PROCES de Marie Louise HENIN


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Le 6 octobre 1943, elle arrive au Läger de Brandenbourg, à 70 K de Berlin. Elle y restera 3 mois et y recevra son mandat à comparaître devant le Volkgerichtshof (le "Tribunal du Peuple") le 6 décembre 1943. Cette date est cependant reportée au 6 janvier suivant, à cause des bombardements. De Brandenbourg, elle sera ensuite transférée à Berlin.

Le 4 janvier 1944, elle est conduite à la prison de Berlin-Moabit par la Kriminal Polizei de Brandenbourg-Havel. L'ordre de transfert est signé pour réception par le Kriminalgericht NW Berlin 60. Le formulaire porte aussi la date de sortie de Moabit, le 6 janvier 1944 à 8 heures

C'est donc le 6 janvier 44 que vont comparaître devant le 1. Senat du Volksgerichtshof de Berlin (qui siège au premier étage d'un hôtel épargné par les bombes), Marie-Louise HENIN et ses co-accusés . Ceux-ci sont les ingénieurs Noël ABEL, Roger DEGUELDRE et Georges MARECHAL, l'avocat LOGELAIN, le boulanger LATOUR et le docteur Michel GOFFART.

"La voiture cellulaire qui nous ramenait de Brandeburg (Untersuchungslager) s'arrêta à la prison des femmes (Frauengefangnis Moabit). Pour la première fois depuis notre arrestation, nous revoyions "COLAS" ( nom de résistante qu'elle portait dans le groupe ZERO). Les privations ne l'avaient pratiquement pas changée: son sourire et sa fermeté étaient l'essentiel d'elle-même et cela, on ne pouvait le lui prendre. Montant dans la voiture avec une toute jeune détenue, elle l'aide et profite du moment pour l'exhorter et l'encourager.
Au greffe de Moabit, tout de suite au fait, elle convient en deux mots de la défense que chacun présentera au procès. D'elle, pas un mot: tout va bien. Le 6 janvier, au petit jour un panier à salade nous emmenait au Volksgerichtshof, 1er Sénat.
Depuis la veille, nous avions les échos des derniers procès, le tarif était connu : la tête ! Aussi, pourquoi s'en faire encore ! Nous réussîmes à voir quelque chose de Berlin et constations avec plaisir que le Tiergarten était transformé par les bombardements en un paysage du front de 1914-1918.
Le Tribunal siégeait dans un salon au premier étage d'un hôtel resté debout au milieu d'arbres calcinés et de maisons incendiées. Derrière le tapis vert: deux juges en toge rouge arborant l'aigle nazi, deux hommes du parti en chemise brune, un général de la Luftwaffe, l'auditeur et une interprète. "
(Récit du Docteur Goffart, Rue Marie-Thérèse 8 à Bruxelles)

Séance du Volksgerichtshof lors du procès des « Conjurés de Juillet ». Le président est ici Roland FREISLER.
Pour le procès de Marie-Louise, les deux juges sont en toques et toges rouges, aigle allemande, avec deux membres du Parti en chemises brunes,
et un général de la Luftwaffe… Freisler était réputé pour harceler et humilier les accusés qui passaient en jugement.
Il était craint pour le « score » de condamnations à mort qu’il prononçait. Il périra dans son tribunal en Février 1945 lors d’un bombardement allié
(les photos sont montrées au titre de documents et se ne veulent pas être l'apologie du Nazisme)

 

Lors des interrogatoires des accusés, Marie-Louise (qui rappelons-le, parlait très bien l'allemand), resta fidèle aux déclarations qu'elle avait faites lors de l'instruction; en bref, elle prenait tout sur elle, et fut plusieurs fois interrompue et insultée par le président, car elle répondait directement à ses juges, coupant la parole à ses camarades lorsqu'elle les voyait prêts de s'enfoncer en tombant dans les pièges de l'accusation....

