La Guerre 40-45


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Arrive la mobilisation de 1939. On ne connait pas l’attitude que prit Marie-Louise, mais elle dit que même à l’époque, elle n’avait pas de sentiments anti-allemands. Dans les réponses qu'elle fera lors des interrogatoires qui ont suivi sa capture par la Gestapo, Marie-Louise déclarera que, avant la guerre, elle considérait d'un oeil plutôt bienveillant l'Allemagne et son renouveau. Elle dit que c'est à l'aube du 10 mai, dès les premières nouvelles de l'invasion de son pays par les Forces Allemandes, qui violaient sa neutralité pour la seconde fois en 25 ans, que son opinion vis à vis de l'envahisseur bascula.. Dès l’annonce de l’arrivée en gare du Nord des premiers réfugiés venant de l’est de la Belgique, elle se munit de nourriture et d’objets de première nécessité, et va elle-même les distribuer aux plus nécessiteux. Elle en ramènera même chez elle, le temps de les ravitailler et de les réconforter !

On sait que les Armées Françaises et Anglaises lancées dans le "Plan Dyle", sont venues, dès que le Roi Léopold III eut fait appel aux garants de notre neutralité, pour aider nos troupes à tenter de contenir l’invasion. Devant l’écrasante supériorité tactique de l’ennemi, les alliés durent battre en retraite, et inévitablement, des soldats égarés derrière les lignes allemandes allaient être capturés. Marie-Louise les aide donc dans un premier temps à éviter d'être faits prisonniers, et ensuite, à rejoindre leurs Forces.
Ensuite, elle participera à la manifestation interdite de la Fête Nationale le 21 juillet, en allant déposer un bouquet de fleurs sur la Tombe du Soldat Inconnu.
A l’automne, elle rencontre Abel Noël et Robert Logelain, qui avaient, depuis le mois d’août, relancé la rédaction, l’impression et la distribution de « La Libre Belgique ». Elle se met à leur disposition, elle et ses biens, leur trouve un imprimeur et participe à l’expansion de ce journal clandestin en Belgique. Elle contribue aussi au financement et à la diffusion d’autres journaux, dont « De Vrij ».

De plus, comme les britanniques, en réponse au Blitz sur Londres, commencent à lancer des raids de nuit sur les villes allemandes, des avions de la RAF tombent victimes de leurs défenses aériennes. Marie-Louise participe au recueil des aviateurs et à leur évasion des territoires occupés pour rejoindre leurs unités en Grande-Bretagne. Pour ne rien laisser au hasard, elle monte un réseau d’amis qui recueillent des informations sur les installations aériennes allemandes entre Bruxelles et la Côte Belge. Tous ces renseignements aboutissent chez elle : sa boîte aux lettres, sous le nom de code de « Colas », devient le relais d’acheminement de tous les documents de son réseau vers l’Angleterre, via entre autres, le « Service Zéro ».


On lui attribue de biens mauvais tours aux occupants; jouant de sa connaissance de la langue allemande et des relations que sa profession lui a permis de se faire, elle achemine ses journaux clandestins au nez et à la barbe de l’occupant, en utilisant parfois son charroi militaire! Voir différentes anecdotes dans le livre de G.Lielens

