200 frs par mois, toujours les plus nécessiteux. A partir de ce jour, les sabotages se multiplièrent. Le plus beau de l’ensemble fut le sabotage des lignes télégraphiques des provinces de Namur et de Luxembourg. Des renseignements étaient aussi demandés de toute urgence, et étaient fournis à l’organisation militaire de renseignements. (Réseaux Athos et Zero) . Le 31 mars 1944, le directeur de la laiterie de Rochefort me prévint que la laiterie était réquisitionnée par les allemands à partir du 1er avril. Celle-ci nous fournissait une grande partie de son beurre pour les camps. Aussi fut-il décidé qu’elle sauterait la nuit même. En effet, à 10 heures du soir, l’explosion des chaudières et du matériel eut lieu mais je reçus une décharge de plombs dans la fesse gauche, coup tiré par un garde de la laiterie que l’on n’avait pu prévenir. Le lendemain, nous devions opérer une réquisition d’argent entre Jemeppe et Marloie. Je devais y prendre part avec Abel Steinfort, Joseph Stéphany et Nicolas Soubaroff. A cause de ma blessure et boîtant, je ne pus prendre part à cette action. Le pantalon tout en sang, je montai chez ma mère à Marloie. Le coup ne réussit pas. Les trois hommes furent pris. Aussitôt renseigné, mon beau-frère Jules Dupuis partit aux renseignements chez Jacob à Marloie, ancien gendarme. J’appris que les arrestations avaient été opérées grâce à un gendarme de Marche nommé D... et je sus ainsi tout ce que je devais savoir. Ma sœur Jeanne partit directement pour Haversin, porteuse de messages et d’ordres afin de délivrer les prisonniers. Malheureusement, j’avais trop escompté de mes forces et je dus m’aliter. Le Docteur Ledoux de Marche me soigna pour dépression nerveuse et épuisement: le cœur n’en voulait plus et je rentrai chez moi à Rochefort le lendemain. Ce jour, le grand chef du service ATHOS vint me voir et prétendit me transporter lui-même pour me soigner. Je refusai catégoriquement. On me transporta à Marloie où j’allais établir mon P.C.

Je voulais attaquer la Kommandatur de Marche la nuit du sabotage des ateliers du vicinal de Marloie: les 3 prisonniers se trouvaient toujours là. Mais Leclercq de Rochefort y mit formellement opposition vu que je ne pouvais diriger l’attaque moi-même. Ils furent (les prisonniers) dirigés vers la prison de Namur où je pus communiquer avec eux. Je sus que là se trouvaient 33 condamnés à mort. Nous nous rencontrâmes avec Marcel Frankson, chef du groupe Hotton, le grand Charles de Namur, chef provincial ATHOS et les P.A. du Luxembourg afin d’attaquer la prison de Namur et libérer les prisonniers. Le concours de l’aviation alliée nous était assuré. Cette mise au point devra durer plus d’un mois.
Ah que d’alertes pour ma pauvre mère qui était la première à recevoir tous ces chefs qui arrivaient avec leur mot de passe et qu’elle devait entretenir afin de s’assurer de leur authenticité avant de me les montrer, mais aussi pour ma grosse sœur Anne-Joseph, froussarde pour moi et qui se doutait bien que la maison cachait des armes et des munitions mais ne se doutait pas qu’elle couchait sur des grenades...."

Répression

Son épouse, qui résidait à Rochefort avec ses 5 filles aînées, fut plusieurs fois la cible de perquisitions des forces allemandes. Elisabeth, ma mère, qui avait été désignée par sa propre mère pour résider avec elles , se souvient qu'une fois, à la nuit tombée, elles furent alignées sur le bord de la route (en robes de nuit!) et menacées d'être fusillées sur le champs si elles ne révélaient pas où se trouvait Hubert! En partant, dépités, ils mirent par erreur le feu à la ferme... des Cornil!