..."Avant l'ouverture des débats, le juge demanda à Marie-Louise HENIN pourquoi elle refusait de se faire assister d'un avocat.
–« Je suis Belge lui répond-elle. Je ne dépends pas de la juridiction allemande, je veux être jugée suivant les lois de mon pays et je ne me prêterai pas à la comédie d'être défendue par un avocat nazi qui n'a pas eu connaissance des pièces du dossier.» -Le président frappe la table du poing en l'invitant de se taire mais elle continue imperturbable: «Je sais que vous allez me condamner à mort, mais cela m'est parfaitement indifférent; en le faisant, Messieurs, vous me ferez beaucoup d'honneur!»
L'atmosphère devient compacte, le Tribunal a compris, il es1 en son pouvoir de la condamner, mais cette Belge qui a déjà fait le sacrifice de sa vie, luttera pour faire entendre la voix de ceux qui refusent la domination allemande. On lui donne ensuite lecture de son curriculum vitae, elle interrompt le juge, proteste contre certaines inexactitudes tendancieuses, elle précise, véhémente et fière.
Vient la lecture de 1'acte d’accusation : "COLAS" reconnaît tout: "Je n'avais pas de sentiments hostiles à l'égard de l'Allemagne. Il y a quelques années j'ai même été étudier le fonctionnement du régime à Munich, mais du jour où vous avez violé la neutralité de mon pays, vous êtes devenus des ennemis. Pour vous combattre, j'ai fait le sacrifice de tout ce que je possède. Je ne regrette rien et si vous me remettiez en liberté, je me remettrais entièrement au service de ma patrie." Les juges sont furieux mais dignes: ils font évacuer de la salle le rare public des permissionnaires qui vient se distraire à voir tomber des têtes. La cause est entendue. Aux aguets, elle suit les débats sur le cas de ses co-accusés. Sans y être invitée, elle intervient, volant au secours d'un prévenu qui cherche à minimiser son cas. Elle surenchérit: C'est exact, "La Libre Belgique" était une petite feuille clandestine inoffensive; ce n'est que quand j'en ai eu personnellement le contrôle qu'elle a eu les qualités anti-allemandes que vous lui reprochez."
Pendant deux ans, j'avais tout nié. Devant le tribunal mon accusateur confirmait ces dires, quand voici Marie-Louise HENIN qui se lève malgré l'intervention des schupos et intervient "J'ai connu l'accusé comme client. Il était totalement indifférent à la situation militaire. Je le méprisais et n'aurais jamais osé lui faire part de mes activités. L'accusateur n'est pas digne de foi."
Admirable de vaillance, d'à-propos, d'abnégation !
"

Quant à elle, lorsqu'on la menace d'une peine exemplaire pour la faire tenir plus tranquille, elle rétorque par bravade: "je sais que vous allez me condamner à mort, et ce faisant, messieurs, vous me ferez beaucoup d'honneur". Encore une fois, elle restait à la hauteur de ses déclarations, car sur son "Lebenslauf" (une sorte de Curriculum rempli en prison après la comparution, sans doute pour permettre à l'accusé de montrer quelque signe de regret?) , à la question "si vous étiez libérée, qu'avez vous l'intention de faire?", elle répondit "me remettre à la disposition de ma patrie". C'était un peu provocateur, face à des juges qui distribuaient plus de peines de mort que de pain à la population...

"Après quatre heures de débats, le jugement fut rendu:
trois condamnés à mort , trois condamnés à huit ans, un acquitté au bénéfice du doute. La police vient nous remettre les menottes, on nous reconduit dans les caves. Marie-Louise HENIN est en présence de celui qui, sous la torture, a "donné" toute la bande; elle va à lui, l'embrasse en signe de pardon et lui donne sa ration de pain. Un camion nous reconduit en prison. Rapidement, Marie-Louise HENIN raffermit les courages. Malgré nos instances, elle refuse de signer un recours en grâce. "D'ailleurs, à quoi bon ? Les nouvelles sont excellentes."

La séance dure 4 heures, et se termine par trois condamnation à mort, 3 peines de 8 ans de prison, et un acquittement.
Noël ABEL et Roger DEGUELDRE furent exécutés à la Prison de Brandenbourg-Görden le 20 mars 1944.
Marie-Louise HENIN sera exécutée 3 mois après, le 9 juin 1944.

Robert LOGELAIN, Georges MARECHAL et Jules LATOUR seront incarcérés (mais libérés par la fin de la guerre) , tandis que le Docteur GOFFART sera acquitté, au bénéfice du doute... C'est de lui que nous tenons la narration de la séance du Tribunal.

 

 

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Remarques: Webmaster
rédigé le 2/9/13 (Dernière MàJ; le 17/07/14 )

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