"Très vite elle fut en contact avec les mouvements de résistance.
Elle leur transmit jour après jour les mille renseignements recueillis durant ses tournées en bicyclette ou reçus de ses amis. Les mois passaient : ce fut la période tragique du «Blitz» sur l'Angleterre. La B.B.C. apportait à Bruxelles l'écho sinistre des bombardements de Londres et de Coventry. Marie-Louise, sous I’indicatif Colas, parvint à donner au service Zéro, maints renseignements qui, transmis à nos amis anglais, leur furent de la plus grande utilité. Elle fut ainsi «un des agents les plus précieux de la première heure. »
La résistance belge comportait alors un grand nombre de groupements n'ayant entre eux que peu ou pas de contacts. Marie-Louise Henin espérait réunir tous ces éléments en un groupe compact. Au début de 1941, elle était parvenue à en identifier un certain nombre et au mois d'avril elle pouvait croire qu’elle allait réaliser cette union. A ce moment, elle décida d'abandonner son métier de dentiste, trop absorbant, pour se livrer tout entière à ses activités secrètes. Le jour, elle courait les routes pour récolter des renseignements, le soir elle collaborait à la rédaction de la Libre Belgique. Mise en rapport avec les dirigeants de ce journal clandestin aux prises à ce moment avec des difficultés matérielles presque insurmontables, elle trouva un imprimeur; du papier, un chauffeur et un camion de la Gestapo pour faire le transport du papier et des imprimés.
Alors commença pour elle, une vie débordante d'aventures. Le samedi et le dimanche, elle les passait à l'imprimerie. Là, avec toute la famille Lielens, elle travaillait, tantôt à diriger une plieuse, tantôt à compter les paquets de journaux à distribuer en gros. Le lundi matin, avant l'arrivée des ouvriers de l'imprimerie, elle arrivait avec le camion de la Gestapo et chargeait les journaux. Ce travail harassant s'égayait parfois d'un intermède. Tel lundi matin, Marie-Louise était installée à côté du chauffeur, là voiture longeait les boulevards extérieurs de Bruxelles. Tout à coup, un motocycliste allemand s'élance à leur poursuite. Le chauffeur accélère, mais la moto dépasse le camion et fait signe de s'arrêter. Marie-Louise va-t-elle trahir une émotion ? Non, sa réaction est immédiate. Elle fait stopper le camion et s'adresse à l'Allemand dans sa langue : « Que veux-tu ? » Un large sourire lui barrant le visage, le feldgendarme lui répond : « Nous vous suivions, tout à l'heure, la porte de votre camion s'est ouverte, un gros ballot est tombé. Mon camarade le garde, là-bas; moi, je suis venu vous prévenir. Faites machine arrière et venez reprendre le colis. » Le chauffeur, complice, suait à grosses gouttes; Marie-Louise, souriante lui donne l'ordre de retourner à l'endroit où repose le paquet de Libre Belgique fidèlement gardé par un soldat allemand. Aidés des deux gendarmes, ils replacent le paquet dans le camion. Puis, imperturbable, Marie-Louise se retourne et s'adressant aux deux Feldgrau : «Vos noms, mes amis ? Je les transmettrai à vos chefs pour qu'ils vous récompensent de votre zèle et de votre amabilité !» Un autre jour, tandis qu'elle surveille le chargement du camion, elle apprend du chauffeur, que von Falkenhausen, gouverneur allemand de Belgique et du Nord de la France, va offrir an grand dîner à une série de membres de l'Etat major allemand Aussitôt une idée germe : faire tenir un exemplaire de la Libre Belgique à chacun des convives. Les complicités sont facilement trouvées et le lendemain, chaque officier, en dépliant sa serviette y trouve un spécimen du journal clandestin. L'histoire ne nous dira jamais quelles furent les réactions du maître de maison et de ses hôtes...
En avril 1941, elle fut mise en rapport avec les éditeurs du journal clandestin Le Belge. Eux aussi se trouvaient en difficultés; jusqu'à présent ils avaient reproduit leur journal au stencil, mais ils avaient l'ambition de le faire imprimer; or tous les imprimeurs n'étaient pas sûrs et beaucoup, qui étaient de bons belges, manquaient du papier nécessaire. Marie-Louise leur proposa un imprimeur, elle fit imprimer le journal à ses frais. Elle parvint aussi à mettre au point l'édition flamande de la Libre Belgique : «Vrij». Et lorsqu'elle sera arrêtée par les Boches, ses dispositions auront été prises pour que ces derniers journaux puissent continuer à paraître pendant quelques semaines.
Mais elle ne se bornait pas à mettre en rapport rédacteurs et imprimeurs de journaux clandestins et à payer de ses deniers l'impression de ces soutiens moraux. Elle se dévouait corps et âme aux malheureux qui travaillaient dans la résistance. Elle parvenait à obtenir des timbres de ravitaillement et en aidait telle famille pauvre dont le père était distributeur. Tel autre collaborateur, ayant femme et enfants et privé de l'emploi qui le faisait vivre, recevait régulièrement des dons en espèces versés par Marie-Louise elle-même. Pour cacher sa générosité, elle disait : «Cela vient de Londres.» Sainte et noble générosité qu'elle dissimulait, par simplicité, par une humilité de cœur qui ne lui permettait pas de se montrer ouvertement si grande. Mais ce n'était pas encore tout. Les Alliés ont besoin de renseignements, de beaucoup de renseignements, de renseignements de toute sorte que le service Zéro leur transmet. Marie-Louise met tous ses amis au travail : les uns devront aller vérifier un emplacement de munitions: tel autre ira repérer exactement la situation des réservoirs d'essence d'un champ d'aviation et sera chargé d'entrer en relation avec un employé de «l’Office des Propriétaires » qui pourra lui transmettre les plans de plusieurs usines assurées travaillant pour les Allemands. Mais elle-même sera la plus active. Sûre de sa parfaite connaissance de l'allemand, elle s'est fabriqué de faux papiers et circule librement le long de la côte qui était alors sévèrement interdite à tous les Belges. Elle y apprend la situation d'un bloc de défense, d'un nid de mitrailleuses, d’un centre de D.C.A. et de l'avancement du fameux mur de l'Atlantique. Dès son retour à Bruxelles, le service Zéro reçoit les renseignements recueillis et Londres peut avertir ses aviateurs des endroits à bombarder et de ceux qu'il faut survoler de très haut parce que dangereux.
" (G.Lielens "Marie-Louise HENIN")