Quand, suite aux premiers sabotages de la Résistance (que les allemands et leurs séides appelaient "Terroristes"), les transports et les lignes de communication furent trop souvent interrompues, les allemands lancèrent plusieurs opérations de recherche et de nettoyage de leurs arrières.
Un jour, en se levant pour aller faire sa première traite, mon père, fermier à Rochefort, fut surpris par la vue de nombreux hommes, montés et armés, qui se dirigeaient vers le chateau de Beaulieu et les bois de la route d'Eprave. Ce qui l'étonna le plus furent les petits chevaux sibériens qui servaient de monture à ces militaires. Plus tard, il apprit que ces soldats étaient des auxiliaires russes, membres de la POA (initiales cyrilliques du vocable désignant l'Armée de Libération Russe) ou "Armée Vlassov". D'autres nationalités incorporées dans les troupes SS participèrent également à ces "opérations de Police"

A cette époque vivait à la Ferme de Famenne (ancienne route de Waillet, actuellement propriété du Dr A. Brouillard, Ophtalmologue) un "Russe Blanc" nommé Yvan KALITVENTZEFF, qui, soldat volontaire dans les Cosaques du Don de l'Armée Blanche, avait fui la Russie Soviétique à l'issue de la Guerre Civile qui ravagea les restes de l'empire russe de 1917 à 1923. Marié à Agnès Magermans, originaire de Warsage dont il eut 4 fils, il s'installa comme fermier route de Waillet. Donc, dirigés et guidés par les Allemands, (et l'Abwehr, qui tient à l'oeil tout ce qui est étranger au pays), des "POA" de Vlassov s'en allèrent rencontrer leur compatriote "russe blanc", fugitif comme eux de l'Union Soviétique. Ils essayaient de faire jouer la solidarité d'exilés pour lui arracher des renseignements sur la Résitance locale. De là à avoir été observés par le maquis en plein échange en langue russe, avec des gens portant l'uniforme de l'occupant...
En tous cas, à l'aube du 14 août 44, après avoir préalablement coupé les jarrets des chevaux pour éviter une fuite à cheval, 4 hommes armés frappèrent à la porte de l'habitation, et abattirent Yvan KALITVENTZEFF d'une rafale de mitraillette, devant son épouse et ses enfants!
Plus tard, des questions furent posées: était il bien sûr que "Kalit" ait donné des informations? Ou peut être avait il simplement refusé de ravitailler des maquisards? On sait qu'après le débarquement du 10 juin, certains "résistants" ne se gênèrent pas pour procéder à des règlements de compte où la guerre n'était qu'un vague alibi! (Préçisons que, depuis la Guerre, des informations crédibles ont enfin été apportées, par exemple par l'ancien commissaire d'arrondissement André Collard, révélant que Yvan avait envoyé proprement ballader ses compatriotes, sachant par qui ils étaient téléguidés!)

Vue actuelle de la "Ferme de Famenne" propriété du Dr Brouillard

Jannée

C'est au cours de ces opérations de nettoyage que le maquis de Jannée (140 résistants), cerné le 24 août 1944 par plus de 2000 SS et des volontaires Wallons, fut pratiquement anéanti sur le plan militaire et dispersé. Il y avait peu de victimes parmi les maquisards (10 tués ou disparus), mais les allemands payèrent cher leur victoire: leurs pertes s'élévèrent à 187 hommes, tués ou blessés... Ils se vengèrent en déportant près de 50 hommes de Pessoux, (dont revinrent seulement 7 survivants) et en incendiant l'hôtel de Ville.
Pour continuer sur cette voie de la répression , les allemands poursuivirent des résistants du Maquis de Fenffe qui, dans une embuscade tendue au Bois des Tailles, venaient de leur tuer 54 de leurs hommes, dont un général et trois officiers de la Kommandantur de Dinant. Ce maquis était bien sûr composé de réfractaires (dont un grand-ducal fuyant l'incorporation dans la Wehrmacht), mais aussi de russes évadés et d'aviateurs alliés descendus en parachute lors des raids sur l'Allemagne (parmi lesquels un aviateur canadien dont la fille vient de rendre visite aux régions traversées par son père lors de son périple d'évasion... Sur la plaque commémorative de la Chapelle d'Herrock est inscrit le nom d'Edgard NASSOGNE. C'est ce dernier qui, le prenant en charge à son arrivée à Jemelle, le cacha d'abord chez lui à Buissonville. Dénoncé plus tard pour d'autres actions de résistance, il fut emmené par la Gestapo au Chateau Bourguignon de Marche, interrogé et torturé pour finalement être abattu sur place avant la fuite de ses tortionnaires devant l'avance américaine du début septembre 1944. Enterré près de la barrière du domaine -derrière le "chalet" du jardinier, toujours visible à la Rue Victor Libert- en compagnie de 5 autres résistants dont tous les corps n'ont pas été identifiés, il fut exhumé au lendemain de la Libération.(voir "Marche-en-Famenne … Aux jours périlleux de 1940-1945" par l'Abbé Guillaume) L'aviateur Canadien, William Dennstedt RCAF, navigateur d'un Bombardier Halifax, combattit les armes à la main à Herrock, et fut libéré et renvoyé en Angleterre quand leur maquis fut dépassé par l'avance américaine voir son récit sur le site des évasions).

Chateau de Beaulieu, Maquis du Rond-bois

Le récit continue:

"...A partir du 6 juin arrivèrent ordres sur ordres, principalement obstruction de la ligne 150 Jemelle Houyet où, à partir de cette date plus aucun train de marchandises n’a plus pu effectuer le trajet.
Sabotage sur sabotage, tous les hommes à l’action.
Le 28 juillet, je me trouvais dans le camp du Rond-Bois à Rochefort quand celui-ci fut cerné et attaqué par les allemands et leurs auxiliaires des POA. Auparavant, après avoir cerné le chateau de Beaulieu, une fouille approfondie leur avait permis de trouver un émetteur du réseau
Devant le nombre et pour éviter les représailles pour Rochefort, je commandais la retraite dans les grottes et promis une vierge du maquis au Rond-Bois si je ne perdais pas d’hommes et s'il n'y avait pas de représailles sur la population.
Résultat: une dizaine de boches tués d’une grenade lancée par Henri Radoux que l’ordre n’avait pu toucher. 3 prisonniers envoyés dans des camps de concentration mais tous rentrés.
La bénédiction de la chapelle du Maquis a eu lieu le 10 juillet 1949.
Le 8 août attaque de Lavaux-Ste-Anne château, bataille où il y eut plusieurs allemands tués.
14 août attaque du camp à Han par les POA russes, plusieurs tués et 3 maquisards tués.
-( le corps de Georges Lebrun fut découvert le 16 aout au lieu-dit "Bras-Propès" -en même temps que celui d'Etienne Vermeire.)
15 août. Belvaux. Le fils du notaire Martin pris.
20 août Fenffe.
Mais j’avais présumé de mes forces et dus me réfugier à bout à Assesse conduit par mon chef où je fus conduit par mon chef direct...."

Fusillés!

"...Le 6 septembre au soir, un courrier vient m’annoncer que l’on doit garder la route de Han à Rochefort et de Tellin à Wavreille et que mon adjoint est blessé. Je repars à l’aube et me fait arrêter au carrefour de chez Fontaine. On me tient prisonnier jusque vers 1h30 dans la cave chez Lelièvre, puis on vient me chercher. On me conduit chez le garde-champêtre où se trouve déjà un autre prisonnier. Grâce à mes blessures, j'étais sauvé... quand on amène Delsat pris avec un drapeau américain; ils me firent alors rentrer en me traitant de terroriste.
Aussi notre compte fut bon, car après jugement sommaire, on nous conduisit sur la route de Huy près de la ferme Floymont et ils tirèrent sur nous. Je tombai comme les deux autres et fit le mort. Delsat fut tué, l’autre blessé et moi je n’avais rien et je pus me sauver. Je rentrai à Rochefort via la gendarmerie de Ciney. Ce fut un gendarme de Ciney qui me ramena et le soir, nous démolissions 3 camions entre Han et Rochefort avec leurs occupants.
Pendant ce temps, Joseph sabotait avec le M.N.B à Baconfoy. Pierre avec l’A.S. dans les environs de Roy et Bande.
Le lendemain, les Américains étaient là. ..."

Article de Presse Le Peuple du 19 Oct 1944

 

Après Guerre


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Remarques/Remarks : Charbin

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