Et ce n’est pas tout : en juillet 41, Hubert Henin, un de ses cousins, ayant du fuir les Ardennes où il était recherché par la police allemande, se voit assigné un rendez-vous à la Place Fontainas à Bruxelles . Il doit se présenter devant un comité de la Résistance qui trouvera pour lui un abri sûr, mais aussi de nouvelles tâches où il pourra mettre ses capacités particulières au service de son pays. Arrivé devant ce comité, à son grand étonnement, il est mis en présence de sa propre cousine dont la réputation, dans la famille, était plutôt « pro-germanique » ! Il comprend qu’il ne doit pas montrer qu’il l’a reconnue. Là, on lui propose d’abord de rejoindre l’Angleterre, ce qu’il refuse devant sa méconnaissance de la langue, mais aussi pour ne pas abandonner sa femme et ses cinq filles. On lui propose alors, vu sa facilité à traverser la frontière française (il a « rapatrié », de sa propre initiative, plus de 200 prisonniers français évadés lors de leur transfert vers l’Allemagne en juin 1940), de servir de « passeur » pour les agents et autres fugitifs devant transiter par la France. Ce qu’il fait à plusieurs reprises. Lors du retour d’une de ces missions, il apprend l’arrestation de Marie-Louise…

Arrestation


En effet, à l’aube du 4 novembre 1941, Marie-Louise est arrêtée par la Gestapo à son domicile. Elle est d’abord incarcérée à la prison de St Gilles où elle est durement interrogée pour ses différentes activités de résistance. A toutes les questions, elle essaie de répondre en égarant au maximum l’ennemi. Elle fait tout pour protéger ses amis, ces résistants de la première heure. La première phase de l’instruction est menée en Belgique ; elle reste incarcérée à St-Gilles.

Elle avait déjà accompli bien du travail, la chance qui l'avait favorisée jusque là, allait l'abandonner. Les Allemands devaient, pour vaincre, supprimer cette Résistance qui tissait ses mailles à travers toute la Belgique. Beaucoup déjà, parmi les meilleurs avaient été arrêtés et moisissaient dans les prisons et les camps allemands. Le 4 novembre 1941, à 6 heures du matin, les Allemands vinrent arrêter Marie-Louise Henin. Pour être sûrs qu'elle ne pourrait s'échapper, ils mirent deux soldats dans la rue, la mitraillette à l'épaule; quatre autres sonnèrent chez le voisin, l’obligèrent à les laisser passer, franchirent le mur mitoyen du jardin, brisèrent une fenêtre à coups de crosse et la surprirent au lit, A l’officier qui fit manœuvrer l'espagnolette et sauta dans sa chambre elle lança : « Est-ce là votre culture ? Des soldats doivent-ils à cette heure indue pénétrer dans la chambre d'une femme seule, sans s'annoncer ? » Aussitôt la perquisition commença. Plusieurs milliers de Libre Belgique étaient entreposés chez elle, avec les clichés. Sur sa machine à écrire, une feuille dactylographiée : c'était 'énumération inachevée de toute une série les renseignements d'ordre militaire. A 11 heures, la porte, bardée de fer de la prison se referma derrière Marie-Louise Henin. Le concierge, un Belge, la regarda passer, entourée de trois policiers et lui fit un imperceptible signe de complicité et de bienvenue. Puis ce furent les longs couloirs, coupés de portes grillagées, enfin la porte de la cellule claqua derrière elle. Quelques instants après, la gardienne souleva le judas et l'observa. Marie-Louise ne manifestait aucune douleur, aucune peur, aucune colère; elle s'était assise sur sa paillasse et retirée dans cette contemplation de soi-même qui donne l'impression de liberté aux détenus. Elle avait maintenant devant elle, la totalité de sa vie. Allait-elle la retrouver plus tard, ou n'allait-elle plus la retrouver? La gardienne qui l'observait ne pouvait comprendre cette attitude : elle ne savait pas que c'est le climat intérieur qui fait la joie ou la tristesse pour les âmes bien nées et non les circonstances. Ses compagnes de captivité se souviennent l'avoir vue, le lendemain de son arrestation, grande et forte, le teint clair, les yeux brillants, attendant son tour de sortir de la cellule pour aller faire «la promenade» dans un triangle grillagé où elle était enfermée comme une lionne en cage.
Quelques jours plus tard elle fut amenée à la Gestapo. L'officier qui l'interrogea fut frappé par tous les détails de son attitude : sa figure, son port de tête, son maintien et surtout l’expression étrange que ses lèvres donnaient à tout son visage. Il ne trahissait ni la rancune, ni la peur, ni l'insolence, ni la surprise, ni la colère mais l'obstination terrible d'une femme prête à tout sacrifier plutôt que de rien avouer. Alors les coups tombèrent; quand ce fut fini, elle s'inclina, gravement, comme si on venait de lui faire un insigne honneur. Mais ses compagnes qui attendaient son retour et la guettaient par le judas de leur cellule la virent rentrer couverte d'ecchymoses, la lèvre tuméfiée, la main écorchée, les dents cassées.(G.Lielens "Marie-Louise HENIN")

Ensuite, les allemands préférant à l’époque juger les affaires d’espionnage et de haute trahison en Allemagne, Marie Louise est transférée le 24 juillet 1942 à Essen. Là, elle continue à appliquer ses principes, défend les intérêts de ses codétenues, demande à être reçue par le directeur de la prison, exige et obtient pour ses compagnes, l'amélioration de la nourriture, le privilège d'être traitées en prisonnières politiques et d'être séparées des prisonnières allemandes de droit commun.

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Remarques: Webmaster
Rédigé le 2/9/13, dernière MàJ le 20/07/14

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